Force est de constater que les établissements catholiques sont de plus en plus attaqués en France sur le point particulier du respect de laïcité. Le simple fait d’être catholique et donc de parler de Jésus rend ces établissements infréquentables pour ceux qui ne croient pas en Dieu et qui sont farouchement opposés à ce que d’autres personnes n’aient pas la même opinion. Récemment le directeur de l’Immaculée Conception à Pau s’est vu suspendu, par le rectorat dont il dépend, pour « dérapage » concernant cette fameuse laïcité. Lorsque l’on regarde ce qui lui est reproché, on croit rêver ! Le directeur a fait venir des intervenants : l’évêque du diocèse, un historien dont la thèse sur la guerre de Vendée ne plait pas à tout le monde. L’établissement propose la messe aux élèves. Une dérive sectaire ? « Des confessions organisées durant le temps scolaire » (lorsque l’on n’est pas baptisé on ne peut pas se confesser, cela ne peut donc pas être imposé), des « cours de catéchisme obligatoires et évalués » (ce n’est pas du catéchisme mais de la culture religieuse, cela fait partie du contrat avec l’état et le désir de mettre des évaluations sur cette heure est au bon vouloir du chef de l’établissement), des censures d’ouvrages (le mot fait bien, mais choisir c’est sélectionner). Bref tout est bon pour taper, faire du mal, détruire ce qui est différent. Sous couvert d’ouverture et d’acceptation, l’enseignement catholique ne devrait pas avoir voix au chapitre selon certains.
La laïcité doit être bien comprise, c’est-à-dire viable pour les non-croyants et pour les croyants. Mais en France actuellement, on oublie, il me semble, beaucoup les croyants. Aussi dès que quelque chose dépasse, est différent, on tape dessus pour le faire rentrer dans la bien-pensance. Si l’on ose parler de Dieu, on reçoit l’étiquette prosélyte. Le problème est qu’un chrétien ne peut pas garder pour lui le cadeau qu’il a reçu, il doit le partager. En revanche les personnes qui reçoivent ce message sont libres de le rejeter. Nous aussi nous avons le droit d’être libres ! Au début du XIX siècle, l’ordre est donné aux gendarmes de faire évacuer les moines de la Grande Chartreuse du fait de la nouvelle loi sur la laïcité. Un gendarme dit alors à l’un des chartreux : « Maintenant, vous êtes libre ! « Est-ce vrai, je suis vraiment libre, je peux rentrer chez moi ? « Oui, Monsieur, vous êtes libre, je n’y vois pas d’inconvénient ! « Ah ! merci beaucoup », lui répond le moine et de s’en retourner aussitôt vers son monastère. Le gendarme dépité lui court après pour le rattraper et lui indiquer le seul chemin de la liberté, non pas celui vers le monastère, mais dans une direction opposée ! Pour conserver cette liberté, il faut résister aux pressions qui voudraient nous asservir. Nous avons le droit de parler du Christ. Osons !
Don Bruno de LISLE
Ça y est, c’est vraiment la rentrée. Cette semaine j’ai eu la joie d’accueillir les élèves de chaque niveau du collège et du lycée de Stanislas pour leurs premiers moments de cette nouvelle année scolaire. Ils y découvraient leurs camarades de classe, leur emploi du temps et leurs professeurs : moment à la fois enthousiasmant et assez remuant. Qui n’a jamais passé une nuit d’insomnie la veille d’une rentrée ? L’ordinaire de notre année se fixe. Avec la rentrée des classes, c’est aussi la rentrée de nos activités sportives ou associatives et notre rentrée pastorale. C’est pour nous tous l’occasion de nous poser la question : qu’est-ce que je souhaite faire de cette année ? Quelles vont être mes priorités ? Comment est-ce que je veux occuper mon temps et mon énergie ? Bien sûr, il doit, pour chacun d’entre nous, être question de notre vie spirituelle : quel sera mon rythme de prière ? Comment vais-je nourrir ma foi ? Comment vais-je servir cette année ? Il est bon de prendre le temps d’y réfléchir et de ne pas nous laisser happer par le temps qui s’écoule en subissant plus qu’en prenant des décisions libres. Non : je veux donner telle orientation à ma vie donc je prends telle décision ; je donne la priorité à cet engagement de prière par rapport à cette activité qui prend trop de place dans ma vie ; je décide de m’engager dans un service régulier plutôt que de multiplier les activités pour mon bien-être. Je m’engage à participer à une fraternité, à un groupe de prière, à prendre une heure d’adoration par semaine.
