« Donc tu es Roi ? » demande Pilate, et Jésus ne le nie pas. Il ne l’affirme pas non plus d’emblée pour ne pas provoquer une mauvaise interprétation de sa royauté : il n’est concurrent ni de César, ni d’Hérode.
« Oui, je suis Roi, mais mon royaume n’est pas de ce monde. »
Jésus est roi, oui, mais pas au sens politique. Il est Roi, oui, mais comme « Roi de rois et Seigneur des seigneurs » (Ap 17,14). Il doit établir un royaume sans limite dans l’espace, donc universel, et sans limite dans le temps, donc éternel. Nous entendons les merveilleuses caractéristiques du Royaume de Jésus dans la Préface de la Messe du Christ-Roi : « Royaume sans limite et sans fin, Royaume de vie et de vérité, Royaume de grâce et de sainteté, Royaume d’amour, de justice et de paix. »
Qui ne voudrait pas d’un tel royaume ? Qui ne voudrait pas d’un tel “programme politique” ?
Ce royaume est déjà çà et là dans ce monde, mais il n’est pas de ce monde. Jésus s’enfuit devant ceux qui veulent le faire roi (Jn 6,15), parce qu’il n’est pas venu pour « rétablir la royauté en Israël » (Ac 1,6). Il est venu fonder un Royaume sur terre, mais qui ne s’établit pas par la force humaine, “sinon, dit-il à Pilate, j’aurai eu des moyens humains, des gens pour me défendre humainement” (Jn 19,36).
Il est venu « établir ce royaume avec Puissance » (Mc 1,9) mais cette puissance est sa mise en Croix. Quel paradoxe ! Il est venu établir ce royaume avec gloire, mais cette « glorification » est l’élévation en Croix (Jn 12,32). Il doit « recevoir une investiture royale » (Lc 19,12), mais ce sera le roi couronné d’épines sur la Croix, couvert de la pourpre de son propre sang.
« Ô cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24,25-26) Le roi dont vous rêvez, le voici, l’avènement du Royaume de Dieu qu’Il a proclamé, le voici : un roi couronné d’épines ! Mais qui meurt comme Dieu seul peut le faire : par amour. C’est la paradoxale puissance et gloire de la Croix. Le triomphe de l’Amour de Dieu car Jésus, Dieu fait homme, est resté Amour au milieu des plus terribles offenses.
« Le triomphe de Jésus, c’est de ne pas pécher à son tour malgré toutes les violences du mal qui s’accumulent sur Lui. Alors que tous l’offensent, Lui refuse d’offenser : il accueille les crachats des soldats, le reniement de ses frères ; il appelle Juda “mon ami” (Mt 26,50) et accepte son baiser de trahison. Il est abandonné par tous les siens mais il refuse d’offenser à son tour. A l’effort extrême du mal pour Le briser et Le faire plier devant la loi humaine universelle de la haine, Il répond par la loi divine toute puissante de la miséricorde et de l’offrande [à son Père]. Il se laisse clouer, librement et par amour : “ma vie, nul ne la prend mais c’est Moi qui la donne” (Jn 10,15-18). L’amour rend l’homme libre tandis que la haine l’aliène. Le Christ rompt ainsi le cercle vicieux de la haine et la fatalité de la violence. Devant l’échec humain de la Croix, Il oppose le triomphe divin de l’amour offert : Il nous pardonne, à nous qui le blessons. “Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.”» (Bernard Dubois et Fernand Sanchez, Feu et Lumière 167 (1998), p.58).
Devant l’échec humain de la Croix, il oppose le triomphe de l’amour. C’est la haine qui est un échec. Devant l’échec de la Croix, il oppose le triomphe de la vérité. C’est le mensonge qui est un échec. Devant l’échec de la Croix, il oppose le triomphe de la grâce et de la sainteté. C’est le péché qui est un échec. Devant l’échec de la croix, il oppose le royaume de la justice, de l’amour et de la paix. C’est la corruption, la haine et la violence de ce monde qui sont des échecs. Satan, le Prince de ce monde, peut bien chanter mais il chante faux car il sait mieux que nous que toute sa réussite éphémère n’est qu’un échec éternel.
« L’amour de la vérité » (2Th 2,10) sera la force invincible et éternelle de ceux qui écoutent la voix de Jésus, le Messie d’Israël et Roi du monde entier, qui règne par la Foi, par son Eglise, par les sacrements, pour tous les royaumes terrestres et pour tout le cours de l’histoire terrestre, jusqu’au retour de Jésus « avec grande puissance et grande gloire ».
. Don Laurent LARROQUE