Bien souvent nous voulons nous en sortir par nos propres forces : âlaisse, je gĂšre.â Nous voulons rĂ©ussir chacun par soi-mĂȘme pour prouver, Ă soi et aux autres, que nous en avons la capacitĂ© : ainsi le fils de la parabole qui veut rĂ©ussir sa vie loin du pĂšre. Il est lâimage de lâhumanitĂ©, qui a voulu vivre en autonomie, sans Dieu, depuis le pĂ©chĂ© de nos premiers parents. Ce dĂ©sir dâindĂ©pendance est une façon dâaffirmer sa dignitĂ© et, pourtant, câest justement par cet acte dâaffirmation de soi que la dignitĂ© est perdue. Pour avoir voulu sâaffirmer comme sujet libre, le fils devient gardien de porcs, moins bien nourri quâun esclave. Dans nos pĂ©chĂ©s dâorgueil, câest justement quand nous voulons nous Ă©lever que nous nous abaissons. La libertĂ© absolue est un leurre : celui qui ne veut pas servir Dieu devient esclave du diable, mauvais maĂźtre qui nous mĂ©prise dâautant plus que nous lui avons obĂ©i.
Si la dignitĂ© de lâhomme ne rĂ©side pas dans lâindĂ©pendance, elle ne rĂ©side pas non plus dans la puissance, la capacitĂ© Ă suivre ses dĂ©sirs, Ă faire ce que lâon veut. Parce quâil ne sait pas mettre un frein Ă ses appĂ©tits, le fils prodigue est menĂ© Ă la ruine, au point de ne plus pouvoir satisfaire ses besoins les plus basiques. Cette tendance Ă perdre la libertĂ© en voulant lâaffirmer est caractĂ©ristique de lâĂ©poque de la âjouissance sans entravesâ : les limites sont justement ce qui permet de ne pas devenir lâesclave dâun appĂ©tit toujours plus puissant Ă force de ne pas ĂȘtre contenu. Mais, en rĂ©alitĂ©, cette tendance est celle de toutes les Ă©poques, depuis quâAdam et Eve nâont pas voulu rĂ©sister Ă lâattrait du fruit dĂ©fendu.
La dignitĂ© ne rĂ©side pas non plus dans le fait dâobĂ©ir Ă la loi de Dieu. JĂ©sus pour sa parabole a volontairement choisi deux fils pour nous montrer deux Ă©cueils symĂ©triques. LâaĂźnĂ© par son obĂ©issance extĂ©rieure aux rĂšgles de la biensĂ©ance espĂšre une rĂ©compense. Cela lui pĂšse dâĂȘtre un bon fils et il prĂ©fĂ©rerait pouvoir faire la fĂȘte avec ses amis sans sa famille. Il est âsoumisâ, au mauvais sens du terme. Ce nâest pas cette relation, ultimement intĂ©ressĂ©e, que Dieu veut entre nous et Lui, mais celle de lâamour filial. Celui qui est enfant de Dieu fait le bien parce que celui-ci jaillit de son cĆur rendu bon par lâEsprit-Saint qui nous a Ă©tĂ© donnĂ©, et non en se forçant pour essayer par lĂ de mĂ©riter un amour qui, de toute façon, ne peut ĂȘtre que gratuit.
En rĂ©alitĂ©, la dignitĂ© de lâhomme ne dĂ©pend pas de ce quâil fait mais lui est donnĂ©e gratuitement par Dieu, indĂ©pendamment de tout mĂ©rite prĂ©alable. Dieu nâa pas peur de nous aimer alors que nous sommes pĂ©cheurs, que nous nous sommes volontairement coupĂ©s de Lui, parce quâIl sait que son amour transforme et rend bon ce qui ne lâĂ©tait pas au prĂ©alable. La misĂ©ricorde nâest pas une faiblesse de papa-gĂąteau, parce quâelle change celui qui la reçoit pour le rendre digne de ce don. Notre dignitĂ©, câest lâadoption filiale qui fait de nous des enfants de Dieu par les mĂ©rites de JĂ©sus-Christ. Câest la seule chose qui a vraiment de la valeur, et elle ne sâachĂšte pas. Demandons donc Ă Dieu de comprendre que ce ne sont ni la libertĂ© individualiste, ni la capacitĂ© de faire ce que lâon veut, ni lâobĂ©issance extĂ©rieure Ă des rĂšgles qui fondent notre dignitĂ©, mais le don de la grĂące qui nous rend amis de Dieu.
Don Axel de PERTHUIS
Dans la nuĂ©e de la Transfiguration, dimanche dernier, le PĂšre nous demandait expressĂ©ment « Celui-ci est mon Fils, Ă©coutez-le ! ». Alors tendons lâoreille (du cĆur) Ă cette parabole du figuier stĂ©rile que JĂ©sus donne en rĂ©ponse Ă ses interlocuteurs. En effet ces derniers posent Ă JĂ©sus une question morale prĂ©cise en relatant une affaire scandaleuse qui a dĂ©frayĂ© la chronique : Pilate a fait exĂ©cuter des galilĂ©ens venus Ă JĂ©rusalem en pĂšlerinage. Le problĂšme est le suivant : en quoi ces malheureux ont-ils mĂ©ritĂ© leur sort ? Et sâils ne lâont pas mĂ©ritĂ©, comment expliquer cette sĂ©vĂ©ritĂ© qui sâest abattue injustement sur eux ? Cela fait Ă©galement Ă©cho aux paroles des disciples sur lâaveugle-nĂ©, « Seigneur est-ce lui ou ses parents qui ont pĂ©chĂ© ? ». En prenant un autre fait divers, JĂ©sus Ă©carte lâidĂ©e quâils Ă©taient plus grands pĂȘcheurs pour mĂ©riter un tel sort.
