Chers amis,
Pour la 28ème Journée Mondiale du Malade, notre Pape François vient d’écrire un beau message qui mériterait d’être retranscrit dans son intégralité. En voici cependant quelques extraits qui, je l’espère, vous aideront à en estimer la valeur.
Le Oape cherche tout d’abord à entrer dans le regard même que Jésus pose sur notre humanité blessée en commentant Matthieu 11,28 : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau et moi je vous soulagerai ». Ces paroles de Jésus indiquent le mystérieux chemin de la grâce qui se révèle aux simples et qui offre un soulagement à ceux qui peinent et qui sont fatigués. Ces mots expriment la solidarité du Fils de l’homme face à une humanité affligée et souffrante. (…). Jésus regarde l’humanité blessée. Lui, il a des yeux qui voient, qui s’aperçoivent, car ils regardent en profondeur. Il ne s’agit pas d’un regard rapide et indifférent, mais qui s’attarde et accueille tout l’homme et tout homme dans sa condition de santé, sans écarter personne, mais en invitant chacun à entrer dans sa vie pour faire une expérience de tendresse.»
Si Jésus est ainsi capable d’avoir un tel regard, c’est parce qu’il s’est fait faible lui-même, faisant ainsi l’expérience de la souffrance humaine et recevant à son tour le réconfort du Père. De fait, seul celui qui fait personnellement cette expérience saura être un réconfort pour l’autre.
Le Pape François insiste ensuite sur l’importance d’entrer nous même dans ce regard du Christ en prenant en compte toutes les dimensions de la personne malade.
Il apparaît alors nécessaire de personnaliser l’approche à l’égard du malade, non plus seulement en soignant mais aussi en prenant soin, pour une guérison humaine intégrale. Lorsqu’elle est malade, la personne ressent que, non seulement son intégrité physique est compromise, mais aussi ses dimensions relationnelle, intellectuelle, affective et spirituelle. Elle attend donc, en plus des thérapies, un soutien, une sollicitude, une attention… en somme, de l’amour. En outre, aux côtés du malade, il y a une famille qui souffre et qui demande, elle aussi, réconfort et proximité.
Puis, s’adressant plus particulièrement aux agents du monde de la santé, le pape rappelle que toute intervention diagnostique, préventive, thérapeutique, de recherche, de soin et de rééducation, s’adresse à la personne malade, où le substantif « personne » prime toujours sur l’adjectif « malade ». Par conséquent, votre action doit tendre constamment à la dignité et à la vie de la personne, sans jamais céder à des actes de nature euthanasique, de suicide assisté ou de suppression de la vie, pas même quand le stade de la maladie est irréversible.
(…) La vie doit être accueillie, protégée, respectée et servie, de la naissance à la mort : c’est à la fois une exigence tant de la raison que de la foi en Dieu auteur de la vie. Dans certains cas, l’objection de conscience est pour vous le choix nécessaire pour rester cohérents au « oui » à la vie et à la personne. En tout cas, votre professionnalisme, animé par la charité chrétienne, sera le meilleur service rendu au vrai droit humain : le droit à la vie. Quand vous ne pouvez pas guérir, vous pouvez toujours soigner grâce à des gestes et à des procédures qui apportent soulagement et réconfort au malade.
