Un jeune couple dans un monde en pleine mutation, nous en connaissons tous : des visages nous apparaissent, avec leur nom, leur histoire. Déjà, la crainte peut nous saisir : quel avenir pour cet homme et cette femme ? Quel avenir pour leurs enfants si jamais ils en ont ? Beaucoup de ceux qui les entourent, trouvent que c’était mieux avant, peut-être ont-ils raison.
Le pays qui les a vus naître, n’est plus que l’ombre de lui même. Les rois d’autrefois choisis par Dieu et recevant l’onction, sont morts. Les décisions essentielles sont prises ailleurs, l’indépendance semble un passé révolu. Les frontières, enjeu majeur pour des générations d’anciens, sont désormais abolies… L’heure n’est plus au rêve mais à la nostalgie.
La religion, facteur majeur de l’unité du peuple, est peu suivie. Les lieux les plus sacrés de la religion ont été profanés voici deux siècles. Même rénovés, ils n’attirent plus beaucoup de monde. D’autres courants religieux et philosophiques, anciens ou nouveaux, souvent d’origine orientale, forment un pluralisme confessionnel qui réjouit beaucoup de penseurs du temps. Les autorités religieuses traditionnelles paraissent marginalisées. Les prêtres, réputés intercesseurs entre Dieu et les hommes, sont âgés, les pratiquants peu nombreux et minoritaires. Certes, ils sont souvent fervents mais ils sont divisés en plusieurs sensibilités, marquées par des choix politiques différents.
Ce jeune couple semble peu concerné par tout cela. Lui travaille, plutôt bien d’ailleurs. Cela suffit pour vivre. Ni richesse, ni pauvreté. Elle tient la maison, rendant service aux proches comme aux voisins. Ils n’appartiennent pas à cette plèbe qui vit assistée depuis longtemps des largesses de l’Etat ou de quelques puissants. Il suffirait de peu de choses pour basculer dans la précarité.
Justement, les évènements se précipitent : s’annonce un enfant à naître.
Pas vraiment le moment. D’obscures décisions venues d’en haut imposent un déménagement. Tout bascule. La solidarité familiale ne joue plus.
Débrouillez-vous ! Où est Dieu dans tout cela ?
Notre jeune couple ne semble pas s’effrayer de tout cela. Etrangement, il n’a pas peur, ni du présent, ni de l’avenir.
Tout ce qui a été décrit précédemment, s’est passé voici deux millénaires. Lui s’appelle Joseph, elle Marie.
Ils ne subissent ni les évènements ni l’irruption de Dieu dans leur vie, ils les épousent. Joseph aurait pu maugréer comme Jérémie ou douter comme Zacharie, Marie hésiter voire refuser. Au lieu de se plaindre du monde, ils l’aiment, certainement sans illusion mais sans rancœur ni prétention. N’est-ce pas un peu la manière de Dieu d’aimer les hommes tels qu’ils sont ? Cela ne veut pas dire qu’il renonce à les voir se convertir et ainsi leur offrir le salut.
La figure même de Joseph et de Marie nous incite à ne pas faire dépendre notre foi des évènements du monde. La sainteté de ces deux êtres s’exprime par leur étonnante liberté que l’on découvre dans leur agir quotidien comme dans leur prière. Ils n’ont pas peur du monde qui est le leur. L’Incarnation nous rappelle que Dieu, non plus, n’a pas eu peur de venir précisément dans un monde qui meurt, en s’anéantissant (Philippiens 2,7-8).
Noël signifie que Dieu nous porte de la Crèche jusqu’à la Croix de son Fils.
Depuis Bethléem, il n’y a aucune réalité humaine étrangère au Christ.
Avant nous, Marie avait compris de l’ange que « rien n’est impossible à Dieu »
(Luc 1,37) : que cette promesse soit une des lumières de Noël.
