Qui fêtons-nous exactement à la Toussaint ? Les saints du Ciel qui voient la face de Dieu et s’en réjouissent ensemble pour l’éternité. Il ne s’agit pas seulement de fêter les saints canonisés, que nous célébrons déjà à d’autres moments de l’année, mais de fêter la foule immense des anonymes de la sainteté. Si l’Eglise ne fêtait que la Vierge Marie, saint François, mère Teresa et saint Jean-Marie Vianney, cela pourrait être décourageant, car nous voyons bien que nous sommes loin de leur héroïcité. La majorité d’entre nous ne sera probablement pas canonisée et toutefois tous nous devons espérer fermement que nous irons bien au Ciel ! La sainteté canonisable est exceptionnelle, mais nous osons espérer que la sainteté « tout court » ne l’est pas.
Il faut donc expliquer ce qu’est la sainteté. A proprement parler, ce mot ne convient qu’à Dieu, lui qui est le seul être parfait et absolument bon. Quand le jeune homme riche va trouver Jésus et l’appelle « bon maître », celui-ci le reprend : « Dieu seul est bon » (Lc 18,18-19). Même Jésus, le Verbe de Dieu fait chair, Dieu par nature, semble vouloir réserver la Bonté à sa nature divine ! Il y a quelque chose de provocateur dans cette remarque de Jésus, car Lui sait bien qu’Il est le Saint par excellence.
En effet, même pour le Christ dans son humanité, la sainteté est une participation à celle de Dieu. Cette participation se fait de plein droit pour Jésus, Dieu et homme, et pour les autres elle se fait par une association au Christ, par une greffe mystique, pour reprendre les images de Jésus :
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. (Jn 15,5)
Tous ceux donc qui croient au Christ, qui ont été associés à sa Passion et à sa Résurrection par le baptême, sont comme greffés à Lui et reçoivent par Lui un influx de vie surnaturelle qu’on appelle la grâce. C’est cela qui fait la sainteté et non quelque effort de notre part.
Il faut donc admettre que cela concerne tous les chrétiens, à moins d’avoir tué la vie de la grâce par un péché mortel, et pour peu qu’ils vivent de la charité, amour de Dieu par-dessus tout et du prochain comme soi-même. Tous les chrétiens en état de grâce sont donc saints. Cette affirmation correspond bien à la pensée de saint Paul, qui dans ses épîtres s’adresse aux chrétiens des différentes communautés en les appelant les « saints », ou « saints en Jésus-Christ » (Cf. Ep 1, Ph 1, Col 1, etc.).
Cependant, cette affirmation a besoin d’être nuancée. A la Toussaint, nous ne fêtons pas les saints qui sont encore en chemin sur terre, ni ceux qui sont en état de purification au Purgatoire, pour qui nous prions le lendemain, le 2 novembre. Sur terre la sainteté est un germe, à la fois bien réel et bien petit en comparaison de ce à quoi nous sommes appelés. C’est pour cela que dans d’autres lettres, saint Paul fait une adresse plus précise : il écrit « aux saints par vocation » (Cf. Rm 1 et 1Co 1). Pour entrer au Paradis, il nous faudra être purifiés de tout péché, car rien d’impur ne peut subsister devant Dieu. Ceux qu’il faut, à proprement parler, appeler saints sont les personnes qui sont entrées dans la lumière de Dieu, après que tous leurs péchés aient été brûlés par l’action transformante du Saint-Esprit.
Demandons donc aux innombrables saints du Ciel, les grands comme les petits, de prier pour nous, pour que nous sachions nous aussi et, dès ici-bas, coopérer à l’action transformante de Dieu, pour que nos actes soient au service de l’amour de Dieu et du prochain, pour que nous ne nous découragions jamais à cause de nos chutes répétées et que nous vivions d’un authentique désir de conversion, en gardant les yeux fixés sur le but : la gloire du Ciel.
Don Axel de Perthuis