Mais JĂ©sus va plus loin et renchĂ©rit : « si vous ne vous convertissez pas, vous pĂ©rirez tous de mĂȘme. » Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. JĂ©sus nous invite Ă nous libĂ©rer du regard que lâon porte sur les autres et leurs pĂ©chĂ©s. Ce qui aveugle prĂ©cisĂ©ment notre propre cĆur. Nous lâentendions il yâa quelques dimanches : « quâas-tu Ă regarder la paille qui est dans lâĆil de ton frĂšre ? ». La discussion nous conduit Ă revenir Ă notre propre vie, Ă notre figuier qui ne porte pas de fruit de conversion. La conversion est une action. Le pire serait de ne rien faire.
Dans le mouvement de la conversion il y a dâabord un rejet, une aversion du mal. Puis une attraction Ă Dieu. Comment rĂ©pondons-nous Ă cet appel Ă la conversion ? JĂ©sus disait Ă un moine bĂ©nĂ©dictin irlandais : « avec lâappel, je donne toujours la grĂące de rĂ©pondre Ă mon appel. »
Pour illustrer cela, la parabole du figuier stĂ©rile nous secoue mais nous console Ă©galement. Elle nous bouscule, car le propriĂ©taire de lâarbre semble avoir eu du fruit de son arbre dans le passĂ©, mais cela fait trois ans quâil ne trouve plus rien. Il a montrĂ© une certaine patience ! Mais malgrĂ© cela, un jardinier trouve encore la bontĂ© de lui proposer des soins particuliers (inutiles ?). On y retrouve dans la gĂ©nĂ©rositĂ© et le labeur de ce sauveur les mĂȘmes traits que le pĂšre de la parabole du fils prodigue. Sa misĂ©ricorde semble ne pas avoir de limite. Cela heurtera le fils aĂźnĂ©, ce qui est humainement comprĂ©hensible. Pourtant ne nous trompons pas, le jardinier lui-mĂȘme dira : « laisse-le encore cette annĂ©e (âŠ) sinon tu le couperas. » La volontĂ© du jardinier et du propriĂ©taire coĂŻncident. Tout arbre qui ne porte pas de fruits sera jetĂ© dehors. Nous trouvons dans ces deux personnages, comme une image de JĂ©sus et de Saint Jean-Baptiste qui nous annoncent la colĂšre qui vient. Mais JĂ©sus est lĂ pour proclamer : « LâEsprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur mâa consacrĂ© par lâonction. Il mâa envoyĂ© porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libĂ©ration et aux aveugles quâils retrouveront la vue, remettre en libertĂ© les opprimĂ©s, annoncer une annĂ©e favorable accordĂ©e par le Seigneur. » Luc 4, 19.
Alors⊠merci Seigneur de ta patience. Merci de nous libérer de nos esclavages ! Que nous portions un fruit qui te plaise, un fruit en abondance !
Don Christophe GRANVILLE
Le temps du CarĂȘme nâen est encore quâĂ son dĂ©but et, pourtant, lâĂglise veut dĂ©jĂ nous redonner du courage, en nous donnant Ă voir lâobjectif de ce temps de priĂšre, de pĂ©nitence et de partage  : la glorification de Dieu et notre propre glorification avec Lui. Dans notre itinĂ©raire de CarĂȘme, aprĂšs avoir suivi JĂ©sus au dĂ©sert pour triompher avec lui des tentations de Satan, nous sommes maintenant appelĂ©s Ă gravir avec Lui la montagne, pour dĂ©couvrir sur son visage humain la splendeur de sa divinitĂ©. Dans cet Ă©pisode, la lumiĂšre et la voix attestent la divinitĂ© de JĂ©sus : par la lumiĂšre, quelque chose de la gloire divine de JĂ©sus nous est donnĂ© pour nous rendre capable de confesser quâIl est vrai Dieu et vrai homme ; par sa voix, le PĂšre accrĂ©dite une nouvelle fois son Fils unique auprĂšs des hommes, en nous appelant Ă Ă©couter sa voix.
Comme Pierre, Jacques et Jean, nous recevons de lâĂ©pisode de la Transfiguration une force dans le grand chemin de Croix que constitue le CarĂȘme, Ă la suite de JĂ©sus. La Croix et la Gloire sont indissociables : de mĂȘme que, dans la Gloire du Ciel, JĂ©sus conservera les marques de ses souffrances, de mĂȘme, dĂ©jĂ , dans la Passion et la Croix, transparaĂźt sa gloire, câest-Ă -dire le resplendissement de son amour : la Croix est une exaltation, une Ă©lĂ©vation du Fils par le PĂšre. Dans toutes les Ă©preuves de notre vie, cette lumiĂšre nous est nĂ©cessaire. « Ce quâest ce soleil pour les yeux de la chair, JĂ©sus lâest pour les yeux du cĆur », Ă©crit saint Augustin. La lumiĂšre pour surmonter les Ă©preuves de notre vie ne peut venir que de cette Croix glorieuse de JĂ©sus, qui retourne un instrument de souffrance en instrument dâamour et de salut.