Puissions nous répondre ensemble à l’invitation de notre Pape, pour que l’Eglise puisse toujours être l’« auberge » du bon Samaritain qu’est le Christ (Luc 10, 34)
Don Louis-Marie DUPORT
Chacun de nous a de la valeur aux yeux de Dieu. Comme il nous le dit lui-même : « Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime ». Cette parole tirée du livre d’Isaïe (Isaïe 43, 4) me paraît être l’affirmation implicite contenue dans l’évangile de ce dimanche. En effet, c’est quand il ne vaut plus rien, qu’il est devenu fade, que le sel est jeté dehors. Au contraire donc, quand il ne mérite pas ce sort, on le garde car il a conservé sa fonction, il a conservé sa valeur. De même pour la lumière, elle a de la valeur, elle est précieuse. Bien positionnée, elle est capable de briller pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi, lorsque Jésus dit à ses disciples « vous êtes le sel de la terre » ou encore « vous êtes la lumière du monde », nous comprenons que nous avons chacun, en tant que disciples, une valeur certaine. C’est déjà un premier sujet de réflexion et d’émerveillement ! Ailleurs dans l’évangile, Jésus nous parle de talents (Matthieu 25, 14-30). Ce sont les dons variés que Dieu a donnés à chacun pour être utilisés. De telle manière que l’usage de ces talents produise une valeur supplémentaire, c’est à dire que les qualités exercées par chacun fassent grandir le bien. De même que le sel a la capacité de rendre appétissants les aliments et que la lumière a la capacité de rendre visible ce qui existe, nous avons cette faculté extraordinaire de faire reconnaitre le monde pour aussi bon et aussi beau qu’il est. Voilà notre valeur !
Ce n’est pas pour nous mettre à l’épreuve ou pour nous « mettre la pression » que Jésus nous dit « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». En effet, il ne dit pas « soyez » ou « devenez » le sel et la lumière mais « vous êtes ». Ou autrement dit : « Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime ». Mais nous comprenons aussi que cette valeur peut se perdre, qu’elle peut être gâchée. La valeur que nous avons n’est pas garantie par le fait de la conserver mais au contraire par le fait de la donner. Le sel apporte ce qu’il est lorsqu’il est déposé dans un plat. La lumière rend service quand elle est mise sur un lampadaire. C’est donc que notre plus grande valeur est notre capacité à donner ce que nous sommes, c’est-à-dire aussi notre capacité à aimer ! L’amour ne serait-il pas le véritable sel de la terre et la véritable lumière du monde ? Nous serons finalement de véritables disciples du Christ en apprenant à dire nous aussi à notre prochain : « tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime » !
Don Martin PANHARD
Quatrième mystère joyeux du Rosaire, abondamment présente dans l’iconographie chrétienne (dès les années 440 dans une mosaïque de Sainte-Marie Majeure à Rome), la Présentation de Jésus au Temple a inspiré de très nombreux artistes (Fra Angelico et Philippe de Champaigne par exemple). Jusqu’à la réforme liturgique issue de Vatican II, elle clôturait le Temps de la Nativité, 40 jours après Noël, d’où l’usage conservé parfois de garder la crèche jusqu’à cette date. Etant une fête du Christ, elle supplante le Temps Ordinaire quand elle est célébrée un dimanche.
Dans sa célébration, deux thèmes ont une grande importance : la rencontre et la lumière. Les orthodoxes ont un autre nom pour cette fête, l’hypapante (signifiant en grec, aller au devant). Ils insistent sur la rencontre du vieillard Siméon et de Jésus qui viennent au-devant l’un de l’autre manifestant ainsi la structure essentielle de la liturgie, rencontre de Dieu et de son Peuple pour la célébration de l’Alliance. Nous ne pouvons rencontrer Dieu s’il ne vient d’abord à nous et nous procure, dans l’Esprit, l’élan qui nous mène à lui.
Sa popularité ne peut se résumer à la seule confection des crêpes. Elle est depuis toujours un évènement majeur de l’histoire du Salut ! Célébrée avec faste à Jérusalem dès le 4ème siècle « avec la plus grande liesse, comme si c’était Pâques » (témoignage d’Egérie vers 382), elle devient une solennité dans tout l’Orient en 542, au début de la grande peste de Justinien. Dans l’Eglise romaine, elle apparait un siècle plus tard comme la fête des chandelles (Chandeleur), sans être forcément la christianisation de la fête païenne des lupercales, célébration de la fécondité tombée alors largement en désuétude. Le plus important est que sa célébration commence à l’aurore par une longue procession de pénitence, à la lueur des cierges, procession représentant le voyage de Joseph, de Marie et de l’enfant Jésus pour aller de Bethléem au Temple de Jérusalem. On bénit les cierges en insistant sur la victoire de la lumière sur les ténèbres. Ce sont aussi les mots du vieillard Syméon qui résonnent ! A propos de Jésus, il s’exclame « mes yeux ont vu le salut… lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d’Israël ton peuple » (Luc 2, 30-32). Déjà, à la Crèche, les bergers avaient été enveloppés de lumière (Luc 2,9), l’épitre aux Hébreux qualifient à deux reprises les baptisés, « d’illuminés » (Hb. 6,4 et 10,32).
