On vient poser à Jésus un problème bien délicat. Une femme a été surprise en train de commettre un péché grave, interdit par la loi de Moïse : « tu ne commettras pas d’adultère ». Les juifs pensent pouvoir piéger Jésus avec cette affaire : Si Jésus répondait qu’il fallait appliquer stricto sensu la loi, il aurait certainement perdu les faveurs de la foule qui pouvait trouver trop dure cette loi qui aboutit à la lapidation, et pour cause ; si Jésus répondait au contraire qu’il ne fallait pas l’appliquer, alors les juifs l’auraient accusé de vouloir abolir la loi de Dieu donnée à Moïse. Dans un cas comme dans l’autre, la réponse de Jésus allait le condamner quoi qu’il dise. C’est ainsi qu’il tire une immense gloire de cette scène. Jésus qui est Dieu voit le monde bien différemment de nous et trouve une solution à laquelle personne n’avait pensé. Il fait remarquer que tous les hommes, par leurs actions, méritent la sanction de l’éloignement de Dieu. A partir du moment où nous commettons la moindre faute, nous ne pouvons plus nous tenir avec Dieu. C’est pourquoi, cette réponse extraordinaire de Jésus n’est pour lui qu’une remarque évidente. Tous les interlocuteurs de Jésus sont des pécheurs et parfois de grands pécheurs. Il leur faut le même remède qu’à cette femme : la miséricorde de Dieu et c’est pour cela que Jésus est sorti.
Avant de montrer sa miséricorde, Jésus se baisse et écrit sur le sol. Nous n’avons pas d’explications parfaites pour expliquer ce geste, bien que l’on puisse essayer de deviner pourquoi il l’a posé. Pour ce faire, nous pouvons voir dans l’Ancien Testament des passages qui peuvent éclairer ce geste :
Jérémie 17 : 12-13 « Il existe un trône de gloire, éminent depuis le début : c’est là que se trouve notre sanctuaire. Seigneur, tu es l’espérance d’Israël ! Tous ceux qui t’abandonnent rougiront de honte. » « Ceux qui se détournent de moi seront inscrits sur la terre, car ils ont abandonné la source d’eau vive qu’est le Seigneur. » Cela voudrait-il dire que Jésus écrit des noms sur le sol, noms de ceux qui cherchent à le faire tomber ?
Exode 31,18 : « Lorsque le Seigneur eut fini de parler à Moïse sur le mont Sinaï, il lui donna les deux tables du témoignage, tables de pierre écrites du doigt de Dieu ». Ecrivait-il la loi de Dieu sur le sol ?
Quoi qu’il en soit, cette façon d’agir de Jésus était là pour servir sa parole de vie. Son message était de donner sa miséricorde à cette femme à qui il dit de ne plus pécher et de montrer à tous que la loi de Dieu est la loi du cœur.
Don Bruno de LISLE
« Mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé. » En ce dimanche de « Laetare », soyons vraiment dans la joie pour toutes les personnes qui découvrent Dieu. Ne nous lassons pas de voir des nouvelles personnes qui remplissent nos églises et qui sont un signe d’espérance magnifique : nous pouvons percevoir l’aube du renouveau spirituel de la France ! C’est une vraie source de joie : malgré les craintes de l’avenir, malgré la guerre qui ne cesse d’étendre ses ravages, malgré le sentiment d’être souvent trompés par des hommes d’Etat qui semblent plus se soucier de leur propre gloire que du bien commun, malgré nos difficultés personnelles ou parfois nos lourdes épreuves, il y a aujourd’hui en 2025 de vrais signes d’espérance dans notre monde.