Comme Pierre, Jacques et Jean, nous voudrions rester avec JĂ©sus seul sur le Thabor, dans une union intime dâamour que la priĂšre vient permettre en nous mais, pourtant, il nous faut, tant que nous demeurons sur terre, redescendre de la montagne pour Ćuvrer ensemble Ă la charitĂ© qui transforme, peu Ă peu, mystĂ©rieusement le monde. Comme le dit saint Vincent de Paul, « on ne quitte pas Dieu pour aller Ă Dieu », on ne quitte pas JĂ©sus lorsquâon le retrouve dans le visage de nos frĂšres et sĆurs, en particulier les plus fragiles. Tel est le sens de lâunitĂ© profonde entre les trois piliers du CarĂȘme : la pĂ©nitence qui purifie notre Ăąme et notre corps, la priĂšre qui nous unit Ă Dieu et le partage qui nous tourne vers les autres, dans un chemin commun de sanctification.
« Si tu es le Fils de Dieu, dis Ă cette pierre quâelle devienne du pain ! »
Selon le Tentateur, le Fils de Dieu doit donc pouvoir rĂ©soudre le problĂšme de la faim matĂ©rielle, pour lui et pour la terre entiĂšre. Câest la tentation du matĂ©rialisme  : le sauveur du monde nâest-il pas celui qui doit fournir du pain et du bien-ĂȘtre Ă tout le monde ? « On peut tout-Ă -fait comprendre que le marxisme ait prĂ©cisĂ©ment fait de cet idĂ©al le cĆur de sa promesse de salut : il aurait fait en sorte que toute faim cesse et que âle dĂ©sert devienne du painâ.  » (J. Ratzinger – BenoĂźt XVI, JĂ©sus de Nazareth, I, p.51). Mais lâissue nĂ©gative du marxisme montre que « lĂ oĂč Dieu est considĂ©rĂ© comme une grandeur secondaire que lâon peut Ă©carter temporairement ou complĂštement, au nom de choses plus importantes, alors ces choses supposĂ©es plus importantes Ă©chouent aussi. » (p. 53). CâĂ©tait un leurre du Tentateur. Dieu considĂ©rĂ© comme moins urgent, moins important, moins nĂ©cessaire, que les choses matĂ©rielles ; Dieu secondaire, superflu, voire ennuyeux.
« Voir dans le christianisme une recette conduisant au progrĂšs et reconnaĂźtre le bien-ĂȘtre commun comme la vĂ©ritable finalitĂ© de toute religion, et donc aussi de la religion chrĂ©tienne est la nouvelle forme de cette tentation. » (p. 62).
« Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi dâici en bas », fais quelque chose de sensationnel qui montrera clairement Ă tes contemporains que Dieu est venu parmi les hommes. Beaucoup disent en effet Ă JĂ©sus : « si tu veux que nous croyions en toi et que nous organisions notre vie en fonction de la RĂ©vĂ©lation biblique, manifeste-toi de façon plus claire. » (p. 241) âSinon, on se contentera dâun salut par naturo-thĂ©rapies New-Age et philosophies bouddhistes.â« La pensĂ©e contemporaine tend Ă dire que chacun doit vivre sa religion ou peut-ĂȘtre mĂȘme lâathĂ©isme qui est le sien et que, de cette maniĂšre, il trouvera le salut. » (p. 113) âChacun sa vĂ©ritĂ©, car la RĂ©vĂ©lation nâa pas Ă©tĂ© assez claire.â
« Le Tentateur nâa pas la grossiĂšretĂ© de nous inciter directement Ă adorer le diable. Il nous incite seulement Ă choisir ce qui est rationnel, Ă donner la prioritĂ© Ă un monde planifiĂ© et organisĂ©, oĂč Dieu en tant que question privĂ©e peut avoir une place, sans avoir pourtant le droit de se mĂȘler de nos affaires essentielles. Soloviev [dans un Ă©crit de 1900 intitulĂ© âCour rĂ©cit sur lâAntĂ©christâ] attribue un livre Ă lâAntĂ©christ : âLe Chemin public vers la paix et le bien-ĂȘtre du mondeâ, livre (âŠ) dont le contenu vĂ©ritable est lâadoration du bien-ĂȘtre et de la planification raisonnable. » (p. 61, cf. p. 55).
La question que pose ces tentations « est de savoir ce que doit faire un sauveur du monde. » (p. 61) « Que nous a apportĂ© JĂ©sus sâil nâa pas fait advenir un monde meilleur ? » (p. 62) « Nous continuons de penser que si JĂ©sus voulait ĂȘtre le Messie, il aurait dĂ» nous apporter lâĂąge dâor. » (p. 63). Nous continuons de penser quâil devrait se manifester plus clairement. Câest encore un leurre.
Tout messianisme qui prĂ©tend apporter tout bien ĂȘtre « reste un royaume humain, et celui qui affirme quâil peut Ă©riger un monde sauvĂ© approuve lâimposture de Satan et fait tomber le monde entre ses mains. » (Ibid.)
« Seule la duretĂ© de notre cĆur nous fait considĂ©rer que câest peu de chose » dâĂȘtre sauvĂ© par un Dieu comme JĂ©sus. « Encore et toujours, la cause de Dieu semble continuellement comme âĂ lâagonieâ. » (p. 64) Mais câest seulement ce Dieu lĂ qui sauve vraiment.