Nous le savons peut-être dans la théorie : donner du temps à Dieu et aux autres, comble notre cœur mais nous pouvons avoir du mal à le concrétiser par des actes. La rentrée est donc faite pour cela. Une rentrée est un recommencement et donc une occasion de nous convertir, de nous tourner vers Dieu. Le saint Père de l’Eglise Grégoire de Nysse l’exprimait ainsi dans un texte que nous pourrions relire à chaque rentrée : « celui qui monte (vers Dieu) ne s’arrête jamais d’aller de commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin. » Bienheureux commencements donc et bienheureuse rentrée qui nous permettent de recommencer. Dans l’évangile d’aujourd’hui nous voyons Jésus qui souffle sur un sourd-muet et lui dit « Ephata » – « ouvre-toi ». Ce geste de Jésus est repris dans la liturgie du baptême lorsque le prêtre trace le signe de la croix sur les lèvres et les oreilles du futur baptisé et lui dit « Ephata ». Toute notre vie est un long « Ephata » où nous essayons de laisser le Seigneur ouvrir notre cœur à sa grâce et nous détourner du péché.
Ecoutons-Le à nouveau nous dire « Ephata » dans les discernements que nous avons à opérer pour notre rentrée. Que vienne sa grâce en nos cœurs pour que nous vivions en baptisés joyeux et fiers de notre foi !
Don Raphaël SIMENNEAUX
Lorsque nous recevons des jeunes parents qui demandent le baptême pour leurs enfants, nous commençons généralement par leur demander de préciser leur demande. Lorsque nous leur posons la question « pourquoi voulez vous faire baptiser votre enfant ? », la réponse est presque toujours la même. Il s’agit de continuer une tradition. « J’ai été baptisé, mes parents et mes grands parents l’étaient, donc mon enfant le sera aussi ! »
Il n’y aurait rien d’inconvenant à cette réponse, si le sens de cette tradition était assimilée et comprise, mais malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.
Or dans l’évangile d’aujourd’hui, les scribes et les pharisiens sont choqués parce que les disciples de Jésus ne se sont pas lavé les mains avant le repas… Saint Marc précise qu’il s’agit d’une tradition juive : « Les pharisiens, en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. »
Il est donc question d’une « tradition » que les disciples de Jésus ne suivent pas. Tout naturellement, donc, les pharisiens et les scribes qui l’appliquent scrupuleusement s’indignent : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas avec des mains impures. »
Ce qui est surprenant, c’est la réaction de Jésus : « Hypocrites ! ». Pourquoi une telle sévérité ? Serait-Il opposé à ce qui est traditionnel ?
Le Christ va mettre en lumière la raison de sa réaction en citant l’Ecriture : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. » (Is 29,13).
Le problème n’est donc pas la « tradition », qui est un trésor contenant toute la richesse de nos pères, mais l’incapacité d’en comprendre le cœur !
En elle-même, la tradition nous préserve des vertiges de la nouveauté. L’épreuve du temps à laquelle elle a été soumise l’a purifiée de toutes les illusions que renferment si souvent les innovations. Elle cultive en nous le sens de l’éternel, c’est-à-dire de la nouveauté qui demeure.
Lorsque ce trésor est remis en question sous prétexte de progrès, c’est bien souvent pour ouvrir la porte à une fausse innovation. Il suffit de regarder l’histoire pour se rendre compte que le « rien ne sera plus comme avant » est une utopie qui se retrouve sur les lèvres de toutes les générations montantes ! Thibon disait : « les révolutions sont des balbutiements suivis de très près par le radotage. »
Le Christ ne remet donc pas en cause la tradition, mais il nous invite à y entrer pour pouvoir la comprendre et la vivre véritablement.