D. Stéphane PELISSIER
Le contraste est saisissant entre l’évangile de ce dimanche et celui de dimanche dernier ! Nous avons rencontré la figure de Jean-Baptiste dimanche dernier. Celui-ci était plein de zèle et de fougue en appelant au baptême de conversion dans l’eau du Jourdain. Vêtu pauvrement, nous voyions en lui un modèle d’homme libre. Libre du regard des autres, libre dans sa parole, libre dans sa relation à Jésus qui viendra aussi se faire baptiser bien que Jean-Baptiste ne se sente pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Libre, aussi, par rapport à lui-même et, enfin, libre d’annoncer la venue imminente du Christ : « il vient derrière moi celui qui est plus grand que moi ».
Et voilà que ce dimanche il est de nouveau fait mention de Jean-Baptiste mais… dans sa prison. L’homme libre du désert est à présent dans les geôles du roi Hérode. Il le doit à sa liberté de parole même envers le roi : « tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère ». Dans cette prison, il sera finalement décapité. Pourtant, dans ce contexte aux allures dramatiques, Jésus ne semble pas inquiet. On pourrait s’attendre à lire dans l’évangile un trait de compassion à l’égard de son cousin Jean-Baptiste. Il y a entre les deux un lien familial et d’amitié fort, comme il y en avait un entre leurs mères Marie et Elizabeth. En fait, Jean-Baptiste ne s’inquiète pas de son sort. De sa prison, il envoie ses disciples vers Jésus. Non pas pour que celui-ci le sorte par miracle de sa prison mais plutôt pour savoir si le Messie va enfin se manifester. C’est cela qui importe. Et Jésus lui répond ce qui sera de nature à le combler : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! ».
Peut-être pouvons-nous retenir cela : il n’y a pas de circonstances meilleures que d’autres pour recevoir Jésus et vivre de sa vie. Jean-Baptiste n’est pas moins libre quand il est en prison que quand il crie dans le désert. Dans chaque situation, il accomplit sa mission : il est tourné vers Jésus, il le montre et y conduit ses disciples. En ne relâchant pas son attention vers Jésus, en ne la faisant pas dépendre des circonstances, il accomplit sa vocation profonde et y trouve sa joie. Nous aussi, pendant ce temps de préparation à Noël, ne nous cachons pas derrière de mauvais prétextes pour différer notre marche vers Jésus. Aucune condition n’est défavorable. Jésus vient pour tout sauver !
D. Martin PANHARD
La figure tutélaire du temps de l’Avent s’avance : Jean le Baptiste. Isaïe, cité dans l’évangile dominical, parle de la « voix de celui qui crie dans le désert » (Is 40,3 et Mt 3,3). Cette voix est comme celle du rugissement d’un lion.Pour cette raison, l’évangéliste Marc qui commence son récit directement par la prédication du Baptiste, se voit attribué le symbole du lion.
Dans le judaïsme, Jean est prêtre (cohen) et fils de prêtre (Zacharie), il a donc une proximité toute particulière au Temple et à la réalité du sacrifice. Son sacerdoce lévitique (issu de la tribu de Lévi) implique une pureté (il doit s’abstenir de tout ce qui rend impur, comme toucher un cadavre) et le rend purificateur de la souillure des autres. On comprend beaucoup mieux son style de vie (peau de chameau, sauterelles et miel) ainsi que le contenu de sa prédication axée sur la dénonciation du péché avec en parallèle la nécessaire conversion qui purifie et transforme.
Ayant alors pleinement conscience de sa mission de Précurseur du Messie, il initie un baptême qui dépasse les rites d’immersion connus dans le judaïsme (baptême des Prosélytes – païens adhérant à la foi juive – et celui des Esséniens) comme dans les religions anciennes. A la différence des précédents, il vise une purification non plus rituelle mais morale, il ne se répète pas (il devient une initiation) et surtout a une valeur messianique : il introduit celui qui l’a reçu dans la communauté de ceux qui attendent activement la venue annoncée du Messie. Son efficacité est réelle mais non sacramentelle. L’eau certes purifie mais le feu, moyen moins matériel et plus efficace que l’eau, devient le symbole de l’intervention de Dieu. Dans l’Ancien Testament, le feu de Dieu était déjà descendu du ciel à plusieurs reprises pour purifier ou consumer.