« A la divinisation fallacieuse du pouvoir et du bien-ĂȘtre, Ă la promesse fallacieuse dâun avenir garantissant tout Ă tous, en vertu du pouvoir et de lâĂ©conomie, il a opposĂ© la nature divine de Dieu⊠», le seul Dieu adorable et durable, le seul glorieux dans son humilitĂ© et son Amour, jusquâau don sacrificiel de soi, seule source de Vie. O Crux Ave, Spes unica. âSalut, ĂŽ Croix, notre unique EspĂ©rance.â
Don Laurent LARROQUE
«âŻJ’ai une grande douleur dans le cĆur face Ă la dĂ©gradation de la situation en Ukraine. MalgrĂ© les efforts diplomatiques de ces derniĂšres semaines, des scĂ©narios de plus en plus alarmants s’ouvrent. Comme moi, de nombreuses personnes dans le monde ressentent de l’angoisse et de l’inquiĂ©tude. Une fois de plus, la paix de tous est menacĂ©e par des intĂ©rĂȘts partisans. Je voudrais lancer un appel Ă ceux qui ont des responsabilitĂ©s politiques pour qu’ils fassent un sĂ©rieux examen de conscience devant Dieu, qui est le Dieu de la paix et non de la guerre, le PĂšre de tous et non de quelques-uns, qui veut que nous soyons frĂšres et non ennemis. Je prie toutes les parties concernĂ©es de s’abstenir de toute action qui causerait encore plus de souffrances Ă la population, dĂ©stabiliserait la coexistence entre les nations et discrĂ©diterait le droit international. Et maintenant, je voudrais lancer un appel Ă tous, croyants et non-croyants. JĂ©sus nous a appris qu’Ă l’insistance diabolique, Ă l’absurditĂ© diabolique de la violence, on rĂ©pond avec les armes de Dieu : par la priĂšre et le jeĂ»ne. J’invite tout le monde Ă faire du 2 mars prochain, mercredi des Cendres, un jour de jeĂ»ne pour la paix. J’encourage tout particuliĂšrement les croyants Ă se consacrer intensĂ©ment Ă la priĂšre et au jeĂ»ne ce jour-lĂ . Que la Reine de la Paix prĂ©serve le monde de la folie de la guerre.âŻÂ» Message de Sa SaintetĂ© le Pape François du mercredi 23 fĂ©vrier.
Par ce message, le pape nous invite Ă ouvrir le CarĂȘme par une journĂ©e de jeĂ»ne et de priĂšre pour la paix. Nous devons demander cette paix non seulement Ă lâĂ©tranger en Ukraine, mais aussi dans notre propre pays et dans notre propre vie. Cela commence par la reconnaissance que le mal habite aussi dans notre cĆur, alors que nous sommes tentĂ©s de ne le voir que chez lâautre et de faire de celui-ci le responsable de tous nos malheurs. Par lâhumble reconnaissance de notre propre pĂ©chĂ©, nous faisons la vĂ©ritĂ© sur nous-mĂȘmes, nous devenons plus doux et patients vis-Ă -vis dâautrui et plus pondĂ©rĂ©s dans nos jugements. Au contraire, lâorgueil de lâesprit nous entraĂźne Ă la duretĂ© et aux jugements hĂątifs et dĂ©sĂ©quilibrĂ©s.
Puisse le CarĂȘme qui commence ĂȘtre lâoccasion de faire la vĂ©ritĂ© sur nous, de gagner en intĂ©rioritĂ© et en componction. Câest Ă cette condition seulement que nous pourrons porter du fruit, car «âŻDieu rĂ©siste aux orgueilleux, mais aux humbles il accorde sa grĂące.âŻÂ» (Jc 4,6) LâhumilitĂ© est donc la premiĂšre des vertus Ă demander et Ă exercer pour recevoir la grĂące de Dieu et progresser. Câest ainsi que nous deviendrons les artisans de paix que le Seigneur attend pour ce monde. Paradoxalement, câest en cherchant Ă sâamender avant de vouloir changer autrui que lâimpact est le plus grand sur les autres, comme nous le montrent les innombrables exemples des saints. Ils ont transformĂ© le monde autour dâeux par attraction et non par la violence, elle qui est incapable de changer les cĆurs.
Don Axel de PERTHUIS
En attendant le CarĂȘme qui approche, nous continuons ce temps ordinaire qui suit le temps de NoĂ«l. Nous avons la chance de suivre JĂ©sus, dans lâĂ©vangile, dans des passages si savoureux. JĂ©sus aprĂšs ĂȘtre montĂ© sur la Montagne, y avoir priĂ© toute la nuit en vue de choisir les douze apĂŽtres, redescend dans la plaine pour un long discours adressĂ© tour Ă tour : aux apĂŽtres, aux disciples et aux foules. Ce long discours de JĂ©sus, nous en lisions une partie la semaine derniĂšre avec notamment les BĂ©atitudes chez Saint Luc. Cette semaine et la semaine prochaine, JĂ©sus continue son discours composĂ© de conseils et de rĂ©flexions dont le fil conducteur semble ĂȘtre la misĂ©ricorde : « Soyez misĂ©ricordieux comme votre PĂšre est misĂ©ricordieux » (Luc 6, 36).