Au cours de cette semaine, nous sommes invités à revisiter nos habitudes, nos traditions. Non pas simplement pour les remettre en question, mais au contraire pour mieux comprendre leur but afin de les choisir plus librement.
Don Louis Marie DUPORT
Après des vocalises langoureuses en bouche fermée, Julien Clerc semble péniblement interrogé par une vie faite de départs incessants : « Depuis l’enfance, je suis toujours en partance, Je vais, je vis, contre le cours de ma vie, Partir partir… ».
Et puis, rapidement, les douces notes du clavier disparaissant sous les cuivres et les percussions bientôt tonitruants, la voix s’emportant dans une sorte de fuite volontariste, nous devenons contraints par l’excitation ambiante d’oublier la possible réflexion inspirée par le fait de « partir »… Terrible excitation…
Dommage ! Car les départs de la vie, petits et grands, joyeux et douloureux, volontaires ou subis, sont des indications précieuses pour aller plus avant dans la perception du mystère de la vie. Partir… Partir du sein maternel, partir de l’enfance, partir de la maison, partir en vacances, partir à l’aventure, partir en retraite, partir de la vie, partir vers la Vie…
L’émotion d’alors peut-être peu confortable : comme une synthèse subjective et complexe de la nécessité de « quitter » et de « découvrir ». Quitter, c’est un peu abandonner quelque chose que l’on connaît. Découvrir, c’est accueillir un changement encore inconnu. Les deux ne sont pas forcément faciles à vivre.
D’autant plus que celui qui part, engage nécessairement ceux avec qui il était en relation à partir eux aussi : chacun doit finalement quitter une présence et découvrir une absence, pour s’ouvrir à d’autres présences… Mort et naissance, toujours, et pour tous.
Pour les chrétiens, disciples de Jésus, ces départs – abandons et découvertes – sont images, signes, préparations d’une mort ouverte sur la résurrection promise. Profitons-en : faisons de nos départs des lieux d’espérance. Qu’est-ce à dire ?
- La demande de pardon et la reconnaissance des limites et fragilités qui parfois ont pu blesser, affecter ou troubler les autres permettent de recouvrer la paix et l’humilité qui est l’unique clef de la porte étroite. Demander pardon, c’est quémander à l’autre le privilège immérité de pouvoir partir en paix. C’est aussi renouer avec la vérité de notre fragilité.
- L’action de grâce et la gratitude permettent de replacer nos existences éphémères dans la richesse de nos relations faites de charité, de beauté et de bonté. Dire merci, c’est affirmer que la présence de l’autre a enrichi mon existence. C’est aussi lui reconnaitre la possibilité de m’offrir le privilège de partir en ayant honoré la justice.
Chers frères prêtres et diacre qui m’avaient si généreusement accueilli cette année, chers frères et soeurs par le baptême, alors qu’est venu le temps de vous dire « Au revoir », je ne veux pas clore les lignes que j’ai eu plaisir à vous écrire au long de cette année, sans vous dire avec intensité, émotion et conviction un grand pardon et un grand merci, le cœur un peu serré…
Merci pour vos présences et nos relations. Merci pour votre reconnaissance et votre affection. Merci aussi pour les enveloppes généreuses que vous m’avez remises ! Je suis comblé. J’ai déjà eu l’occasion de dire à certains combien cette année m’avait été bénéfique. Je suis arrivé il y a un an, le cœur en bandoulière, un peu perdu tant au sujet de mon passé que de mon avenir. Je vous avais demandé de prier pour moi et vous avez été nombreux à m’offrir encore cette charité. Aujourd’hui, je bénis le Seigneur qui m’a comblé en convoquant de nombreuses richesses pour me guérir, pour panser ce qui ne pouvait pas – ou ne devait pas – être guéri, pour m’enrichir et me faire grandir, tant humainement que spirituellement. Et il se trouve que ces bénédictions ont notamment été répandues chez vous, par vous, grâce à vous. Soyez bénis ! Le cœur en action de grâce, je termine d’ailleurs cette année en frappant officiellement à la porte de la Communauté Saint-Martin. C’est ainsi que je prends la direction de Brive-la-Gaillarde pour une période dite de « probation » et y exercer désormais le riche et beau ministère confié à moi par l’église.