Voulons-nous être purifiés ou consumés ? Le feu de la Géhenne consume à jamais ce qui ne peut être purifié. La vallée de la Géhenne est associée à la pratique d’infanticides rituels dans le feu. Elle est ensuite convertie en dépotoir dont la pestilence émane à des lieues à la ronde, elle fut également réputée pour être le lieu de réclusion des lépreux et pestiférés. Pour les juifs, elle n’est qu’un lieu de passage, voire la dénomination d’un processus de purification des âmes. Avec le Christ, elle devient synonyme de l’enfer éternel.
Pendant un certain temps, Jean et Jésus ont mené une même action ; l’un et l’autre ont baptisé ; l’évangile de Jean rapporte en effet que « Jésus vint avec ses disciples aux pays de Judée et il y baptisait ; Jean baptisait aussi à Aenon près de Salim où les eaux sont abondantes » (Jn 3, 22-23). Leur pratique était fondée sur ce que Jean avait fondé. S’il existait des rites de purification par ablution d’eau, il n’existait pas de baptême au sens propre du terme, car le baptême donné par Jean – et à sa suite par Jésus – implique une relation personnelle à celui qui baptise. Le baptême est le sacrement de la conversion personnelle. Le baptême de Jean et celui de Jésus impliquent une conversion, une rupture avec le mensonge et l’illusion. Pour cette raison, Jean-Baptiste dénonce les catégories sociales emblématiques de ceux pour qui l’appartenance religieuse dispense de la conversion personnelle, les sadducéens et les pharisiens (Mt 3, 7-10).
Profitons de l’Avent pour nous replonger dans la grâce de notre baptême, pour nous laisser purifier par le feu de son Amour et pour renouveler notre attente de la rencontre avec le Christ. D. Stéphane PELISSIER
Depuis le dernier édito, la Parousie n’a plus de secrets pour vous ! Elle est cette présence de Dieu et les textes de ce premier dimanche de l’Avent sont surprenants. Ils semblent reprendre le thème des fins dernières qui nous a accompagnés au mois de novembre. Comment alors comprendre cette insistance ? L’Eglise nous invite à regarder la fin de notre vie chrétienne où Dieu sera présent, tout en tous, afin de vivre ici-bas polarisé par le désir du Ciel.
Cette présence nous rappelle deux choses : elle a déjà commencé mais aussi, précisément, cette présence n’a que commencé ! Par notre vie nous sommes appelés à la faire grandir, la rendre encore plus visible. Voyons comment !
Ce temps de l’Avent est pour nous un temps offert par Dieu. Si le Seigneur cherche aujourd’hui à faire rayonner sa présence aimante dans notre monde, nous comprenons que l’Avent n’est pas un temps d’attente. Nous devons activement rendre visible cette présence de Dieu par notre foi, notre espérance et notre amour ! Rien n’est trop petit pour la Grâce de Dieu ! Rien qu’elle ne puisse rendre fécond ! Offrons lui tout ce que nous sommes ! A l’image de Marie qui dit son « Fiat voluntas tua », laissons l’Esprit Saint nous prendre sous son ombre. Laissons Dieu nous redonner sa vie. Derrière cela nous découvrons à quel point la vie de prière personnelle est importante. N’ayons pas peur de soigner notre vie intérieure. Reprenons paisiblement notre oraison, notre chapelet ou la méditation de l’évangile du jour ! Nous retrouvons cette invitation lorsque l’évangile de ce dimanche nous invite à veiller.