Evêque de Jérusalem à partir de 634, saint Sophrone synthétise tout cela dans un sermon pour la fête des lumières : « De même, en effet, que la Mère de Dieu, la Vierge très pure, a porté dans ses bras la véritable lumière à la rencontre de ceux qui gisaient dans les ténèbres ; de même, nous, illuminés par ses rayons et tenant en main une lumière visible pour tous, hâtons-nous vers celui qui est vraiment la lumière…. Soyons-en tous illuminés, mes frères, soyons-en tous resplendissants… Nous aussi, en embrassant par la foi le Christ venu de Bethléem à notre rencontre, nous qui venions des nations païennes, nous sommes devenus le peuple de Dieu, car c’est le Christ qui est le salut de Dieu le Père. Nous avons vu de nos yeux Dieu qui s’est fait chair. Et nous célébrons sa venue par une fête annuelle pour ne jamais risquer de l’oublier ».
Don Stéphane PELISSIER
Notre évangile de ce dimanche se trouve entre les tentations de Jésus au désert et son sermon sur la montagne. Il nous est aussi précisé que Jean le Baptiste vient juste d’être arrêté, ce qui mettra un terme définitif à sa mission. Les barreaux de son cachot remplacent les rives du Jourdain. La solitude de la prison se substitue au bruit des foules qui venaient à lui. Les disciples de Jean-Baptiste ont certainement été dispersés. Parmi eux se trouvaient André. C’est saint Jean qui nous le raconte : « André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ). André amena son frère à Jésus »
(Jean 1, 40-43). Après ce premier contact et l’arrestation de Saint Jean-Baptiste, André et Simon ont rejoint leurs barques et leur vie de pêcheurs. Nous pouvons facilement imaginer la déception de ces deux hommes. Leur premier maître est arrêté. La vie doit continuer. De plus Jésus avait disparu des yeux des hommes, pendant 40 jours, pour être tenté au désert. André et Simon ont donc retrouvé leurs filets de pêche. Lorsque soudain, comme une lumière jaillissant des ténèbres, les paroles de Jésus rejoignent le cœur de nos deux frères de sang. « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » L’évangéliste nous précise que « aussitôt » ils laissèrent sur place leurs filets pour suivre Jésus. Ils deviendront les gigantesques apôtres que nous connaissons.