Pour la gloire de Dieu et le salut des hommes ! Toujours. Per Mariam…
Père Jean- Baptiste MOUILLARD
En France, pendant plus de 200 ans la fête nationale était célébrée le 15 août. Ce n’est qu’en 1880 que la République a remplacé la fête nationale par celle du 14 juillet que nous connaissons aujourd’hui.
A l’origine de cette fête nationale, nous le savons bien sur notre terre de Provence, il y a l’histoire de la naissance de Louis XIV. Louis XIII (1601-1643) et son épouse Anne d’Autriche ne parvenaient pas à avoir d’enfant. Après
22 ans de mariage, il n’y avait toujours pas d’héritier. En 1637 le couple royal se met à supplier la Vierge de leur donner un fils. Ils demandent à tous leurs sujets de faire dans chaque paroisse, le 15 août, une procession afin d’avoir un fils.
Par ailleurs, à cette époque, le frère Fiacre des augustins déchaussés avait une grande gratitude pour la reine et priait à ses intentions. A cause de sa santé fragile, il bénéficiait des œuvres de la reine pour les malades. Le 3 novembre 1637, frère Fiacre reçoit l’apparition de la Vierge. Tandis qu’il prie, il entend d’abord la voix d’un petit enfant. Surpris, il tourne la tête et voit à cet instant la Vierge dans une belle lumière, vêtue d’une robe bleue semée d’étoiles, les cheveux pendants sur les épaules, assise sur une chaise, tenant un enfant. « N’ayez pas peur, je suis la Mère de Dieu », dit-elle au frère. Au bout de quelques secondes, elle ajoute en montrant le petit garçon assis sur ses genoux : « Ce n’est pas mon Fils, c’est l’enfant que Dieu veut donner à la France. » La Vierge demande trois neuvaines publiques à la reine Anne d’Autriche : une à Notre-Dame de Paris, une à Notre-Dame-des-Victoires à Paris et la dernière à Cotignac, à la suite desquelles elle lui promet un fils.
Enfin, Marie montre l’image d’un tableau de Notre-Dame de Grâce. Pour attester les paroles de la Vierge, le frère trouverait ce tableau dans l’église de Cotignac. Contre toute attente, le frère Fiacre est rapidement reçu par Anne d’Autriche et Louis XIII. Ils acceptent de mettre sur pied les demandes de Marie. Du 8 novembre 1637 au 5 décembre suivant, les neuvaines publiques sont faites dans les lieux choisis par Marie. À la mi-janvier 1638, la reine se rend compte qu’elle est enceinte. Le couple royal demande au frère de se rendre à Cotignac pour vérifier la présence du fameux tableau de la Vierge et pour prier pour le bon déroulement de la grossesse.
Le 10 février 1638, le souverain fait la promesse de consacrer le royaume de France à la Vierge Marie si un héritier lui est donné. C’est le fameux « vœu de Louis XIII ». Le 5 septembre 1638, soit neuf mois, jour pour jour, après la fin des neuvaines, Louis « Dieudonné », futur Louis XIV, vient au monde.
Le roi Louis XIII consacre de manière solennelle la France à la Vierge Marie sous le titre de Notre Dame de l’Assomption par un acte auprès du Parlement de Paris et demande à ses sujets de faire tous les 15 août, jour où était déjà célébrée la Fête de l’Assomption, une procession solennelle dans chaque paroisse. Le vœu sera confirmé par Louis XIV en 1650, Louis XV en 1738 et Louis XVIII en 1814. Publié par lettres patentes, après consultation du parlement de Paris, c’est un document législatif de portée nationale.
De plus, en 1922, la Vierge Marie a été proclamée Patronne principale de la France sous le vocable de Notre-Dame de l’Assomption par le Pape Pie X, confirmant ainsi la consécration de la France faite par le roi Louis XIII en 1638.
