Nous voici arrivés au dernier dimanche de l’année liturgique et l’église, pour nous y introduire, nous fait méditer sur ce qui doit être pour nous objet d’espérance : la parousie.
Ce mot grec que la théologie emploie pour parler de la Venue du Christ en gloire à la fin des temps, veut dire : « présence ». Ce terme préexistait à son usage théologique. Il était utilisé dans le monde antique pour parler de l’arrivée du souverain en visite officielle. Cette arrivée du roi, sa parousie, était précédée de toute une mise en scène durant laquelle, pendant plusieurs semaines, on portait son portrait dans les rues de la ville. C’était un moyen de faire comprendre que le souverain était partout présent et pas seulement là ou l’on percevait sa présence physique. La parousie était donc pour un roi, un moyen de manifester sa présence à son peuple afin d’asseoir sa puissance.
Or si le terme de parousie a été repris par l’église pour parler de la venue du Seigneur, c’est qu’elle nous dit quelque chose du retour en gloire de Jésus.
Le Christ, lors de sa parousie, sera manifesté à toute sa création dans toute sa puissance : «Comme l’éclair, en effet, part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme ».
(Matthieu 24, 27)
Toutefois la comparaison entre la parousie d’un souverain et le retour en gloire de Jésus diffère en ceci : le souhait d’omni-présence d’un despote ne sera jamais qu’un fantasme (jamais aucun portrait ne le rendra véritablement présent à son peuple) alors que la parousie du Christ est déjà une réalité. Nous sommes d’ailleurs appelés à en faire quotidiennement l’expérience : Jésus est là ! Il est présent ! Même si « La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, (…) voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous », nous dit Jésus (Luc 17, 21).
Et je crois qu’il est vital pour un chrétien, tout spécialement dans une société laïque, de savoir lire les signes de la présence divine.
Chaque fois que nous contemplons un beau couché de soleil, un sommet enneigé ou tout autre splendeur que nous réserve la création, nous contemplons l’œuvre de Dieu qui reste présent à sa création.
Le rôle de nos églises, de nos statues et de tout autre objet religieux, n’est pas de rendre présent un absent, mais de manifester sa présence !
Enfin rappelons nous que lorsque nous prions, particulièrement lorsque « deux ou trois sont réunis en son nom » (Matthieu 18,20) c’est bien Jésus qui est au milieu de nous.
Si nous vivons en sa présence, nous serons prêts lorsqu’il se manifestera.
Cette manifestation, cette parousie ne sera alors pour nous, qu’une apocalypse, c’est à dire littéralement : la levée d’un voile ! Attachons nous donc à déceler sa présence derrière le voile, c’est à dire derrière tous les événements de nos vies. Recevons chaque instant comme venant de Dieu.
Sainte Jeanne de Chantal résumait cela en une formule saisissante :
« Si vous ne chercher que Dieu vous le trouverez partout ! » Alors, oui, puissions-nous être tendu vers la pleine manifestation de Dieu. Oui, laissons la parousie advenir pour nous ! Vivement l’apocalypse !
D. Louis-Marie
L’évangile nous présente Jésus au Temple avec ses disciples. Le Temple de Jérusalem est encore à ce moment-là le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu et même le lieu de la présence de Dieu. Jésus y a été présenté par ses parents après sa naissance selon la loi de Moïse. Adolescent, il y va en pèlerinage et y reste même à l’insu de ses parents qui le retrouveront en train de faire la leçon aux docteurs de la loi. Pendant son ministère public, il s’y trouve fréquemment pour enseigner. Enfin, c’est à proximité du Temple que Jésus va être arrêté, crucifié au moment même où dans le Temple on commence à sacrifier les agneaux pour la Pâque, puis va ressusciter.
Mais la relation de Jésus avec le Temple prépare une rupture fracassante. Jésus ne lui prédit pas un grand avenir. Il annonce clairement sa destruction prochaine et totale. Elle adviendra en effet environ quarante ans plus tard et il ne sera jamais relevé. Mais le propos de Jésus ne concerne pas le plan d’urbanisme de Jérusalem. Quand on lui parle du Temple et de sa beauté, il répond en parlant de lui… et de nous.
– de lui. Car ce qui va advenir au Temple en pierre figure ce qui va advenir de lui : il sera détruit. A la différence fondamentale près que Jésus va s’en relever en ressuscitant d’entre les morts. Il l’avait annoncé : « Détruisez ce Temple et moi, en trois jours, je le rebâtirai ». Les disciples ne comprendront cette parole qu’après sa résurrection. En effet, le Temple dont parlait Jésus, c’était son propre corps. lorsque son corps est déchiré sur la croix, à quelques centaines de mètres, le rideau du Temple se déchire de haut en bas, attestant l’abolition du culte lié à ce Temple près de disparaitre définitivement et l’avènement de l’Alliance Nouvelle scellée dans le sang du Christ sur la croix. Il y a bien un Temple mais celui-ci n’est plus fait de main d’hommes. C’est Jésus lui-même en qui l’humanité est réconciliée avec Dieu. C’est en lui que Dieu habite pleinement parmi les hommes.