A la lumière de cet évangile, nous constatons que la vie chrétienne a son origine dans le choix de Dieu. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés le premier. » Souvent la tâche de notre vie chrétienne ou de notre vocation de fidèles baptisés, religieuse ou sacerdotale peut sembler trop lourde pour nos épaules. En fait il nous faut reconnaître que sans le Christ nous ne pouvons rien faire. Absolument rien. Le pape François a écrit un petit livre à ce sujet début janvier. Notre faiblesse est également choisie par Dieu pour la transformer par sa grâce. Nous pouvons relire cet extrait d’homélie de saint Jean Chrysostome pour nous aider à renouveler notre regard de foi sur les mystérieux appels de Dieu pour son Église : Si je disais : « Que le cupide, le voleur, le débauché ou l’adultère n’entre pas dans l’église ! Et que j’en chassais et expulsais tous les pêcheurs, il n’y aurait pas d’excuse, car il faudrait entrer après s’être purifié. » Or en fait je ne dis pas cela mais plutôt : « même si tu vis dans la débauche, l’adultère, la rapine ou la cupidité, entre dans l’église, pour apprendre à y mettre fin ! » J’attire et entraîne vers moi tout le monde dans les filets que j’ai tendus par la parole, je désire attraper ici non seulement les gens en bonne santé mais aussi les malades. Qui se vantera d’avoir un cœur chaste ? Qui se déclarera pur de tout péché ? Alors n’aie pas honte, parce que tu as péché, de t’approcher, mais, pour cette même raison, entre donc ! Personne ne dit : « parce que j’ai une blessure, je ne vais pas chercher le médecin, je refuse même les soins » ! C’est précisément à cause de cette blessure qu’il est plus que jamais nécessaire d’aller chercher les médecins et les soins qui fassent effet. Car nous aussi, nous savons pardonner, dans la mesure où nous sommes, nous aussi, sujets à d’autres péchés. Si Dieu ne nous a pas donné, pour nous instruire, des anges, ni n’a fait descendre Gabriel de là-haut pour mener ses troupeaux, mais que parmi ses ouailles même, il prend et fait des pasteurs, parmi les brebis même, il tire le chef du troupeau, c’est pour que l’on soit enclin à pardonner à ceux dont on a la charge, en songeant à sa propre faiblesse. »
Don Christophe GRANVILLE
« Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu ne demandais ni holocauste ni victime… » : curieuse phrase dans un psaume quand on sait que les psaumes, justement, étaient faits pour être chantés au Temple de Jérusalem au moment même où on offrait des sacrifices !
En fait on voulait dire par là : je sais, Seigneur, que ce qui compte le plus à tes yeux, ce n’est pas le sacrifice en lui-même, c’est l’attitude du coeur qu’il représente. « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime alors j’ai dit : Voici, je viens. »
Toute la Bible est l’histoire d’un long apprentissage et, avec ce psaume 39/40, nous sommes à la phase finale de ce qu’on peut appeler la pédagogie des prophètes. (…)
Au long des siècles, il y a eu une véritable transformation, on pourrait dire une conversion du sacrifice. Cette conversion (…) va porter sur le sens des sacrifices : dans la Bible, au fur et à mesure que l’on découvre Dieu, les sacrifices vont évoluer. En fait, on pourrait dire : « Dis-moi tes sacrifices, je te dirai quel est ton Dieu ». Notre Dieu est-il un Dieu qu’il faut apprivoiser ? Dont il faut obtenir les bonnes grâces ? Auprès duquel il faut acquérir des mérites ? Un Dieu courroucé qu’il faut apaiser ? Un Dieu qui exige des morts ? Alors nos sacrifices seront faits dans cet esprit là, ce seront des rites magiques pour acheter Dieu en quelque sorte.
Ou bien notre Dieu est-il un Dieu qui nous aime le premier… un Dieu dont le dessein n’est que bienveillant… dont la grâce est acquise d’avance, parce qu’il n’est que Grâce… le Dieu de l’Amour et de la Vie. Et alors nos sacrifices seront tout autres. Ils seront des gestes d’amour et de reconnaissance. Les rites ne seront plus des gestes magiques mais des signes de l’Alliance conclue avec Dieu.
Toute la Bible est l’histoire de ce lent apprentissage pour passer de la première image de Dieu à la seconde. C’est nous qui avons besoin d’être apprivoisés, qui avons besoin de découvrir que tout est « cadeau », qui avons besoin d’apprendre à dire simplement « Merci » (Ce que la Bible appelle le « sacrifice des lèvres »). Toute la pédagogie biblique vise à nous faire quitter la logique du « donnant-donnant », du calcul, des mérites, pour entrer dans la logique de la grâce, du don gratuit. Et notre apprentissage n’est jamais fini.