Nous rendrons également visible la présence de Dieu par la conversion de nos vies ! Saint Paul dans la lettre aux Romains nous y invite : « Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière ». Cette conversion du cœur et de l’esprit s’appelle metanoia. Elle est à la fois un changement de sens, un changement de pensée, un repentir, une pénitence, un changement de vie. Il y a une radicalité dans la conversion évangélique ! Nous pouvons demander cette grâce de courage à nous convertir. Ce courage de rompre avec le sommeil de notre âme. Seul ce courage nous donnera la liberté de suivre intensément Jésus. Alors, le changement constant qu’exige notre vie Chrétienne rendra possible la fidélité. Nous aurons le courage de changer les penchants naturels de notre vie pour faire émerger un « oui » à la grâce. Il est difficile de comprendre cela, mais la conversion est tout à la fois une grâce de Dieu, une exigence et un devoir. Le champ d’action d’ailleurs ne sera pas fait de circonstances exceptionnelles mais se trouvera dans notre vie quotidienne.
Enfin, la dernière manière de rendre visible la présence de Dieu ici bas passera par notre joie. Le psaume de ce dimanche est merveilleux ! Laissons la joie de Dieu nous saisir ! Elle est particulièrement communicable. Que ce nouvel Avent fasse davantage venir le Christ dans nos vies pour le rendre visible au monde c’est la grâce que nous pouvons demander vraiment les uns pour les autres ! Bon Avent !
D. Christophe GRANVILLE
Nous voici arrivés au dernier dimanche de l’année liturgique et l’église, pour nous y introduire, nous fait méditer sur ce qui doit être pour nous objet d’espérance : la parousie.
Ce mot grec que la théologie emploie pour parler de la Venue du Christ en gloire à la fin des temps, veut dire : « présence ». Ce terme préexistait à son usage théologique. Il était utilisé dans le monde antique pour parler de l’arrivée du souverain en visite officielle. Cette arrivée du roi, sa parousie, était précédée de toute une mise en scène durant laquelle, pendant plusieurs semaines, on portait son portrait dans les rues de la ville. C’était un moyen de faire comprendre que le souverain était partout présent et pas seulement là ou l’on percevait sa présence physique. La parousie était donc pour un roi, un moyen de manifester sa présence à son peuple afin d’asseoir sa puissance.
Or si le terme de parousie a été repris par l’église pour parler de la venue du Seigneur, c’est qu’elle nous dit quelque chose du retour en gloire de Jésus.
Le Christ, lors de sa parousie, sera manifesté à toute sa création dans toute sa puissance : «Comme l’éclair, en effet, part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme ».
(Matthieu 24, 27)
Toutefois la comparaison entre la parousie d’un souverain et le retour en gloire de Jésus diffère en ceci : le souhait d’omni-présence d’un despote ne sera jamais qu’un fantasme (jamais aucun portrait ne le rendra véritablement présent à son peuple) alors que la parousie du Christ est déjà une réalité. Nous sommes d’ailleurs appelés à en faire quotidiennement l’expérience : Jésus est là ! Il est présent ! Même si « La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, (…) voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous », nous dit Jésus (Luc 17, 21).
Et je crois qu’il est vital pour un chrétien, tout spécialement dans une société laïque, de savoir lire les signes de la présence divine.
Chaque fois que nous contemplons un beau couché de soleil, un sommet enneigé ou tout autre splendeur que nous réserve la création, nous contemplons l’œuvre de Dieu qui reste présent à sa création.
Le rôle de nos églises, de nos statues et de tout autre objet religieux, n’est pas de rendre présent un absent, mais de manifester sa présence !
Enfin rappelons nous que lorsque nous prions, particulièrement lorsque « deux ou trois sont réunis en son nom » (Matthieu 18,20) c’est bien Jésus qui est au milieu de nous.
Si nous vivons en sa présence, nous serons prêts lorsqu’il se manifestera.
Cette manifestation, cette parousie ne sera alors pour nous, qu’une apocalypse, c’est à dire littéralement : la levée d’un voile ! Attachons nous donc à déceler sa présence derrière le voile, c’est à dire derrière tous les événements de nos vies. Recevons chaque instant comme venant de Dieu.
Sainte Jeanne de Chantal résumait cela en une formule saisissante :
« Si vous ne chercher que Dieu vous le trouverez partout ! » Alors, oui, puissions-nous être tendu vers la pleine manifestation de Dieu. Oui, laissons la parousie advenir pour nous ! Vivement l’apocalypse !