Le nombre de catéchumènes chaque année plus grand est un de ces signes. Les catéchumènes nous aident nous-mêmes à nous renouveler dans notre vie de foi et à vivre le carême comme un vrai temps catéchuménal. Le 1er dimanche de carême, ils sont allés rencontrer l’évêque à la Seyne-sur-Mer pour l’appel décisif et le rite de l’inscription du nom. La démarche intérieure qui les a poussés à demander le baptême y a été accueillie de manière solennelle par l’Eglise qui, en la personne de l’évêque, les a appelés officiellement par leur nom, parfois un nom nouveau qu’ils ont choisi s’ils sont originaires d’une culture non chrétienne. Les 2è, 3è et 4è dimanches de carême ont lieu dans les différentes paroisses de saint Raphaël les rites pénitentiels des scrutins. Ceux qu’on nomme désormais les « appelés » reçoivent une prière d’exorcisme pour les aider à discerner dans leur vie la lumière des ténèbres.
L’objectif est bien de laisser la grâce de Dieu prendre toute sa place et cela passe par le fait de se détourner des œuvres du diable. Les évangiles de la Samaritaine, de l’aveugle-né et de la résurrection de Lazare nous aident à comprendre comment, avec les catéchumènes, nous devons laisser la lumière divine prendre place en nous. Le matin du samedi Saint, les catéchumènes recevront les ultimes rites préparatoires avant leur baptême pendant la nuit sainte de Pâques. Ces ultimes rites sont l’Ephata : le prêtre trace des signes de croix sur la bouche et les oreilles des appelés en référence au geste de Jésus dans l’évangile (cf. Mc 7, 31-37), la reddition du Credo où les catéchumènes proclament leur foi avant de s’y engager solennellement le soir et l’onction d’huile des catéchumènes qui leur donne la force dans le combat spirituel. Tous ces rites antiques des catéchumènes nous aident, nous les baptisés, depuis parfois de nombreuses années, à vivre notre propre carême dans une démarche catéchuménale : la nuit de Pâques, nous renouvellerons les promesses de notre baptême. Les nouveaux paroissiens nous aident à ne pas tomber dans une routine de la vie spirituelle et les anciens paroissiens rappellent que la vie chrétienne doit s’enraciner dans le temps. Nous nous enrichissons mutuellement. Soyons dans une profonde gratitude envers le Seigneur qui nous envoie des catéchumènes et réjouissons-nous d’être témoins du renouveau de la foi !
Don Raphaël SIMONNEAUX
Chers amis,
Vous avez déjà certainement entendu cette blague qui exprime bien la difficulté que nous avons à appréhender le temps de Dieu :
Un homme s’adresse à Dieu en lui disant : est il vrai que pour toi, un an est comme un jour
- « oui »
- « et donc, 1 euro est comme 1000 euros »
- « oui »
- « Aurais-tu alors la gentillesse de me dépanner de quelques milliers d’euros »
- « Laisse moi une minute et je reviens vers toi »
Même si c’est sous forme humoristique, cette plaisanterie, en paraphrasant l’épître de Saint-Pierre, nous permet de pénétrer plus avant dans le mystère divin. Nous comprenons, en entendant cette blague, que Dieu n’a pas le même rapport au temps que nous puisqu’il est éternel ! Il voit tout et saisit toutes choses en un instant… en un seul acte ! Tous les instants du passé et du futur lui sont parfaitement présents. Il transcende le temps et c’est la peut-être une des caractéristiques divines qui permette de le définir… D’ailleurs, lorsque Moise demande son nom à Dieu, Il lui répond :
« Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. »
Simone Weil disait : « Dieu et l’humanité sont comme deux amants qui ont fait erreur sur le lieu de rendez-vous »
L’homme attend Dieu dans le temps, Dieu attend l’homme dans l’éternité. Comme saint Augustin l’exprime si bien dans ses confessions (* texte ci-dessous), l’homme cherche dans la création les traces du créateur. Il espère Le trouver dans ce monde matériel, extérieur à lui-même et régi par le temps. Mais le Seigneur nous attend en nous, dans la profondeur de notre âme. C’est par ce temple immatériel et spirituel que nous sommes mis en présence de Dieu ! Notre âme nous permet de quitter le flux constant du temps, pour nous immerger dans l’éternel présent. Or l’instant présent est le seul contact que nous puissions avoir avec l’éternité… avec « JE SUIS » !