Quel honneur d’être sous un si beau patronage ! Confions-lui notre pays qu’il retrouve la grâce de son baptême !
Don Marc-Antoine CROIZE POURCELET, Curé
Dans l’évangile de ce dimanche, notre Seigneur se présente comme le pain venu du ciel, celui qui donne la vie éternelle, l’Eucharistie. Face à cette révélation, ses interlocuteurs auraient dû se réjouir qu’un si grand don soit fait aux hommes c’est pourtant tout le contraire, ils récriminent contre Jésus, refusant de croire en ses paroles.
Ils se disent entre eux : « Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère; Comment peut-il dire ‘je suis le pain descendu du ciel' ». Alors qu’ils sont experts dans les écritures, qui ont nourri toute leur vie par les exploits que le Seigneur a accomplis pour son peuple, qu’ils ont vu les signes opérés par Jésus, ils n’ont pas accueilli ses paroles. Tout est dit dans ces deux mots « nous connaissons », là s’exprime l’orgueil de l’homme fermé à la liberté de l’Esprit de Dieu qui souffle où il veut. Et pourtant Dieu dit lui-même que nos pensées ne sont pas ses pensées. Dieu n’est pas un super homme qui raisonnerait comme un homme et agirait comme un homme, il est Dieu, d’une sagesse qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Face à lui, l’homme doit être prêt à être surpris par les voies que le Seigneur prend.
Si la vérité de la foi est immuable, c’est dans sa manière d’agir que notre Seigneur se montre le plus étonnant, le plus déroutant. Sa sagesse se traduit par une finesse dans son action afin qu’elle soit adaptée à chaque situation concrète.
Nous le voyons bien dans les témoignages que nous entendons, chacune de nos vies est remplie de ces signes, de ces rencontres providentielles qui nous transforment. Nous nous sommes sûrement déjà exclamés « Que Dieu est fort » en entendant comment il avait relevé une personne éprouvée par la vie et le péché au moment où pour elle tout semblait perdu. Et si ces récits se multiplient dans notre temps où il y a tant d’hommes si loin de lui, aucun n’est redondant, nous n’avons jamais cette impression de déjà-vu.
La mission Anuncio a été le terrain parfait pour expérimenter cela, tant dans les témoignages des personnes rencontrées que par les retours des missionnaires. J’ai été particulièrement marqué par la chasse au trésor. Elle consistait à prier Dieu pour recevoir des images et ensuite aller à la recherche de celles-ci et aborder les passants. D’abord dubitatif quand les missionnaires ont rapporté être allés à la recherche d’une grenouille, j’ai dû reconnaitre que leur rencontre avec la gérante du magasin où ils l’ont trouvée a été providentielle pour cette dernière.
En étant ouvert à ce que Dieu agisse de manière inattendue, en étant à l’écoute de ses signes et des fruits qu’ils portent, on se laisse être un outil de sa providence sans y faire obstacle ; mais si, comme je l’étais vis à vis de la chasse au trésor, on néglige ce qui nous semble étrange, on limite les signes que le Seigneur peut employer avec nous et donc les fruits qui en sortiront.
Laissons-nous bousculer par la liberté de l’Esprit comme les apôtres se sont laissés toucher par la nouveauté de l’incarnation et de la passion pour reconnaitre le Christ et le suivre.
Damien MENARD, séminariste
En parcourant les côtes de l’Estérel en « snorkeling » (j’ai appris ce terme technique au petit-déjeuner ce matin : « randonnée aquatique masquée tubée souvent palmée »), j’ai eu l’occasion de rendre grâce pour les merveilles de la nature. Particulièrement lorsqu’il fallut passer par un étroit passage entre deux parois d’immenses rochers où la largeur du corps était seulement assurée. Deux mètres de profondeur, une dizaine d’autres au dessus, sur une longueur de 5 ou 6 mètres. Comme un étroit couloir rappelant la porte étroite toujours devant nous, avec, au fond, l’immensité de la mer, image de l’infini. Pour mystifier l’aventure, il y avait un peu d’obscurité du fait de la hauteur des falaises voisines, mais aussi un peu de soleil qui se trouvait presque parfaitement dans l’axe de cette anfractuosité et relevait les couleurs azur et rouge des éléments en jeu dans ce spectacle prodigieux. Dans le silence, de merveilleux petits poissons, souvent en banc, scintillant de mille feux colorés sous les quelques rayons du soleil accompagnaient mon avancée. C’était beau.