D. Louis-Marie
L’évangile nous présente Jésus au Temple avec ses disciples. Le Temple de Jérusalem est encore à ce moment-là le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu et même le lieu de la présence de Dieu. Jésus y a été présenté par ses parents après sa naissance selon la loi de Moïse. Adolescent, il y va en pèlerinage et y reste même à l’insu de ses parents qui le retrouveront en train de faire la leçon aux docteurs de la loi. Pendant son ministère public, il s’y trouve fréquemment pour enseigner. Enfin, c’est à proximité du Temple que Jésus va être arrêté, crucifié au moment même où dans le Temple on commence à sacrifier les agneaux pour la Pâque, puis va ressusciter.
Mais la relation de Jésus avec le Temple prépare une rupture fracassante. Jésus ne lui prédit pas un grand avenir. Il annonce clairement sa destruction prochaine et totale. Elle adviendra en effet environ quarante ans plus tard et il ne sera jamais relevé. Mais le propos de Jésus ne concerne pas le plan d’urbanisme de Jérusalem. Quand on lui parle du Temple et de sa beauté, il répond en parlant de lui… et de nous.
– de lui. Car ce qui va advenir au Temple en pierre figure ce qui va advenir de lui : il sera détruit. A la différence fondamentale près que Jésus va s’en relever en ressuscitant d’entre les morts. Il l’avait annoncé : « Détruisez ce Temple et moi, en trois jours, je le rebâtirai ». Les disciples ne comprendront cette parole qu’après sa résurrection. En effet, le Temple dont parlait Jésus, c’était son propre corps. lorsque son corps est déchiré sur la croix, à quelques centaines de mètres, le rideau du Temple se déchire de haut en bas, attestant l’abolition du culte lié à ce Temple près de disparaitre définitivement et l’avènement de l’Alliance Nouvelle scellée dans le sang du Christ sur la croix. Il y a bien un Temple mais celui-ci n’est plus fait de main d’hommes. C’est Jésus lui-même en qui l’humanité est réconciliée avec Dieu. C’est en lui que Dieu habite pleinement parmi les hommes.
– de nous. Car nous avons pris conscience aussi que nous constituons nous-mêmes le nouveau Temple, en prolongement du corps du Christ. Tel est l’enseignement explicite de saint Paul : l’Eglise est le Temple de Dieu. Chaque chrétien est lui-même Temple de Dieu en tant que membre du corps du Christ. Voilà le Temple définitif qui n’est pas fait de main d’hommes : c’est l’Eglise, corps du Christ, lieu de la rencontre entre Dieu et les hommes, signe de la présence divine ici-bas. De ce Temple-là, l’ancien sanctuaire n’était donc qu’une figure, suggestive mais imparfaite, provisoire et maintenant dépassée. Nous pouvons comprendre les persécutions et autres maux que nous annonce Jésus dans cet évangile comme la garantie que nous sommes bien son corps ! En persévérant, nous subirons le même sort : nous garderons la vie !
D. Martin PANHARD
La fin de l’Année liturgique approche avec des textes évangéliques très marqués : l’Eglise nous invite à nous remettre face aux questions fondamentales de la mort, de l’éternité et du salut. Comme l’écrivait en 1985 le Cardinal Ratzinger, « la question essentielle posée à la vie humaine, c’est la mort ; si l’on n’y répond pas, on n’a, en définitive, rien répondu du tout ».
Il ne faut pas avoir peur de comprendre que LE REGARD QUE NOUS POSONS SUR LA MORT ET L’AU-DELà CONDITIONNE ABSOLUMENT TOUTE NOTRE VIE.
Saint Paul nous met en garde depuis deux millénaires : « si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine… Nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes » (1ère lettre aux Corinthiens 15, 16s). Croire en un Dieu créateur, aimant et miséricordieux, celui révélé par le Christ, lui-même vrai Dieu et vrai homme, c’est croire en la nécessaire Résurrection annoncée et vécue par ce même Jésus. Si nous ne croyons pas à La résurrection et à la vie éternelle, nous n’avons plus rien à faire dans les églises.