Dans ce temps de carême, allons au désert pour fuir le rythme frénétique imposé par nos agendas surchargés. Décidons de prendre le temps du recueillement, de ralentir, pour vivre pleinement le présent !
Vivons dans la joie de savoir qu’à chaque instant, Dieu est là, tout proche ! Voici une prière qui peut nous aider à éloigner le stress en nous plongeant dans le présent : « Mon passé à ta miséricorde, mon avenir à ta providence… Puisse mon présent se laisser rejoindre par ton éternel acte d’amour pour moi ! »
(*) « Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai aimée ! Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors, et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgrâcié, je me ruais ! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix. » (Saint Augustin, Les Confessions 10, 27)
Don Louis Marie DUPORT
La Préface de ce 2ème dimanche de Carême donne le sens de la Transfiguration : « il nous révélait ainsi que sa passion le conduirait à la gloire de la résurrection. » Jésus est la “joyeuse lumière, splendeur éternelle du Père”, et il s’est transfiguré un instant en ôtant le voile de son humanité, pour que nous ne doutions pas de lui quand nous le verrons le Vendredi Saint, “sans beauté ni éclat”, défiguré par les coups et les crachats, le sang et la poussière. Et pour que nous acceptions à notre tour de suivre un tel Christ en faisant résolument le choix de la croix dans notre vie.
L’Evangile du jeudi des Cendres nous le rappelait : « il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, qu’il soit tué et que le 3ème jour il ressuscite. » Et par conséquent, « celui qui veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Celui qui veut gagner sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. »
Et aujourd’hui, la voix du Père se fait entendre pour nous dire : « celui-ci est mon Fils, écoutez-le ».
Pour nous aider à nous engager derrière Lui, Jésus a non seulement voulu la transfiguration (dont Pierre, Jacques et Jean, les mêmes qui dormiront à l’agonie de Jésus, sont pour nous les témoins), mais il a aussi institué la transsubstantiation : c’est l’Eucharistie. C’est le même Dieu qui s’est fait homme et qui s’est fait pain et vin pour nous nourrir de son corps et de son sang. Songeons que dans l’Eucharistie nous avons le même Christ glorieux du jour de la transfiguration et que, s’il le voulait, et si nous le lui demandions pour conforter notre foi, il pourrait se transfigurer à nouveau devant nous, ou du moins nous donner des grâces qui nous font vraiment comprendre et voir qu’il est là présent, avec tout son Amour et toute sa gloire, toute son âme et sa divinité, le corps séparé du sang durant la Messe, pour nous rappeler qu’il est mort pour nous, mais présent tout entier quand même tout en se cachant derrière les aspects, les espèces d’une toute petite hostie.
Mais nous avons tous à nous décider résolument pour Jésus, à nous décider à obéir à la voix du Père qui nous redit : « Ecoutez-le », « faites tout ce qu’il vous dira », écoutez son Evangile, choisissez le chemin, la vérité et la vie, non pas la perdition, le mensonge et la mort.
Beaucoup trop de gens aujourd’hui, « et je le dis en pleurant, vivent en ennemis de la croix du Christ ». Ils vont tous à la perdition. Leur dieu c’est leur ventre, leur nombril, leur confort, leur plaisir. Ils ne tendent que vers les choses de la terre. Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux d’où nous avons la Bienheureuse espérance de l’Avènement de Notre Seigneur Jésus Christ, qui transfigurera notre pauvre corps mortel à l’image de son corps transfiguré.
Don Laurent LARROQUE
Chers paroissiens,
En ce début d’année je tiens à vous rendre les comptes de la gestion de nos paroisses.
Tout d’abord le mot qui me vient est MERCI. Merci de soutenir la mission de l’Eglise non seulement par vos offrandes généreuses mais aussi par vos engagements dans les nombreux services de nos paroisses. C’est beau de voir fourmiller une petite armée de bénévoles qui sert le Seigneur concrètement à travers leurs humbles services. Merci spécialement à nos prêtres et diacres qui se dévouent sans relâche au service du peuple de Dieu.