Quoi de plus humain ? Mais aussi quoi de plus difficile ? Pour les petites offenses nous pardonnons volontiers, mais certaines deviennent difficiles Ă avaler Ă force de rĂ©pĂ©tition⊠dâautres semblent tout simplement impardonnables. De tout temps, le pardon a Ă©tĂ© la plus belle signature du chrĂ©tien car il nây a rien de plus difficile et rien qui nous fasse autant ressembler au Christ sur la croix qui prie pour ses bourreaux et intercĂšde pour eux : « PĂšre pardonne leur, ils ne savent pas ce quâils font ».
JĂ©sus nous propose ici une mĂ©thode en vue dâaimer comme il aime, câest-Ă -dire pardonner Ă ceux qui lâont offensĂ©. Luc 6,27-28 : « Mais je vous le dis, Ă vous qui mâĂ©coutez : Aimez vos ennemis, faites du bien Ă ceux qui vous haĂŻssent. Souhaitez du bien Ă ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. » Jây vois une progression. Si aujourdâhui je suis incapable dâaimer mon frĂšre qui mâa blessĂ©, sans doute je peux au moins lui faire du bien… Si je suis pour lâinstant incapable de lui faire du bien parce que mon cĆur saigne encore, je peux demander la grĂące de lui vouloir du bien, de lui souhaiter du bien⊠Si je ne suis mĂȘme pas capable de lui souhaiter du bien parce que lâoffense est trop proche, je dois prier pour lui. Cette Ă©tape est le minimum auquel JĂ©sus nous invite. Pourtant mĂȘme ceci est difficile. Si nous sommes aujourdâhui dans cette difficultĂ©, nous pouvons demander dans la priĂšre la grĂące de la conversion pour notre adversaire : quâil rĂ©alise le mal quâil nous a fait. Par la priĂšre pour nos ennemis, le Seigneur change notre cĆur  : nous pourrions un jour ĂȘtre surpris -Ă force de prier pour lui -de lui vouloir du bien⊠à force de lui en vouloir, de lui en faire⊠à force de lui en faire, de lâaimer ? et Ă force de lâaimer peut-ĂȘtre se laissera-t-il toucher par cette charitĂ© et nous fera le bien que nous attendions depuis si longtemps !
Seigneur, aide moi Ă prier pour ceux qui mâont blessĂ©, aide-moi Ă mâaccorder avec eux tant que nous sommes en chemin. Permets que je garde lâespĂ©rance de pardonner un jour complĂ©tement en vue de recevoir ta misĂ©ricorde pour entrer dans ta maison.
Don Marc-Antoine CROIPOURCELET
« Je pense, non, je suis sĂ»r, que le futur de lâĂglise viendra de personnes profondĂ©ment ancrĂ©es dans la foi, qui en vivent pleinement et purement. Il ne viendra pas de ceux qui sâaccommodent sans rĂ©flĂ©chir du temps qui passe, ou de ceux qui ne font que critiquer en partant du principe quâeux-mĂȘmes sont des jalons infaillibles. Il ne viendra pas non plus de ceux qui empruntent la voie de la facilitĂ©, qui cherchent Ă Ă©chapper Ă la passion de la foi, considĂ©rant comme faux ou obsolĂšte, tyrannique ou lĂ©galiste, tout ce qui est un peu exigeant, qui blesse, ou qui demande des sacrifices. Formulons cela de maniĂšre plus positive : le futur de lâĂglise, encore une fois, sera comme toujours remodelĂ© par des saints, câest-Ă -dire par des hommes dont les esprits cherchent Ă aller au-delĂ des simples slogans Ă la mode, qui ont une vision plus large que les autres, du fait de leur vie qui englobe une rĂ©alitĂ© plus large. Il nây a quâune seule maniĂšre dâatteindre le vĂ©ritable altruisme, celui qui rend lâhomme libre : par la patience acquise en faisant tous les jours des petits gestes dĂ©sintĂ©ressĂ©s. Par cette attitude quotidienne dâabnĂ©gation, qui suffit Ă rĂ©vĂ©ler Ă un homme Ă quel point il est esclave de son Ă©go, par cette attitude uniquement, les yeux de lâhomme peuvent sâouvrir lentement. Lâhomme voit uniquement dans la mesure oĂč il a vĂ©cu et souffert. Si de nos jours nous sommes Ă peine encore capables de prendre conscience de la prĂ©sence de Dieu, câest parce quâil nous est tellement plus facile de nous Ă©vader de nous-mĂȘmes, dâĂ©chapper Ă la profondeur de notre ĂȘtre par le biais des narcotiques, du plaisir etc. Ainsi, nos propres profondeurs intĂ©rieures nous restent fermĂ©es. Sâil est vrai quâun homme ne voit bien quâavec le cĆur, alors Ă quel point sommes-nous aveugles ?
Allons encore un peu plus loin. De la crise actuelle Ă©mergera lâĂglise de demain â une Ăglise qui aura beaucoup perdu. Elle sera de taille rĂ©duite et devra quasiment repartir de zĂ©ro. Elle ne sera plus Ă mĂȘme de remplir tous les Ă©difices construits pendant sa pĂ©riode prospĂšre. Le nombre de fidĂšles se rĂ©duisant, elle perdra nombre de ses privilĂšges. Contrairement Ă une pĂ©riode antĂ©rieure, lâĂglise sera vĂ©ritablement perçue comme une sociĂ©tĂ© de personnes volontaires, que lâon intĂšgre librement et par choix. En tant que petite sociĂ©tĂ©, elle sera amenĂ©e Ă faire beaucoup plus souvent appel Ă lâinitiative de ses membres.
