Pour mieux comprendre la première lecture de ce dimanche, il est nécessaire de la replacer au sein du Livre d’Isaie. Elyaquim est appelé à remplacer Shebna qui fut gouverneur du palais de Jérusalem au cours du règne d’Ezéchias (716 – 687). Le poste de gouverneur du palais était certainement important puisqu’il y avait un véritable rituel d’intronisation au moment de la nomination : on en devine des bribes à travers le texte d’aujourd’hui. En particulier, le gouverneur recevait une tunique et une écharpe qui étaient les insignes de sa fonction. Concrètement, parmi les attributions du gouverneur de Jérusalem, figurait le « pouvoir des clés ». Au moment de la remise solennelle des clés du palais royal, il recevait pleins pouvoirs sur les entrées au palais (et donc sur la possibilité d’être mis en présence du roi) et l’on disait sur lui la formule rituelle : « Je mets sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. » (Isaïe 22, 22). C’était donc un symbole d’autorité sur le royaume et la marque d’une très grande confiance de la
part du roi.
Or, on comprend clairement en lisant Isaïe que Shebna n’était pas digne de cette confiance et qu’il utilisait son pouvoir à des fins personnelles. Il s’était enrichi injustement. Plus soucieux de ses affaires et de son avenir que de celles du Royaume et de ses administrés.
On pourrait se poser la question de l’intérêt pour nous de méditer sur cet événement, vieux de plusieurs siècles. Si l’Eglise prend le temps de nous faire revenir sur ce morceau d’histoire du peuple élu, c’est précisément parce que malheureusement, cette situation d’abus nous concerne encore aujourd’hui !
Le risque est grand pour nous de ressembler à Shebna… Certes, nous ne portons pas seuls la responsabilité d’ouvrir ou de fermer l’accès au royaume, mais nous en sommes en partie responsables depuis notre baptême ! Le Christ, en nous appelant, nous a intégrés à l’Eglise, et nous a donné de partager la mission de saint Pierre : « Je mets sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera, s’il ferme, personne n’ouvrira. »
Quelle que soit notre situation personnelle, nous exerçons toujours en tant que baptisés, si minime soit-elle une autorité, voire un pouvoir. Nous sommes tous, à notre mesure, intendants du royaume ! Par notre attitude, nos paroles ou notre exemple, nous pouvons ouvrir ou fermer les portes du royaume de Dieu à nos contemporains qui ne connaissent pas le Christ. « Reconnais, ô chrétien, ta dignité… Souviens toi de quelle tête et de quel corps tu es membre » (Saint Léon le Grand, + en 604) Chrétien, rappelle toi… comme à Shebna, Dieu t’a confié les clés du royaume…
Alors, chers amis, supplions le Christ qui est le seul intendant parfaitement fidèle, de nous rendre dignes de notre mission de baptisés. Désormais, c’est en Lui, par Lui et avec Lui que les membres de l’Église, et au premier chef, le pape, les évêques et les prêtres participent à cette gestion des
mystères du salut. « Il faut donc que l’on nous regarde seulement comme les serviteurs du Christ et les intendants des mystères de Dieu. Et ce que l’on demande aux intendants, c’est en somme de mériter confiance » (Saint Paul, Première lettre aux Corinthiens 4,1-2).