Soyons de plus en plus fidèles au mandat du Christ qui nous envoie pour proclamer que son Royaume est proche, pour faire résonner aujourd’hui sa Parole dont le monde a tant besoin, pour donner la vie de Dieu à travers les sacrements du salut. Je m’émerveille souvent des initiatives spontanées des fidèles pour tenter de rendre à Jésus ce monde qu’il a tant aimé.
Merci particulièrement pour vos dons financiers qui sont la Providence manifeste du Seigneur pour que cette mission se réalise. J’ai à cœur de laisser à nos successeurs non seulement des fidèles du Christ ardents à faire le bien, mais aussi des bâtiments le mieux entretenus possible pour faciliter la mission dans les années à venir. Que le Seigneur puisse avoir une moisson abondante et de nombreux ouvriers pour sa moisson !
Plus concrètement, en 2024 nos dépenses ont globalement augmenté de 4%, notamment pour les postes importants tels que l’énergie, les taxes, les assurances, les cierges. Nos recettes ont elles aussi globalement augmenté de 5%, portées par les quêtes (+3%), les cierges (+3%) et la librairie (+7%). Nous sommes donc largement bénéficiaires, ce qui permet d’envisager sereinement l’entretien de l’immobilier de la paroisse : nous possédons 12 des 15 bâtiments paroissiaux (églises et presbytères).
Enfin, le chiffre qui m’a surpris, c’est le nombre de donateurs au denier. Pour l’ensemble de Saint Raphaël cela représente 400 donateurs. Même si le montant global du denier est très honorable, c’est bien peu au regard du nombre de paroissiens du dimanche. Je me permets de vous redire que c’est un devoir pour les catholiques de subvenir aux besoins de l’Eglise. Je sais que vous le faites pour votre paroisse, la Communauté Saint-Martin, mais nous formons un corps et faisons partie du diocèse de Fréjus-Toulon. Même modestement, il est bon de manifester notre lien avec l’Eglise institutionnelle dont nous sommes bénéficiaires.
Pour les actes de Catholicité nous avons 12 baptêmes en plus, 11 mariages en plus et 27 obsèques en moins. Ceci s’explique sûrement par l’ouverture au crématorium d’un service catholique d’accompagnement des familles en deuil appelé la « Communion Saint-Lazare ».
En prenant un peu de recul, nous savons que nous sommes gâtés, nous avons beaucoup reçu et donc il nous sera beaucoup demandé. Votre générosité est une gratitude qui nous touche. Cette solidarité est le signe et la continuité d’une autre plus profonde et plus totale : celle du Christ avec toute l’humanité. Notre Seigneur Jésus, lui qui est riche, s’est fait pauvre pour nous enrichir (2Co 8,9). Bon Carême !
Don Marc-Antoine CROIZE-POURCELET
Nous voici arrivés au dernier Dimanche avant le Carême où nous entrerons « les yeux fixés sur Jésus-Christ dans le combat de Dieu » (invitatoire du temps de Carême) contre les trois ennemis qu’identifiait le Père Lorenzo Scupoli dans son best-seller du 16ème siècle : « le monde, le démon et la chair ».
La Bible est pleine de combats où l’on peut retrouver ces trois ennemis. Un de ses nombreux combats éveille cependant notre attention car il ne ressemble pas aux autres : celui de Jacob dans le livre de la Genèse (Gn 32,23–33). Lutte intrigante, car le Patriarche ne se bat pas contre un de ces trois ennemis que nous avons évoqués. Seul dans la nuit, il se trouve assailli par quelqu’un de mystérieux qu’il n’arrive pas à identifier à cause de l’obscurité.