– de nous. Car nous avons pris conscience aussi que nous constituons nous-mêmes le nouveau Temple, en prolongement du corps du Christ. Tel est l’enseignement explicite de saint Paul : l’Eglise est le Temple de Dieu. Chaque chrétien est lui-même Temple de Dieu en tant que membre du corps du Christ. Voilà le Temple définitif qui n’est pas fait de main d’hommes : c’est l’Eglise, corps du Christ, lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes, signe de la présence divine ici-bas. De ce Temple-là, l’ancien sanctuaire n’était donc qu’une figure, suggestive mais imparfaite, provisoire et maintenant dépassée. Nous pouvons comprendre les persécutions et autres maux que nous annonce Jésus dans cet évangile comme la garantie que nous sommes bien son corps ! En persévérant, nous subirons le même sort : nous garderons la vie !
D. Martin PANHARD
La fin de l’Année liturgique approche avec des textes évangéliques très marqués : l’Eglise nous invite à nous remettre face aux questions fondamentales de la mort, de l’éternité et du salut. Comme l’écrivait en 1985 le Cardinal Ratzinger, « la question essentielle posée à la vie humaine, c’est la mort ; si l’on n’y répond pas, on n’a, en définitive, rien répondu du tout ».
Il ne faut pas avoir peur de comprendre que LE REGARD QUE NOUS POSONS SUR LA MORT ET L’AU-DELà CONDITIONNE ABSOLUMENT TOUTE NOTRE VIE.
Saint Paul nous met en garde depuis deux millénaires : « si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine… Nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes » (1ère lettre aux Corinthiens 15, 16s). Croire en un Dieu créateur, aimant et miséricordieux, celui révélé par le Christ, lui-même vrai Dieu et vrai homme, c’est croire en la nécessaire Résurrection annoncée et vécue par ce même Jésus. Si nous ne croyons pas à La résurrection et à la vie éternelle, nous n’avons plus rien à faire dans les églises.
Pourquoi prier pour nos morts s’il n’y rien après ? Pourquoi avoir le désir de faire le bien sur la terre s’il n’y a pas de récompense après cette vie ? Soyons un peu logique tout de même !
Allons jusqu’au bout du raisonnement : « Que faire si Dieu n’existe pas, si Rakitine a raison de prétendre que c’est une idée forgée par l’humanité ? Dans ce cas l’homme serait le roi de la terre, de l’univers. Très bien ! Seulement, comment sera-t-il vertueux sans Dieu ? Je me le demande. Alors tout est permis »? (Paroles de Dimitri dans Les frères Karamazov de Dostoïevski).
Nous subissons chaque jour davantage de manière dramatique les conséquences écologiques, économiques et spirituelles de cette terrible erreur dominante de l’homme-roi de la terre puisque Dieu (dont on ne se pose plus la question de l’existence) n’est plus un obstacle à sa toute-puissance. Le Pape émérite Benoît XVI nous a rappelé récemment que la crise de l’Europe était anthropologique : nous ne savons plus qui nous sommes car nous ne croyons plus que nous sommes faits à l’image de Dieu.
La Révélation biblique accepte la réalité de la mort, conséquence du péché, mort qui creuse un fossé infranchissable par l’homme avec la vie terrestre.
Laissons à l’historien P. Chaunu ces mots magnifiques de foi et d’espérance : « Si la mort est bien la mort, la vie est la vie. Et la vie est pour Dieu. Alors quand le but est atteint, quand l’amour de Dieu envahit les instants de cette vie, il n’est plus possible que l’amour de Dieu qui est ‘au commencement’, en dehors du temps qu’Il a créé, tienne encore dans ce temps… Cette histoire d’amour entre Dieu et les hommes conduit au-delà de la mort et du temps… L’amour de Dieu transforme l’instant de la mort, l’ultime instant qui récapitule la totalité du temps vécu, à travers une mutation qui est dite résurrection, en éternité participée…
La mort est vraie mais l’Amour de Dieu est vrai plus encore. Et l’amour de Dieu ne peut se satisfaire en dehors de l’Eternité. Eternité d’acceptation ou de refus ».
D. Stéphane Pélissier
Les saints n’ont pas tous bien commencé, mais ils ont tous bien fini. A quelques jours de la Toussaint, il est bon d’entendre le récit de la conversion de Zachée, point de départ de sa nouvelle vie, après cette rencontre salvifique avec Jésus !