L’ultime étape de cette pédagogie des prophètes nous présentera l’idéal du sacrifice : c’est le service de nos frères. Nous trouvons cela dans les quatre « Chants du Serviteur » qui sont inclus dans le deuxième livre d’Isaïe. L’idéal du Serviteur qui est l’idéal du sacrifice, c’est « une vie donnée pour faire vivre ». Le psaume 39/40 résume donc admirablement la découverte biblique sur le Sacrifice : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice … Tu as ouvert mes oreilles » : depuis l’aube de l’humanité, Dieu « ouvre l’oreille » de l’homme pour entamer avec lui le dialogue de l’amour ; le psaume 39/40 reflète le long apprentissage du peuple élu pour entrer dans ce dialogue : dans l’Alliance du Sinaï, les sacrifices d’animaux symbolisaient la volonté du peuple d’appartenir à Dieu ; dans l’Alliance Nouvelle, l’appartenance est totale : le dialogue est réalisé ; offrandes et sacrifices sont « spirituels » comme dira Saint Paul ; « Tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit voici, je viens ».
Marie-Noëlle Thabut
Cette parole de sagesse tirée de l’Ancien-Testament (livre de Qohèleth – ou Ecclésiaste, chapitre 3) semble être aussi un des messages du passage d’évangile qui relate le baptême du Christ. En effet, Jean-Baptiste qui voit venir Jésus à lui dans le Jourdain pour se faire baptiser a cette réflexion pleine de sens : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi et c’est toi qui viens à moi ! ». Jésus lui-même affirme plus loin dans l’évangile (Luc 12, 50) : « Je dois recevoir un baptême et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! ». Mais en réalité, Jésus prend le temps et ne précipite pas les choses. à sa mère qui le presse de faire quelque chose pour les invités des noces de Cana qui manquent de vin, il répond : « mon heure n’est pas encore venue » (Jean 2, 4). Oui, Jésus est venu pour accomplir. Mais accomplir signifie mener à terme un processus qui nécessite un commencement et un développement par étapes avant de parvenir à cet accomplissement. Être baptisé par Jean est pour Jésus une étape nécessaire en vue de l’accomplissement de sa mission : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice ». On n’installe pas le toit d’une maison avant les fondations.
En prenant notre humanité par son incarnation, le Fils de Dieu ne rentre pas seulement dans notre espace humain, il embrasse aussi notre temps. Lui qui est éternel, il entre dans le temps et compose avec le temps pour accomplir sa mission. Il y a donc pour Jésus aussi un temps pour tout. Un temps pour naitre et un temps pour mourir. Un temps pour être baptisé par Jean et un temps pour laisser jaillir l’eau de son côté ouvert et donner un nouveau baptême dans l’Esprit-Saint. Un temps pour laisser l’Esprit de Dieu descendre sur lui comme une colombe au Jourdain et un temps pour envoyer ce même Esprit de Dieu sur les apôtres à la Pentecôte sous forme de langues de feu. Un temps pour être plongé lui-même dans l’eau du jourdain pour assumer la condition mortelle des pécheurs et un temps pour marcher sur l’eau et signifier qu’il est déjà vainqueur de la mort.
Pour nous aussi, en ce qui concerne l’accomplissement de notre vie, il y a un temps pour tout. Le temps ne passe ni trop vite ni trop lentement. Le temps nous est donné par Dieu, exactement comme nous en avons besoin, pour que puisse s’accomplir sa parole pour nous et en nous. Nous avons le temps pour tout ce qui est nécessaire. A condition, bien sûr, de faire les choses dans l’ordre ! Et avec notre Père, qui nous donne chaque jour notre pain quotidien !
D. Martin PANHARD
Après l’entrée discrète de Dieu sur Terre, dans une crèche, et dans l’intimité de quelques bergers et de la Sainte Famille, nous fêtons, à l’Epiphanie, la manifestation de Jésus au monde. Cette visite des mages nous aide à approfondir et élargir notre regard sur la crèche, puisqu’elle annonce déjà la dimension universelle du salut, voulue par le Christ, et plus tard portée par saint Paul. Ces mages viennent honorer le roi des juifs, c’est-à-dire un roi qui n’a, a priori, aucune autorité sur eux ; et pourtant, ils rendent hommage à celui qui réalise la prophétie d’Isaïe : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Isaïe 49, 6).