Benoît XVI, dans sa catéchèse du 25 mai 2011, nous livre cet éclairage : « Jacob se défend vaillamment et demande le nom de son rival qui répond par la même question. En donnant son nom, Jacob se rend et devient paradoxalement vainqueur. L’être mystérieux lui donne alors un nouveau nom : Israël qui signifie : Dieu est fort, Dieu triomphe. Cette nouvelle identité témoigne de la victoire de Dieu, qui donne gratuitement la bénédiction à Jacob. La tradition spirituelle de l’Église a retenu de ce récit le symbole de la prière comme combat de la foi et victoire de la persévérance. C’est la longue nuit de la recherche de Dieu, de la lutte comme en un corps à corps symbolique, pour connaître son nom et voir son visage. Nuit de la prière et du désir de Dieu, qui culmine dans un abandon de soi à sa miséricorde. Chers amis, toute notre vie est comme cette longue nuit de combat et de prière, habitée par le désir de la bénédiction divine, qui, reçue avec humilité, nous change réellement et nous donne une nouvelle identité ».
Le combat de Dieu devient le combat avec Dieu, un combat dont la victoire s’obtient par la reddition. Ce n’est qu’une fois qu’il s’est rendu que Jacob reçoit la bénédiction et que la victoire lui est attribuée, mais il ne se rend pas sans combattre toute la nuit. Cette nuit des sens est le climat le plus ordinaire de notre prière sur la terre, puisque Dieu est Esprit et que nous sommes formés de la glaise. Acceptons cette obscurité avec persévérance, en mettant en Dieu toute notre confiance, sans rechercher la lumière d’aucune fausse consolation. En effet, nous pouvons nous surprendre à rechercher souvent dans la prière une consolation sensible, l’expérience sensible du réconfort de Dieu, la lumière rassurante de nous regarder en train de prier et d’en éprouver une certaine fierté. C’est là, dans le combat de la prière, que le démon se transforme en ange de lumière et nous pousse à désirer une fausse perfection, sans nul égard à notre faiblesse : « il nous allègue des passages de l’Écriture, nous remet devant les yeux les exemples des plus grands Saints, afin qu’une ferveur indiscrète et précipitée nous porte trop loin, et nous fasse faire quelque lourde chute » nous prévient le Père Scupoli. Prier, disait Thibon, « c’est descendre dans les oubliettes de notre âme, dans le silence et dans la nuit, où nos passions terrestres et notre indifférence à l’éternel ont emmuré Dieu, pour le retrouver et le consoler ».
Faisons nôtre ce conseil de saint François de Sales pour conduire notre combat spirituel à l’occasion du Carême qui approche : « Dans le régime des âmes, il faut une tasse de science, un baril de prudence et un océan de patience ».
Abbé Thomas DUCHESNE
Il est bon de prendre en compte les changements de ces derniers temps. Alors que depuis les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, l’homme occidental mettait sa foi dans un progrès qu’il jugeait salvateur pour lui mais aussi pour le reste du monde, nous sentons bien que de grands changements sont sur le point de se produire. La vision d’un monde s’élevant sans Dieu, vers une béatitude que l’homme se construit, s’étiole de plus en plus, du fait des difficultés non prévues qu’il rencontre. Ces changements vont nécessairement marquer notre style de vie, notre manière de penser le monde, ainsi que notre agir. Cela peut paraître inquiétant, car nous ne savons pas véritablement ce qui va se passer. Cependant l’homme de foi, celui qui n’a pas mis sa croyance dans une idéologie, mais en Dieu est plus assuré que les autres. En effet « Stat crux dum volvitur orbis » disent les chartreux . Celui qui a construit sa maison (entendre sa vie) sur le roc qu’est le Christ n’est pas étonné par les changements, le va-et-vient permanent des hommes politiques, les décisions qui regardent le monde comme un terrain à conquérir pour sa propre gloire etc… Est-il étonnant que ce monde, dit de progrès, s’affaisse tel un château de cartes dont la base était déjà branlante ? Certes non. « Rien de nouveau sous le soleil » disait Qohèleth. L’homme rame à contre-courant dans une mer magnifique que Dieu a créée par amour pour nous, se fatiguant sans raison, seulement celle de faire selon sa propre volonté. C’est pourquoi le prophète Jérémie à des mots très durs comme a son habitude envers ces hommes qui mettent leur foi non pas en Dieu, mais en tout autre chose : « Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable. » Dieu va reprendre sa place dans notre monde car il est miséricordieux et peut pardonner à l’homme ses errements. Il l’a fait à de maintes reprises durant la traversée du désert du peuple d’Israël. L’homme devant l’effondrement de son projet visant à créer son monde, un monde sans Dieu, reviendra comme d’habitude, baissant la tête, plein de larmes et pliant le genou devant son Seigneur, le seul capable de nous sauver de notre solitude.