Pourquoi prier pour nos morts s’il n’y rien après ? Pourquoi avoir le désir de faire le bien sur la terre s’il n’y a pas de récompense après cette vie ? Soyons un peu logique tout de même !
Allons jusqu’au bout du raisonnement : « Que faire si Dieu n’existe pas, si Rakitine a raison de prétendre que c’est une idée forgée par l’humanité ? Dans ce cas l’homme serait le roi de la terre, de l’univers. Très bien ! Seulement, comment sera-t-il vertueux sans Dieu ? Je me le demande. Alors tout est permis »? (Paroles de Dimitri dans Les frères Karamazov de Dostoïevski).
Nous subissons chaque jour davantage de manière dramatique les conséquences écologiques, économiques et spirituelles de cette terrible erreur dominante de l’homme-roi de la terre puisque Dieu (dont on ne se pose plus la question de l’existence) n’est plus un obstacle à sa toute-puissance. Le Pape émérite Benoît XVI nous a rappelé récemment que la crise de l’Europe était anthropologique : nous ne savons plus qui nous sommes car nous ne croyons plus que nous sommes faits à l’image de Dieu.
La Révélation biblique accepte la réalité de la mort, conséquence du péché, mort qui creuse un fossé infranchissable par l’homme avec la vie terrestre.
Laissons à l’historien P. Chaunu ces mots magnifiques de foi et d’espérance : « Si la mort est bien la mort, la vie est la vie. Et la vie est pour Dieu. Alors quand le but est atteint, quand l’amour de Dieu envahit les instants de cette vie, il n’est plus possible que l’amour de Dieu qui est ‘au commencement’, en dehors du temps qu’Il a créé, tienne encore dans ce temps… Cette histoire d’amour entre Dieu et les hommes conduit au-delà de la mort et du temps… L’amour de Dieu transforme l’instant de la mort, l’ultime instant qui récapitule la totalité du temps vécu, à travers une mutation qui est dite résurrection, en éternité participée…
La mort est vraie mais l’Amour de Dieu est vrai plus encore. Et l’amour de Dieu ne peut se satisfaire en dehors de l’Eternité. Eternité d’acceptation ou de refus ».
D. Stéphane Pélissier
Les saints n’ont pas tous bien commencé, mais ils ont tous bien fini. A quelques jours de la Toussaint, il est bon d’entendre le récit de la conversion de Zachée, point de départ de sa nouvelle vie, après cette rencontre salvifique avec Jésus !
Petit, et certainement rejeté par son style de vie, l’évangile nous fait entendre l’avis de toute la ville de Jéricho au sujet de Zachée : il est un homme pécheur. Pourtant, malgré ses vols et son amour démesuré de l’argent, il garde en lui le désir de voir Jésus. Chacun de nos cœurs, malgré la noirceur de nos péchés, gardent le désir d’un peu de Lumière, particulièrement celle de la Vérité et de la Miséricorde. Cette Lumière qui est toute divine. Mais Comme Zachée, nous préférons voir la Lumière sans qu’elle nous voit. Autrement dit, nous montons nous aussi dans nos sycomores, pour trouver un peu de répit pour nos âmes et observer Jésus de haut ou de loin. Peut-être nous ne nous sentons pas assez dignes ou capables de nous approcher plus de Jésus.