Mais si la nuit de la nativité semble s’être déroulée discrètement en Judée, puisque Hérode lui-même n’a pas réussi à localiser l’événement, les mages nous font dire : « attention, ce qui se passe là est grand, plus grand que ce qui pourrait sembler ! » Malgré les apparences, cette naissance à Bethleem a radicalement changé le monde. Les mages viennent ainsi saluer la présence de Dieu parmi les hommes, en suivant cette étoile qui leur indique l’endroit où se trouve le roi des juifs. En regardant ces hommes, nous apprenons à entrer, à notre tour, dans ce sentiment de révérence, de vénération, que l’on déploie par la vertu de religion, bien loin de la curiosité superstitieuse d’Hérode. Ce sentiment, nous l’éprouvons lorsque nous sommes en présence de Dieu, en particulier, lors de nos adorations eucharistiques : l’étoile de l’ostensoir, comme celle des mages, vient nous rappeler que Jésus est là présent. Malgré la pauvreté du pain de l’hostie, quelque chose de plus grand se passe. Et comme les mages, nous sommes invités à déposer aux pieds de l’enfant Jésus, l’or, l’encens et la myrrhe , c’est-à-dire les joies, les prières et les peines qui font notre vie.
Mais les mages nous enseignent surtout que la rencontre avec Jésus change la vie : ils ne repartent pas par le même itinéraire, une fois qu’ils ont trouvé et adoré l’enfant. Ils regagnent leur pays par un autre chemin, nous dit l’Evangile. Il y a ainsi un avant et un après la rencontre du Christ, lorsque celle-ci est authentique. Reconnaître Jésus pour ce qu’Il est, Fils de Dieu et Sauveur des hommes, ne peut rester quelque chose d’anodin pour nos existences. C’est souvent exigeant, parce qu’il est toujours difficile de prendre une route nouvelle, mais comme pour les mages, il y a là la source d’une très grande joie.
Après la (douce) nuit de Noël, la dureté du monde à sauver apparaît avec toute sa violence dans cet évangile de Saint Matthieu. En effet la peur et la jalousie maladive d’Hérode se transforme en traque sanguinolente. L’enfant Jésus est, aux yeux du Roi, une menace pour la pérennité de son règne. Le Ciel, alors, intervient en faisant apparaître à Joseph l’ange du Seigneur. Une deuxième fois, Joseph, par sa foi et son obéissance va sauver le sauveur. On se souvient en effet, que la loi du Deutéronome
(Dt 22,20) prévoyait la lapidation des femmes promises en mariage et qui se retrouvaient enceintes d’un autre homme. Dans l’évangile de ce dimanche, Joseph emmène la sainte famille en Égypte pour sauver de nouveau Jésus.
Saint Joseph est loin de la figure de « plâtre et de papier » que nous pourrions avoir ! Avec la foi, la force et le silence de Saint Joseph, nous pourrions retenir trois choses de cette fête de la Sainte famille.
On peut servir Dieu en suivant sa vocation de Père. Quelle bonne nouvelle pour tous nos pères ! « Sa paternité, nous dit Jean Paul II dans Redemptoris custos, s’est exprimée concrètement dans le fait « d’avoir fait de sa vie un service, un sacrifice au mystère de l’Incarnation et à la mission rédemptrice qui lui est liée ; d’avoir usé de l’autorité légale qui lui revenait sur la sainte Famille, pour lui faire le don total de lui-même, de sa vie, de son travail ; d’avoir converti sa vocation humaine à l’amour familial en une oblation surnaturelle de lui-même, de son coeur et de toutes ses forces à l’amour mis au service du Messie qui naquit dans sa maison. » La paternité de Saint Joseph est un modèle de don de soi. Portons un regard de foi sur nos pères et aidons les, particulièrement dans le contexte actuel, à toujours plus re-choisir leur vocation de père.