Petit, et certainement rejeté par son style de vie, l’évangile nous fait entendre l’avis de toute la ville de Jéricho au sujet de Zachée : il est un homme pécheur. Pourtant, malgré ses vols et son amour démesuré de l’argent, il garde en lui le désir de voir Jésus. Chacun de nos cœurs, malgré la noirceur de nos péchés, gardent le désir d’un peu de Lumière, particulièrement celle de la Vérité et de la Miséricorde. Cette Lumière qui est toute divine. Mais Comme Zachée, nous préférons voir la Lumière sans qu’elle nous voit. Autrement dit, nous montons nous aussi dans nos sycomores, pour trouver un peu de répit pour nos âmes et observer Jésus de haut ou de loin. Peut-être nous ne nous sentons pas assez dignes ou capables de nous approcher plus de Jésus.
Mais le Seigneur ne veut pas que nous nous installions dans cette relation lointaine avec lui ! « Descends vite ! » nous ordonne Jésus, « il me faut aujourd’hui demeurer chez toi ». Et cette invitation de Jésus est reçue avec joie. Seule la prière d’oraison (ou la composition des lieux selon la spiritualité Ignatienne) nous fait rentrer dans le sentiment de joie du cœur de Zachée. Certainement que la douceur des paroles de Jésus, son regard plein de bienveillance ont fait tomber les premières murailles de son ancienne vie. Les portes s’ouvrent pour accueillir Jésus. Nous pourrions retenir, qu’avant les changements de notre agir, nous sommes faits pour cette rencontre personnelle avec le Christ. C’est dans cette relation forte de communion que nous trouvons la joie de nous détacher de ce qui était mauvais. Elle est souvent comprise à l’envers. Il faut que je change ceci ou cela, alors le Seigneur m’aimera. Non !!! C’est parce que j’accueille le Christ dans ma vie, que je lui laisse toucher mon cœur blessé, que nous aurons alors le désir de rendre visible notre conversion par un changement de nos actes, de nos comportements et de nos habitudes !
Zachée, en effet, ne tarde pas a organiser son avenir à la lumière de cette rencontre. Invisible mais réel l’amour du Christ pour Zachée l’a transformé. On y retrouve la même grandeur. « Voici, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un, je lui rendrai le quadruple ». Une seule fois dans la bible, il est précisé la nécessité de rembourser quatre fois la valeur d’un vol : c’est en Exode chapitre 21 verset 37, dans le cas du vol d’un agneau, tué et vendu. Zachée, par sa qualité de fils d’Abraham, étend cette résolution à tous ses vols.
Nous n’aurons pas d’autres détails de la vie de Zachée dans l’Evangile. Il faut aller à Rocamadour pour découvrir, selon la Tradition le témoignage de la piété populaire : on priait devant le corps d’un homme resté intact après la mort et de petite taille. Renouvelé dans la foi en la communion des Saints, demandons aux Saints du Ciel de nous emmener un petit peu plus sur le chemin de la conversion du cœur, de l’Amour de Dieu et du service des plus pauvres dans son Eglise. Alors, Saint Amadour, priez pour nous !
D. Christophe GRANVILLE
Les pharisiens ont toujours le mauvais rôle ! Même dans cette parabole qui est une histoire inventée. Jésus aurait pu inverser les rôles pour ne pas stigmatiser encore ces mêmes individus et leur donner pour une fois, le rôle des gentils mais non. Décidément, être pharisien ne fait pas approcher du royaume des cieux. Pire que ça, ce qui en éloigne le plus semble être de s’y croire. La parabole est destinée à certains qui sont convaincus d’être justes et qui méprisent les autres. Et ce rôle sera tenu par un pharisien…
Bon, mais ne nous y trompons pas. L’intention de Jésus n’est pas de se moquer ou de dénigrer. Rappelons-nous simplement que Jésus vient nous apprendre que nous sommes aimés par Dieu même si nous nous sentons minables ; et que cet amour de Dieu est agissant et transformant en nous dès lors que nous nous reconnaissons comme tels. Ensuite, cette action de Dieu qui nous transforme ou qui nous fait devenir justes, selon l’expression de l’évangile, vise à nous élever à une même capacité d’amour. Aimer Dieu et aimer son prochain est le véritable et nouveau commandement donné par Jésus.
En effet, « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » est une affirmation que l’on relève trois fois dans les évangiles (une fois chez saint Matthieu, deux fois chez saint Luc). Elle vient conclure des enseignements sur les rapports avec le prochain comme la manière de se faire serviteur ou les rapports avec Dieu, comme ici avec la prière. Cette expression est donc une règle de l’amour aussi bien de Dieu que du prochain. C’est ce qu’avait bien compris sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui écrivait cette belle définition : « Le propre de l’amour est de s’abaisser ». Elle l’écrivait d’abord pour décrire l’amour de Jésus qui, étant Dieu, s’est abaissé pour chacun de nous, jusqu’à prendre la dernière place et être tué. Ce que résume l’hymne aux Philippiens (Ph 2, 6-11) : « Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur… Il s’est abaissé… jusqu’à la mort et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom… ».
Croire en Jésus mort et ressuscité, c’est dire comme saint Jean : « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru… Quant à nous, nous aimons parce que Dieu nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 16-19).
D. Martin PANHARD