Je vivais cette expérience – masqué, tubé, palmé – entre deux rendez-vous d’ultime préparation au sacrement du mariage. L’actualité plus large nous présentait les suites du scandale de l’ouverture des Jeux Olympiques, les larmes d’une boxeuse italienne abandonnant la partie face à son adversaire algérienne dite intersexuée mais plutôt femme puisque, d’après son passeport, il faut dire « elle », la poignée de main entre deux athlètes nord-coréens et sud-coréens, l’ovation générale pour Léon Marchand qui a remporté plusieurs médailles en natation, et toujours les conflits armés dans le monde entier qui ne semblent pas se sentir concernés par la fameuse trêve olympique. Au niveau local, la ville de Saint-Raphaël se met au couleur de la saint Pierre, se prépare à vivre ces trois jours de fête patronale, après les ovations des feux d’artifice de Boulouris, et avant d’accueillir les missionnaires d’Annuncio.
Au fond, quel est le sens de toute cette Histoire, avec un grand H, cet immense récit au présent, de la réalité qui ne saurait être arrêtée et dont nous faisons partie ? Pourquoi la beauté est-elle toujours souillée par la laideur, le respect bafoué par l’obscénité et la violence, la culture violée par l’ignorance et l’arrogance, la paix compromise par l’égoïsme et l’attrait du pouvoir ou du gain ? Pourquoi ?
Parce que le drame de l’humanité est aussi le socle de son invincible espérance. Depuis le premier péché – déni de réalité et orgueil de l’homme pensant pouvoir se passer de Dieu – le monde gémit dans l’attente d’une rédemption que Dieu ne cesse de lui offrir.
Cette période estivale peut-être un moment privilégié pour mesurer davantage cette immense alternance dans laquelle nous sommes ballotés, alors que nous fixons un regard renouvelé sur la beauté, la bonté, et le bien.
Nous connaissons la phrase de Dostoïevski : « la beauté sauvera le monde ». Mais nous oublions souvent que Dostoïevski parlait alors du Christ-Jésus. C’est lui que nous devons voir lorsqu’au milieu des maux et du laid, il nous est donné d’entrapercevoir une fenêtre sur l’infini de l’éternité, fenêtre que toute chose belle, aussi discrète et ténue soit-elle, nous offre en vérité.
Père Jean-Baptiste MOUILLARD
Saint Jean dans cet évangile parle d’une grande foule et un verset après une foule « nombreuse ». Ces gens se précipitent pour voir et écouter cet homme dont la parole touche et le cœur et l’intelligence.
Jésus a le souci du salut de l’âme de chaque homme suivant sa mission. Mais il fait également attention aux détails matériels comme la nourriture ; cette foule a besoin d’une alimentation spirituelle mais leur corps a aussi besoin d’une nourriture plus concrète puisque cela fait longtemps qu’elle le suit. Le Christ teste la confiance de ses disciples en leur demandant d’aller acheter du pain pour nourrir cette foule. Philippe n’y voit que l’impossibilité financière, le groupe des Apôtres n’a pas assez d’argent pour acheter du pain ; André recense ce qu’ils ont : cinq pains et deux poissons qu’un jeune garçon a apportés avec lui.
Jésus aurait pu faire les choses bien différemment : transformer des pierres en pain comme le Diable l’avait suggéré dans les tentations au désert (cf. Luc 4,3) ; renouveler le miracle de la manne (cf. Exode 13,31sv.) ; créer du pain à partir de rien, mais il a voulu que cela vienne de l’assemblée, que ce soit une participation active de ceux qui l’écoutent. C’est donc ce qu’avait apporté un jeune garçon qui sert de base au miracle de la multiplication des pains.