Don Bruno de LISLE
« Heureux êtes-vous ! » Voici l’appel vibrant que nous adresse le Seigneur : nous sommes faits pour le bonheur, pour être heureux. Suivre le chemin qu’Il nous propose, nous conduira à la vraie Béatitude. Dans la somme de théologie, saint Thomas d’Aquin commence la partie de théologie morale par le traité sur la Béatitude. Pour un chrétien : agir de manière droite, c’est nous diriger vers le chemin du vrai bonheur. Nous sommes appelés au bonheur infini du Ciel où il n’y aura ni larmes, ni souffrance physique ou morale, ni mort mais, déjà ici-bas nous pouvons goûter le bonheur véritable qui provient de la communion avec Dieu et de la joie de faire sa volonté. « La vie éternelle a déjà commencé » dit une des préfaces des dimanches. Les commandements, l’éducation, toute la morale ne sont pas là pour nous contraindre dans notre agir mais pour nous aider à trouver le vrai bonheur.
Il est vrai cependant que le bonheur véritable peut parfois nous sembler éloigné des aspirations superficielles de notre existence : « heureux les pauvres », « heureux vous qui avez faim », « heureux vous qui pleurez », « heureux quand les hommes vous haïssent et vous excluent ». Si nous nous écoutons nous-mêmes, les béatitudes ressembleraient plutôt à celles-ci : « heureux les riches, heureux ceux qui ont réussi, heureux ceux qui sont en bonne santé, heureux ceux que tout le monde admire. » Le chemin de la vie chrétienne consiste à découvrir petit à petit, en méditant l’évangile et en contemplant le Christ, que le vrai bonheur est donné à celui qui « se plaît dans la Loi du Seigneur et murmure sa Loi jour et nuit ». Moins de moi, plus de Dieu !
Nous partons aujourd’hui avec les jeunes de l’aumônerie pour six jours de camp à Notre Dame du Laus, dans ce lieu béni, visité par la Sainte Vierge au cœur des Alpes. Dans un climat de vacances fraternelles pour ces jeunes, nous allons essayer de leur faire goûter les vraies béatitudes : « heureux celui qui rend service avant même qu’on le lui demande », « heureux celui qui sourit alors qu’il a envie de râler », « heureux celui qui se contente du peu de confort qu’il a, mais qui ne cherche pas la facilité », « heureux celui qui se détache du regard des autres en passant une semaine sans réseau social » ! Chers paroissiens, je me permets de confier ce camp à votre prière : non pas d’abord pour que nous fassions des exploits en ski, ni même d’abord pour que nous ayons beau temps (même si cela serait quand même mieux !) mais surtout pour que les jeunes se détournent de leur égoïsme et grandissent dans la joie de se donner, qu’ils puissent vivre une expérience vivante de Dieu afin que le Seigneur oriente vraiment leurs actes et leurs paroles.
Priez pour que nos jeunes soient des saints : rien ne sera plus utile à notre pays !
Don Raphaël SIMONNEAUX
Les textes de ce cinquième dimanche du Temps Ordinaire nous permettent d’identifier un processus qui advient généralement lors d’une conversion. Il s’agit d’étapes clés par lesquelles sont passés ceux qui disent avoir la foi. Même si ces étapes du chemin de conversion ne sont pas toujours bien tranchées, je crois que l’on peut ainsi résumer la dynamique missionnaire.
- Une rencontre avec Dieu
- Qui bouleverse et transforme notre existence
- Et qui nous rend missionnaires.
Ce même processus est vécu par Isaïe (1ère lecture), Paul (2ème lecture) et Pierre (Evangile).