Mais le Seigneur ne veut pas que nous nous installions dans cette relation lointaine avec lui ! « Descends vite ! » nous ordonne Jésus, « il me faut aujourd’hui demeurer chez toi ». Et cette invitation de Jésus est reçue avec joie. Seule la prière d’oraison (ou la composition des lieux selon la spiritualité Ignatienne) nous fait rentrer dans le sentiment de joie du cœur de Zachée. Certainement que la douceur des paroles de Jésus, son regard plein de bienveillance ont fait tomber les premières murailles de son ancienne vie. Les portes s’ouvrent pour accueillir Jésus. Nous pourrions retenir, qu’avant les changements de notre agir, nous sommes faits pour cette rencontre personnelle avec le Christ. C’est dans cette relation forte de communion que nous trouvons la joie de nous détacher de ce qui était mauvais. Elle est souvent comprise à l’envers. Il faut que je change ceci ou cela, alors le Seigneur m’aimera. Non !!! C’est parce que j’accueille le Christ dans ma vie, que je lui laisse toucher mon cœur blessé, que nous aurons alors le désir de rendre visible notre conversion par un changement de nos actes, de nos comportements et de nos habitudes !
Zachée, en effet, ne tarde pas a organiser son avenir à la lumière de cette rencontre. Invisible mais réel l’amour du Christ pour Zachée l’a transformé. On y retrouve la même grandeur. « Voici, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un, je lui rendrai le quadruple ». Une seule fois dans la bible, il est précisé la nécessité de rembourser quatre fois la valeur d’un vol : c’est en Exode chapitre 21 verset 37, dans le cas du vol d’un agneau, tué et vendu. Zachée, par sa qualité de fils d’Abraham, étend cette résolution à tous ses vols.
Nous n’aurons pas d’autres détails de la vie de Zachée dans l’Evangile. Il faut aller à Rocamadour pour découvrir, selon la Tradition le témoignage de la piété populaire : on priait devant le corps d’un homme resté intact après la mort et de petite taille. Renouvelé dans la foi en la communion des Saints, demandons aux Saints du Ciel de nous emmener un petit peu plus sur le chemin de la conversion du cœur, de l’Amour de Dieu et du service des plus pauvres dans son Eglise. Alors, Saint Amadour, priez pour nous !
D. Christophe GRANVILLE
Les pharisiens ont toujours le mauvais rôle ! Même dans cette parabole qui est une histoire inventée. Jésus aurait pu inverser les rôles pour ne pas stigmatiser encore ces mêmes individus et leur donner pour une fois, le rôle des gentils mais non. Décidément, être pharisien ne fait pas approcher du royaume des cieux. Pire que ça, ce qui en éloigne le plus semble être de s’y croire. La parabole est destinée à certains qui sont convaincus d’être justes et qui méprisent les autres. Et ce rôle sera tenu par un pharisien…
Bon, mais ne nous y trompons pas. L’intention de Jésus n’est pas de se moquer ou de dénigrer. Rappelons-nous simplement que Jésus vient nous apprendre que nous sommes aimés par Dieu même si nous nous sentons minables ; et que cet amour de Dieu est agissant et transformant en nous dès lors que nous nous reconnaissons comme tels. Ensuite, cette action de Dieu qui nous transforme ou qui nous fait devenir justes, selon l’expression de l’évangile, vise à nous élever à une même capacité d’amour. Aimer Dieu et aimer son prochain est le véritable et nouveau commandement donné par Jésus.
En effet, « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » est une affirmation que l’on relève trois fois dans les évangiles (une fois chez saint Matthieu, deux fois chez saint Luc). Elle vient conclure des enseignements sur les rapports avec le prochain comme la manière de se faire serviteur ou les rapports avec Dieu, comme ici avec la prière. Cette expression est donc une règle de l’amour aussi bien de Dieu que du prochain. C’est ce qu’avait bien compris sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui écrivait cette belle définition : « Le propre de l’amour est de s’abaisser ». Elle l’écrivait d’abord pour décrire l’amour de Jésus qui, étant Dieu, s’est abaissé pour chacun de nous, jusqu’à prendre la dernière place et être tué. Ce que résume l’hymne aux Philippiens (Ph 2, 6-11) : « Il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur… Il s’est abaissé… jusqu’à la mort et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom… ».
Croire en Jésus mort et ressuscité, c’est dire comme saint Jean : « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru… Quant à nous, nous aimons parce que Dieu nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 16-19).
D. Martin PANHARD