Nous entrons dans la Semaine Sainte en brandissant nos rameaux avec les foules de Jérusalem qui acclament Jésus en son entrée messianique à Jérusalem. « Hosanna au Fils de David ! » scandent les enfants des Hébreux en ovation pour le Messie qui entre dans la Ville Sainte sur son humble monture, comme l’avait annoncé le prophète Zacharie : « Tressaille d’allégresse, fille de Sion, livre-toi aux transports de la joie, fille de Jérusalem : voici ton Roi qui vient vers toi ; il est le Juste et le Sauveur. Il est pauvre, et il s’avance monté sur l’ânesse et sur le petit de l’ânesse » (Za 9,9).
Comme l’écrivait Dom Guéranger, « Jésus commence aujourd’hui son règne sur la terre ; et si le premier Israël ne doit pas tarder à se soustraire à son sceptre, un nouvel Israël, issu de la portion fidèle de l’ancien, va s’élever, formé de tous les peuples de la terre et offrir au Christ un empire plus vaste que jamais conquérant ne l’a ambitionné ». Ce triomphe du Fils de l’Homme ne durera toutefois qu’un instant. Déjà la mère des douleurs frémit en voyant son fils se rapprocher ainsi de ses ennemis qui ne songent qu’à répandre son sang tandis qu’en face des aigles romaines, sous les yeux des pontifes et des Pharisiens muets de rage et de stupeur, la voix des enfants, se mêlant aux acclamations de la cité, fait retentir la louange au Fils de David.
L’Église, depuis le 4ème siècle, déploie un rite solennel pour la bénédiction des palmes avec lesquelles les fidèles honorent la marche triomphale du Sauveur. Ce premier rite par lequel nous entrons dans la Semaine Sainte se penche sur un arbre chargé de symboles. Le Psaume 92 annonce : « Le juste comme le palmier fleurira, comme le cèdre du Liban il se multipliera ». Un midrash repère déjà en ce verset une perspective messianique : « Comme le palmier, de belle apparence avec tous ses fruits doux et bons, ainsi le fils de David aura belle apparence et toutes ses œuvres seront douces et bonnes pour le Saint, béni soit-il ». Tertullien joue sur le double sens du mot grec phoinix pour établir une analogie entre le palmier et le phénix, oiseau fabuleux symbolisant la résurrection en renaissant de ses cendres. Saint Augustin confère aussi à cette plante une portée eschatologique en écrivant : « Le palmier symbolise la hauteur. Peut-être le psalmiste a-t-il parlé du palmier parce qu’il est très beau à son extrémité supérieure : sa racine en terre est rugueuse, mais sa chevelure est belle sous le ciel. Telle sera donc ta beauté au temps de la fin. Que ta racine soit fortement fixée ! Mais nous, c’est vers le haut qu’est notre racine : notre racine, en effet, c’est le Christ qui est monté aux cieux ». Par sa hauteur qui semble relier le ciel et la terre, par sa sève blanche et sucrée qui évoque le lait et le miel qui coulent en terre promise, le palmier est considéré comme l’archétype de l’arbre de vie. Parce qu’il est source de richesse, le palmier devient symbole royal : le roi étant celui qui garantit la prospérité du royaume. L’Apocalypse couronnera ce symbole de la gloire à venir : « Je vis une foule immense que personne ne pouvait compter de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils étaient debout devant le trône et devant l’Agneau vêtus de robes blanches et tenant des palmes à la main » (Ap 7,9).
Que les martyrs nous accompagnent de leurs palmes glorieuses en cette procession où nous entrons avec Jésus dans l’Heure de sa Passion, tenant en nos mains le signe de notre espérance et de notre foi en la victoire du Crucifié qui a versé son sang pour notre salut.
Abbé Thomas DUCHESNE