Ce jeune garçon reste anonyme, nous savons simplement qu’il accepte de partager avec Jésus ce qu’il a prévu pour son propre repas, sans se douter que sa petite contribution va permettre de nourrir cinq mille hommes.
Chacun d’entre nous est ce jeune garçon ! Ce passage de l’Evangile nous interroge sur ce que nous possédons : cherchons ce que-nous pouvons mettre aujourd’hui à la disposition du Christ et de son Eglise ? Même si nos forces et nos moyens nous semblent dérisoires, soyons sûrs que, s’ils sont donnés avec foi et confiance, ils serviront à nos frères, bien au-delà de leur nécessaire, cela deviendra surabondant, nos cinq pains d’orge deviendront, après satiété, douze paniers pleins… Ce que nous offrons n’est pas une question de quantité ou de valeur, la pauvre veuve n’offrait que deux piécettes (cf. Luc 21,1-4) au Temple de Dieu et pourtant elle provoque l’admiration de Jésus parce qu’elle les donne sans arrière-pensée.
D’après un commentaire du P. Jean-Paul Bouvier
Don Brune de LISLE
Jésus, voyant cette grande foule qui l’attendait « fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. »
Alors Il leur enseigna l’Evangile, qui sont les « verts pâturages » dont parle le Psaume, ceux de la « saine doctrine » (1Tim 1,10), et depuis 2000 ans,
il envoie ses apôtres continuer d’enseigner l’Evangile à toute cette foule, qui suscite aujourd’hui encore, et comme jamais, une grande pitié, car « ils se sont donnés des maîtres en quantité, et ne supportent plus la saine doctrine » (2Tim 4,3).
Mais dans cette foule, un grand nombre se lève en nous disant : “n’auriez-vous pas, vous, la vraie Bonne Nouvelle à nous annoncer, celle de Dieu, pas une invention des hommes ?” Et en effet, le nombre de catéchumènes augmente (ceux qui demandent spontanément une formation chrétienne et le baptême chrétien).
Oui, Dieu a parlé, c’est la Bible. C’est l’Evangile. Ça commence par la bonne nouvelle d’un Créateur Bon qui « a vu tout ce qu’il avait fait : cela était très bon ! » (Gn 1,31) À la page d’après, cependant, il y a la mauvaise nouvelle du premier péché (abus de la liberté que Dieu nous a donné comme un très noble cadeau), par lequel le serpent des origines a inoculé en nous le doute vis-à-vis de Dieu, comme si sa Loi devait nous amoindrir et la transgression nous agrandir. De serpent devenu aujourd’hui grand Dragon (Ap 12,3.9), qui semble dominer le monde, son message reste le même (Gn 3,5) :
“si vous transgressez la loi de Dieu, si vous continuez de vouloir remplacer sa Création (très bonne) par la vôtre très transgressive, « vous serez comme des dieux qui redéfinissent par eux-mêmes le bien et le mal selon leurs propres critères qui vont vous auto-diviniser” – c’est-à-dire, en fait (car c’est le menteur, Père du Mensonge et homicide dès le commencement, cf Jn 8,44) : vous allez vous auto-détruire.
Cela semble bien parti… Cependant il ne faut pas désespérer. “Le Dragon semble dominer”, disais-je, car si le Mal est puissant (à cause de notre adhésion à sa séduction infernale), le Bien, Dieu, est Tout-Puissant. Rien ne lui échappe. L’Adversaire des origines et de la fin des temps ne possède que le pouvoir que Dieu lui concède. Jusqu’à l’heure du jour du mois de l’année (cf Ap 9,15) où Dieu lui commandera : « stop ! » “Et il se fera un grand calme…” (cf Mc 4,39).
Donc, Gn 1 : tout va bien. Gn 3 : patatrac à l’origine des temps ! Ap 12 : patatrac à la fin des temps, et mondialement ! Entre les deux : Jésus-Christ. Le Sauveur. La Bonne Nouvelle. La porte des brebis perdues (Jn 10,7) pour retrouver le chemin du Paradis perdu. Il est lui-même « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), le « bon berger » (Jn 10,11), le Victorieux (Ap 6,2 et 19,11).