La deuxième attention sera sur le travail. En effet, après la fuite en Égypte, la sainte famille s’installera à Nazareth dans une vie cachée et humble. Jésus, qu’on appellera le fils du charpentier (Matthieu 13,55), apprendra tout de son père. C’est dans cette période que Jésus grandira en Grâce et en Sagesse. Pour nous, cela veut dire que le travail, et particulièrement le travail manuel, est humanisant. Les vertus attachées à lui nous rappellent « pour être de bons et authentiques disciples du Christ, il n’y a pas besoin de « grandes choses » : il faut seulement des vertus communes, humaines, simples, mais vraies et authentiques. »
Enfin le silence de Joseph nous invite à la contemplation. En effet ce silence n’est pas un silence de mort, mais habité de foi. Ce silence nous en dit long sur la vie intérieur de Saint Joseph ! « Les évangiles parlent exclusivement de ce que « fit » Joseph, mais ils permettent de découvrir dans ses « actions », enveloppées de silence, un climat de profonde contemplation. Joseph était quotidiennement en contact avec le mystère, « caché depuis les siècles », qui « établit sa demeure sous son toit. »
La réactivité de saint Joseph, son obéissance dans la foi trouvent leur origine dans son intériorité. Rien de plus fécond pour nous que de nous replonger dans une vie d’oraison et de contemplation.
Puisse ce temps de Noël nourrir notre amitié pour Saint Joseph, grand protecteur de l’église.
D. Christophe GRANVILLE
Un jeune couple dans un monde en pleine mutation, nous en connaissons tous : des visages nous apparaissent, avec leur nom, leur histoire. Déjà, la crainte peut nous saisir : quel avenir pour cet homme et cette femme ? Quel avenir pour leurs enfants si jamais ils en ont ? Beaucoup de ceux qui les entourent, trouvent que c’était mieux avant, peut-être ont-ils raison.
Le pays qui les a vus naître, n’est plus que l’ombre de lui même. Les rois d’autrefois choisis par Dieu et recevant l’onction, sont morts. Les décisions essentielles sont prises ailleurs, l’indépendance semble un passé révolu. Les frontières, enjeu majeur pour des générations d’anciens, sont désormais abolies… L’heure n’est plus au rêve mais à la nostalgie.
La religion, facteur majeur de l’unité du peuple, est peu suivie. Les lieux les plus sacrés de la religion ont été profanés voici deux siècles. Même rénovés, ils n’attirent plus beaucoup de monde. D’autres courants religieux et philosophiques, anciens ou nouveaux, souvent d’origine orientale, forment un pluralisme confessionnel qui réjouit beaucoup de penseurs du temps. Les autorités religieuses traditionnelles paraissent marginalisées. Les prêtres, réputés intercesseurs entre Dieu et les hommes, sont âgés, les pratiquants peu nombreux et minoritaires. Certes, ils sont souvent fervents mais ils sont divisés en plusieurs sensibilités, marquées par des choix politiques différents.
Ce jeune couple semble peu concerné par tout cela. Lui travaille, plutôt bien d’ailleurs. Cela suffit pour vivre. Ni richesse, ni pauvreté. Elle tient la maison, rendant service aux proches comme aux voisins. Ils n’appartiennent pas à cette plèbe qui vit assistée depuis longtemps des largesses de l’Etat ou de quelques puissants. Il suffirait de peu de choses pour basculer dans la précarité.
Justement, les évènements se précipitent : s’annonce un enfant à naître.
Pas vraiment le moment. D’obscures décisions venues d’en haut imposent un déménagement. Tout bascule. La solidarité familiale ne joue plus.
Débrouillez-vous ! Où est Dieu dans tout cela ?
Notre jeune couple ne semble pas s’effrayer de tout cela. Etrangement, il n’a pas peur, ni du présent, ni de l’avenir.