LâĂglise sera une Ăglise plus spirituelle, ne gageant pas sur des mandats politiques, ne courtisant ni la droite ni la gauche. Cela sera difficile pour elle, car cette pĂ©riode dâajustement et de clarification va lui coĂ»ter beaucoup dâĂ©nergie. Cela va la rendre pauvre et fera dâelle lâĂglise des doux. Le processus sera dâautant plus ardu quâil faudra se dĂ©barrasser dâune Ă©troitesse dâesprit sectaire et dâune affirmation de soi trop pompeuse. On peut raisonnablement penser que tout cela va prendre du temps. Le processus va ĂȘtre long et fastidieux, comme lâa Ă©tĂ© la voie menant du faux progressisme Ă lâaube de la RĂ©volution française â quand un Ă©vĂȘque pouvait ĂȘtre bien vu quand il se moquait des dogmes et mĂȘme quand il insinuait que lâexistence de Dieu nâĂ©tait absolument pas certaine â au renouveau du XIXe siĂšcle. Mais quand les Ă©preuves de cette pĂ©riode dâassainissement auront Ă©tĂ© surmontĂ©es, cette Ăglise simplifiĂ©e et plus riche spirituellement en ressortira grandie et affermie. Les hommes, Ă©voluant dans un monde complĂštement planifiĂ©, vont se retrouver extrĂȘmement seuls. Sâils perdent totalement de vue Dieu, ils vont rĂ©ellement ressentir lâhorreur de leur pauvretĂ©. Alors, ils verront le petit troupeau des croyants avec un regard nouveau. Ils le verront comme un espoir de quelque chose qui leur est aussi destinĂ©, une rĂ©ponse quâils avaient toujours secrĂštement cherchĂ©e.
Pour moi, il est certain que lâĂglise va devoir affronter des pĂ©riodes trĂšs difficiles. La vĂ©ritable crise vient Ă peine de commencer. Il faudra sâattendre Ă de grands bouleversements. Mais je suis tout aussi certain de ce quâil va rester Ă la fin : une Ăglise, non du culte politique car celle-ci est dĂ©jĂ morte, mais une Ăglise de la foi. Il est fort possible quâelle nâait plus le pouvoir dominant quâelle avait jusquâĂ maintenant, mais elle va vivre un renouveau et redevenir la maison des hommes, oĂč ils trouveront la vie et lâespoir en la vie Ă©ternelle. »
Joseph Ratzinger, 1969
Câest de la vision quâa eue IsaĂŻe (Cf la premiĂšre lecture de ce dimanche), que le chant du « Sanctus » est tirĂ©. LâEglise le met sur nos lĂšvres avant la consĂ©cration eucharistique. Chaque fois que nous le chantons, nous sommes comme « aspirĂ©s  » au Ciel. Nous nous unissons Ă la liturgie cĂ©leste, celle que tiennent les sĂ©raphins devant la face du Seigneur : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur Dieu de lâunivers ! Le ciel et la terre sont remplis de sa gloire ! »
Toutefois, la saintetĂ© a dans la bible un sens tout particulier. « Dire que Dieu est saint, câest dire quâil est Tout Autre que lâhomme. Dieu nâest pas Ă lâimage de lâhomme, bien au contraire, la Bible affirme lâinverse : câest lâhomme qui est « Ă lâimage de Dieu » ; ce nâest pas la mĂȘme chose ! Toute la terre est remplie de sa gloire : cela veut dire que nous devrions rester trĂšs modestes et trĂšs prudents chaque fois que nous parlons de Dieu. Parce que Dieu est le Tout Autre, il nous est radicalement, irrĂ©mĂ©diablement impossible de lâimaginer tel quâil est, nos mots humains ne peuvent jamais rendre compte de lui »
« Si Dieu nâest pas une idole Ă notre image, il faut quâil soit tellement Ă©levĂ© au-dessus de toute crĂ©ature que toutes les idĂ©es empruntĂ©es au monde de notre expĂ©rience demeurent toujours Ă lâinfini de son ĂȘtre », nous dit Zundel.
Ce constat de la transcendance de Dieu que nous sommes appelĂ©s Ă faire avec les SĂ©raphins pourrait avoir quelque chose de dĂ©sespĂ©rant. Un Dieu si grand, qui pourrait lâatteindre ? Comme le dit Isaie, Je dis alors : « Malheur Ă moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lĂšvres impures, jâhabite au milieu dâun peuple aux lĂšvres impures et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de lâunivers ! »
Est-il possible ou souhaitable que je cherche Ă mâapprocher de ce Dieu devant qui nul ne peut se tenir sans mourir ?
Heureusement, le chant du Sanctus ne sâarrĂȘte pas au cri des SĂ©raphins, il continue  : « BĂ©ni soit celui qui vient au nom du Seigneur, Hosanna au plus haut des cieux ! »
Or cette exclamation nâest plus celle des anges de la vision dâIsaie. Elle se trouve dans un tout autre passage de la bible. Câest ainsi que les habitants de JĂ©rusalem accueillent JĂ©sus qui entre dans la ville sainte montĂ© sur le petit dâune anesse. LâEvangile nous raconte : « Ils disposĂšrent sur lâanon leurs manteaux et JĂ©sus sâassit dessus. Alors les gens, en trĂšs nombreuse foule, Ă©tendirent leurs manteaux sur le chemin ; dâautres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient le chemin. Les foules qui marchaient devant lui et celles qui suivaient, criaient : Hosanna au fils de David ! BĂ©ni soit celui qui vient au nom du Seigneur » Mt 21, 6-9.