« Ainsi nous ne serons plus des enfants, nous ne nous laisserons plus ballotter et emporter à tout vent de doctrine, au gré de l’imposture des hommes et de leur astuce à fourvoyer dans l’erreur. » Eph 4,14. L’erreur du relativisme, qui voudrait réduire la « Bonne Nouvelle de Dieu » (Mc 1,14) à une opinion religieuse parmi les autres opinions religieuses ; réduire le Bon Berger à un “gentil fondateur de religion” parmi d’autres, et empêcher les brebis de se réunir derrière lui, jusqu’à devenir, selon sa prophétie, « un seul troupeau et un seul Pasteur » (Jn 10,16). Cela se réalisera, car « Dieu est assez puissant pour réaliser ce qu’il a promis. » Rm 4,19.
« Jésus Christ est le même hier et aujourd’hui, et il le sera à jamais. Ne vous laissez pas égarer par des doctrines étrangères et perverses. » Héb 13,8.
Don Laurent LARROQUE
« Ecoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur. Reçois volontairement l’exhortation d’un père si bon et mets-la en pratique, afin de revenir par le labeur de l’obéissance à celui dont t’avait détourné la lâcheté de la désobéissance ».
Voici les premiers mots de la règle de saint Benoît, patron de l’Europe, que nous avons fêté le 11 juillet. Depuis près de 1500 ans, des moines et des moniales consacrent leur vie en entrant dans ce que saint Benoît appelle lui-même « une école du service du Seigneur. » La finalité est donc de se détourner de la désobéissance du péché pour revenir vers Dieu.
La règle organise le temps, l’espace, les relations jusque dans les petits détails de ce qui se vit au sein de la clôture monastique. Obéissance au père abbé qui « tient dans le monastère la place du Christ », pauvreté évangélique qui fait qu’aucun moine ne possède de biens propres, chasteté dans le respect de leur consécration religieuse et stabilité dans le monastère sont les quatre vœux que prononcent les moines et sur lesquels ils fondent leur vie. On résume souvent la règle par ces deux mots : « ora et labora », prie et travaille. Le moine se rend
six fois par jour et une fois au milieu de la nuit à l’église pour chanter la louange du Seigneur dans la liturgie des heures et, en conservant le silence, il s’adonne à un travail intellectuel ou manuel entre chacun des offices dans un climat de silence. Il y a dans la règle de saint Benoît quelque chose de très étonnant pour notre époque : tout est à l’opposé du bonheur que promet le monde. Le moine ne voyage pas mais reste toute sa vie au même endroit, il ne dépense pas en loisirs l’argent qu’il a gagné mais ne garde rien pour lui personnellement, il vit la chasteté en vue du Royaume et obéit à un autre et à une règle ; pourtant, il est très impressionnant de voir très souvent la joie profonde qui sort du cœur de ces consacrés à Dieu. Leur vie n’a pas de sens aux yeux du monde mais l’évangile dit qu’ « ils ont choisi la meilleure part ». Ceux qui ont déjà eu la joie de s’entretenir avec un moine ou une moniale qui est fidèle depuis de nombreuses années à sa vocation ont sans doute été émerveillés par le sourire qui n’est pas humain qui se dégage du visage parfois déjà bien marqué par les rides.
Nous ne sommes pas moines mais nous pouvons nous laisser enseigner par eux et par saint Benoît. Dans notre vie au milieu du monde, souvenons-nous que nous ne devons « rien préférer à l’amour du Christ. » Souvenons-nous que nous avons à établir une règle de vie pour apprendre jour après jour à suivre le Seigneur : temps de prière quotidiens, silence et simplicité de vie peuvent aussi donner sens à notre existence où nous constatons souvent que le temps s’accélère.
Prions pour les vocations monastiques qui ont façonné la culture chrétienne qui a marqué notre Europe et prions pour que nous sachions nous laisser enseigner par la beauté de leur vie. Une bonne lecture de notre été pourrait être la règle de saint Benoît et une bonne occupation un petit séjour en abbaye !
Don Raphaël SIMONNEAUX