Tout ce qui a été décrit précédemment, s’est passé voici deux millénaires. Lui s’appelle Joseph, elle Marie.
Ils ne subissent ni les évènements ni l’irruption de Dieu dans leur vie, ils les épousent. Joseph aurait pu maugréer comme Jérémie ou douter comme Zacharie, Marie hésiter voire refuser. Au lieu de se plaindre du monde, ils l’aiment, certainement sans illusion mais sans rancœur ni prétention. N’est-ce pas un peu la manière de Dieu d’aimer les hommes tels qu’ils sont ? Cela ne veut pas dire qu’il renonce à les voir se convertir et ainsi leur offrir le salut.
La figure même de Joseph et de Marie nous incite à ne pas faire dépendre notre foi des évènements du monde. La sainteté de ces deux êtres s’exprime par leur étonnante liberté que l’on découvre dans leur agir quotidien comme dans leur prière. Ils n’ont pas peur du monde qui est le leur. L’Incarnation nous rappelle que Dieu, non plus, n’a pas eu peur de venir précisément dans un monde qui meurt, en s’anéantissant (Philippiens 2,7-8).
Noël signifie que Dieu nous porte de la Crèche jusqu’à la Croix de son Fils.
Depuis Bethléem, il n’y a aucune réalité humaine étrangère au Christ.
Avant nous, Marie avait compris de l’ange que « rien n’est impossible à Dieu »
(Luc 1,37) : que cette promesse soit une des lumières de Noël.
D. Stéphane PELISSIER
Le contraste est saisissant entre l’évangile de ce dimanche et celui de dimanche dernier ! Nous avons rencontré la figure de Jean-Baptiste dimanche dernier. Celui-ci était plein de zèle et de fougue en appelant au baptême de conversion dans l’eau du Jourdain. Vêtu pauvrement, nous voyions en lui un modèle d’homme libre. Libre du regard des autres, libre dans sa parole, libre dans sa relation à Jésus qui viendra aussi se faire baptiser bien que Jean-Baptiste ne se sente pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Libre, aussi, par rapport à lui-même et, enfin, libre d’annoncer la venue imminente du Christ : « il vient derrière moi celui qui est plus grand que moi ».
Et voilà que ce dimanche il est de nouveau fait mention de Jean-Baptiste mais… dans sa prison. L’homme libre du désert est à présent dans les geôles du roi Hérode. Il le doit à sa liberté de parole même envers le roi : « tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère ». Dans cette prison, il sera finalement décapité. Pourtant, dans ce contexte aux allures dramatiques, Jésus ne semble pas inquiet. On pourrait s’attendre à lire dans l’évangile un trait de compassion à l’égard de son cousin Jean-Baptiste. Il y a entre les deux un lien familial et d’amitié fort, comme il y en avait un entre leurs mères Marie et Elizabeth. En fait, Jean-Baptiste ne s’inquiète pas de son sort. De sa prison, il envoie ses disciples vers Jésus. Non pas pour que celui-ci le sorte par miracle de sa prison mais plutôt pour savoir si le Messie va enfin se manifester. C’est cela qui importe. Et Jésus lui répond ce qui sera de nature à le combler : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! ».
Peut-être pouvons-nous retenir cela : il n’y a pas de circonstances meilleures que d’autres pour recevoir Jésus et vivre de sa vie. Jean-Baptiste n’est pas moins libre quand il est en prison que quand il crie dans le désert. Dans chaque situation, il accomplit sa mission : il est tourné vers Jésus, il le montre et y conduit ses disciples. En ne relâchant pas son attention vers Jésus, en ne la faisant pas dépendre des circonstances, il accomplit sa vocation profonde et y trouve sa joie. Nous aussi, pendant ce temps de préparation à Noël, ne nous cachons pas derrière de mauvais prétextes pour différer notre marche vers Jésus. Aucune condition n’est défavorable. Jésus vient pour tout sauver !
D. Martin PANHARD