Dans son génie, la liturgie juxtapose ces deux acclamations :
Dâun cotĂ©, lâacclamation des anges qui sâinclinent devant le « trois fois saint » que nul ne peut nommer et de lâautre le Verbe divin qui sâoffre Ă nous dans la fragilitĂ© de son humanitĂ©, entrant Ă JĂ©rusalem, montĂ© sur un Ăąnon !
Les deux conceptions que lâon peut avoir de Dieu se retrouvent unies dans un mĂȘme chant ! « Dieu si grand, JĂ©sus si petit » disait le Cardinal Berulle.
« Le christianisme, tel quâil est en son essence et tel quâil vit dans la liturgie, a su concilier ces deux aspects du divin : lâĂȘtre et lâamour et unir dans sa piĂ©tĂ© le sens de la transcendance ineffable de Dieu avec le sens de la plus tendre dilection.(âŠ) Dieu reste lâocĂ©an infini de lâĂȘtre. Mais il est tout autant lâocĂ©an infini de lâamour  » disait Zundel
MĂȘme si Dieu est le « tout autre », Il sâest fait « lâEmmanuel » câest-Ă -dire : le Dieu avec nous, le Dieu tout proche de nous ! Câest Lui qui dans son immense bontĂ©, sâest abaissĂ© pour que nous ne soyons jamais effrayĂ©s par la splendeur de Sa Gloire.
Sachons Ă chaque eucharistie, lorsque nous chantons le Sanctus, nous laisser saisir par ce mystĂšre. Il sâagit bien de la mĂȘme personne divine : simultanĂ©ment, adorĂ©e par les anges et toutes les puissances cĂ©lestes et venant Ă nous, cachĂ©e sous lâapparence du pain.
Don Louis Marie DUPORT
La prĂ©dication de JĂ©sus Ă Nazareth, que nous suivons sur deux dimanches, constitue un vĂ©ritable programme dans l’Ă©vangile selon saint Luc. Nous l’avons lu dimanche dernier, JĂ©sus se prĂ©sente comme le Messie promis, car en disant : « le Seigneur mâa marquĂ© par lâonction », il se dit oint, ce qui se dit messie en hĂ©breu, ou christ, en grec. Le Seigneur m’a consacrĂ© par l’onction, c’est-Ă -dire « m’a oint », c’est-Ă -dire m’a fait messie ou christ. JĂ©sus signale Ă ses auditeurs que la promesse du messie qui devait venir, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit, en sa personne. Autrement dit : âje suis le Messie, je suis le Christ attenduâ.
Et ce nâest pas cette affirmation qui a particuliĂšrement choquĂ© ses auditeurs, qui connaissaient bien JĂ©sus, concitoyen de Nazareth, et qui sont mĂȘme dans l’admiration devant celui qui leur semble bien parti pour devenir un grand homme. Toute municipalitĂ© est fiĂšre de savoir quâun grand homme est issu de ses entrailles.
Et sans doute que dĂ©jĂ , certains y voient leur intĂ©rĂȘt, et disent : âtous ces miracles et ce succĂšs que tu as dĂ©jĂ eu Ă CapharnaĂŒm, rĂ©alise-le Ă©galement dans ta propre ville ! Tu es des nĂŽtres ; en quelque sorte, tu nous appartiens, et ta ville a droit Ă des Ă©gards particuliers, si vraiment tu es ce grand homme et ce Messie que tu nous annonces !â
âD’accord, dirait JĂ©sus, mais alors je vais dire comme je dis Ă tous : dâabord, « convertissez-vous et croyez Ă la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15), pour avoir part comme les gens de CapharnaĂŒm aux biens messianiques⊠Il nây a pas de raison que je vous fasse un passe-droit de connivence. Si vous voulez avoir les biens messianiques pour des motifs humains, sans conversion, au nom dâune espĂšce de âprivilĂšge municipalâ, parce que vous pensez que je ne suis que le fils de Joseph et non, comme l’indique la figure du Messie d’aprĂšs les Ecritures, le Fils de Dieu (cf Ps 2, Ps 109/110, Mi 5,1-4, Dn 7,13-14; Sg 7,25-26âŠ; cf Mt 26,63), alors le courant ne passera pas entre nous  ! Je suis le Messie promis, et il me faut votre foi au Messie des Ecritures. «  Croyez Ă la Bonne Nouvelle ! » Et d’ailleurs, comme Messie, je ne suis pas seulement de Nazareth ! Je suis destinĂ© au monde entier ! Je ne suis pas ici pour ĂȘtre ârĂ©cupĂ©rĂ©â par la famille ou la municipalitĂ©.â
Sâils ne se convertissent pas, sâils ne croient pas quâil est le Messie pour tous et non pas seulement le fils du charpentier pour lâhonneur du village, il sera obligĂ© de faire comme Ălie et ĂlisĂ©e : ils sont allĂ©s donner des grĂąces aux paĂŻens, en laissant le ciel âfermĂ©â pour IsraĂ«l, car IsraĂ«l sera fermĂ© Ă la foi en son Messie, et fermĂ© Ă mort. Câest aussi lâouverture aux paĂŻens qui sera racontĂ©e dans les Actes des ApĂŽtres, qui est prĂ©figurĂ©e ici (exemple : Ac 13,44-52). Il faut la conversion et la foi, câest pour tout le monde pareil, sans passe-droit : « Ainsi donc, aux paĂŻens aussi Dieu a donnĂ© la conversion qui conduit Ă la Vie ! » (Ac 11,18).
Jamais JĂ©sus ne peut ĂȘtre limitĂ© Ă notre groupe humain, Ă telle Ă©tiquette humaine. Cela peut rendre impermĂ©able Ă la grĂące divine : la pluie, la rosĂ©e de la grĂące ne tombe pas sur cette terre, elle va arroser ailleurs. Catholique veut dire universel. Ne jamais sâapproprier le Messie, celui qui est dĂ©jĂ venu dans la chair, parce quâil serait du mĂȘme groupe humain que nous. Câest aussi le Fils de Dieu, Celui qui doit revenir dans la gloire. Le ciel et la terre passeront, mais ses paroles, celles de lâEvangile, ne passeront pas (Mt 24,35). Ne lâenfermons pas dans des postures ou impostures religieuses humaines : « seulement dans la conversion et la foi sera votre salut » (cf Is 30,15).
Don Laurent LARROQUE
Avec le Motu Proprio « Aperuit illis » câest-Ă -dire « il ouvrit leur intelligence Ă la comprĂ©hension des Ăcritures » (Lc 24, 45), le Pape François nous a donnĂ© un nouveau rendez-vous liturgique. Chaque annĂ©e, le 3Ăšme dimanche du Temps Ordinaire est instituĂ© le dimanche de la Parole. Un peu comme a Ă©tĂ© instituĂ© un dimanche pour la fĂȘte du Saint Sacrement ou FĂȘte Dieu, ce dimanche de la Parole est lĂ pour nous aider Ă apprĂ©cier ce don de Dieu. Bien sĂ»r, câest tous les dimanches et Ă chacune de nos priĂšres que nous nous mettons Ă lâĂ©coute de la Parole de Dieu, mais cette institution veut nous aider Ă ĂȘtre plus attentifs Ă la Parole de Dieu, Ă la place des saintes Ă©critures dans notre vie.
La Bible est le livre le plus vendu dans le monde. Ce succĂšs demeure depuis lâinvention de lâimprimerie ! Mais, pour nous chrĂ©tiens, la Bible nâest pas seulement un livre, câest la Parole de Dieu. Elle nous sert Ă connaĂźtre Dieu, connaĂźtre son projet dâamour pour lâhumanitĂ© et nous ajuster Ă sa volontĂ© pour nous.
Dans la CommunautĂ© Saint Martin nous avons un trĂ©sor, hĂ©ritĂ© dâune tradition bĂ©nĂ©dictine, qui est la lecture priĂ©e de lâĂcriture Sainte ou lectio divina. Ce nâest pas rĂ©servĂ© aux moines ! Quâest-ce que câest ? Câest un temps consĂ©quent que nous prenons pour lire, Ă©couter, ruminer, contempler et mettre en pratique les lectures que lâEglise nous offre pour la liturgie. Câest un peu comme si vous aviez reçu une lettre de quelqu’un qui vous est trĂšs cher : vous la lisez, la relisez, savourez chaque mot, chaque dĂ©tail au point de la connaĂźtre presque par cĆur ! Avec un peu de pratique, avec lâaide de lâEsprit-Saint, nous sentons, petit Ă petit, que cette parole prend un relief particulier, quâelle devient vivante et efficace, « plus pĂ©nĂ©trante quâun glaive Ă deux tranchants » (He 4,12). Certes nous utilisons notre raison pour comprendre cette parole, mais ce nâest pas seulement un exercice de lâintelligence, câest dâabord une priĂšre. Son but est de nous mettre en contact avec Dieu, nous le faire connaitre, nous faire Ă©prouver son amour particulier pour chacun de nous. Comme pour les pĂšlerins dâEmmaĂŒs Ă qui le Christ ouvrit lâintelligence Ă la comprĂ©hension des Ă©critures, nous en sortons avec le cĆur brĂ»lant.
« Jâaimerais beaucoup, a insistĂ© le pape François, que tous les chrĂ©tiens puissent apprendre âla science sublime de JĂ©sus-Christâ Ă travers la lecture assidue de la Parole de Dieu, puisque le texte sacrĂ© est la nourriture de lâĂąme et la source pure et pĂ©renne de la vie spirituelle pour chacun de nous. » (Discours du 29 septembre 2014).
Dans notre priĂšre nous prenons souvent du temps pour parler Ă Dieu⊠mais est-ce que nous prenons autant de temps pour lâĂ©couter ? Dans une relation ce nâest pas toujours le mĂȘme qui parle, nâest-ce pas chacun son tour ? La lectio divina et la lecture des Ă©critures, sont le moyen humble, concret, efficace pour laisser Ă Dieu lâoccasion de nous parler. Alors il mettra dans notre cĆur et notre bouche des mots nouveaux pour lui parler, pour ĂȘtre enflammĂ© dâamour pour lui.
Alors peu Ă peu, nous serons façonnĂ©s, refaçonnĂ©s par cette parole et nous pourrons peut-ĂȘtre mĂȘme devenir une bonne nouvelle ambulante pour les autres !
Don Marc-Antoine CROIZEPOURCELET