Tout commence par une irruption du divin. Isaïe voit le Seigneur dans sa gloire, Paul est saisi par le Ressuscité sur le chemin de Damas, Pierre est bouleversé par la puissance de Jésus lors de la pêche miraculeuse. Cette rencontre n’a rien d’anodin : elle dérange, elle met en lumière ce que l’homme est vraiment devant Dieu.
Car aussitôt après vient un moment de lucidité douloureuse : la prise de conscience de son indignité. Isaïe s’écrie : « Malheur à moi, je suis un homme aux lèvres impures ! », Pierre tombe aux genoux du Christ en confessant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur car je suis un homme pécheur ! » et Paul se reconnaît comme « l’avorton », le dernier des apôtres, indigne de sa mission. La proximité du divin est une lumière qui révèle la vérité de notre être en nous plaçant immédiatement dans l’humilité : non pas un écrasement, mais la juste condition de la créature face au Créateur. Devant Dieu, nous ne pouvons plus nous illusionner sur nous-mêmes.
Mais cette même lumière ne révèle pas seulement notre indignité. Elle éclaire aussi nos talents, nos potentialités cachées, celles que nous ignorions nous-mêmes ou que nous n’osions pas reconnaître. Isaïe, l’homme aux lèvres impures, devient le prophète d’une parole brûlante. Paul, le persécuteur, devient l’infatigable missionnaire des nations. Pierre, le pêcheur sans envergure, devient le roc de l’Église. En rencontrant Dieu, ils découvrent en eux une richesse insoupçonnée. La toute puissance divine lorsqu’elle se rapproche de nous, n’écrase pas, elle élève.
L’amour de Dieu va plus loin. Pour nous permettre de nous déployer, de réaliser les potentialités qui sont en nous, il choisit un moyen très simple mais si beau : Il fait confiance !
Il nous confie ce qu’il a de plus beau : l’annonce de l’évangile.
Ce schéma – rencontre, prise de conscience, envoi – n’est pas réservé aux grandes figures bibliques. Il est celui de toute vie chrétienne authentique. Dieu se donne à voir dans nos existences : à travers une parole, un événement, une rencontre. Il nous révèle à nous-mêmes, non pour nous accabler, mais pour nous ouvrir à sa grâce. Et il nous envoie, chacun selon notre vocation, être témoins de son amour dans le monde.
Peut-être pouvons nous profiter de ce dimanche pour demander la grâce d’une rencontre plus approfondie avec le Seigneur, pour qu’en le laissant s’approcher de nous, il puisse faire grandir la confiance. Prenons cette décision de ne plus nous laisser enfermer dans nos propres limites en écoutant le Christ nous envoyer au large.
Don Louis Marie DUPORT
C’est le nom que le vieillard Syméon donne à cet enfant de 40 jours en le prenant dans ses bras et en l’élevant, j’imagine, en action de grâces dans le Temple de Jérusalem, comme pour le présenter à son Père et à nous, à l’ensemble de l’humanité.
C’est le nom que le Concile Vatican II a voulu lui redonner, environ 2000 ans plus tard, en intitulé d’un de ses principaux documents (“Lumen Gentium”). Et en l’an 2025, nous fêtons encore cet Enfant qui est venu, qui a prêché l’évangile et qui a réalisé le Salut par sa mort et sa Résurrection, nous “jubilons” même, car cette Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ reste “la grande joie pour tous les peuples” (cf Lc 2,10) : Jésus Christ ! Non seulement pour le passé, mais annoncé encore dans notre présent fébrile, et attendu encore dans le futur pour son retour dans la gloire, car passé, présent et futur se rejoignent en la Personne de ce Jésus, proclamé par Syméon, reconnu comme Lumière par les nations, « annoncé chez les païens, et cru dans le monde » (cf 1Tim 3,16), c’est Lui la Bonne Nouvelle indépassable, « Celui qui est, qui était, et qui vient ! » (Ap 1,8).
Moi aussi, Seigneur Jésus, je t’appelle « Lumière des nations » avec jubilation intérieure, avec la joie d’une Bonne Nouvelle indépassable à annoncer encore au monde entier, à toutes les nations, même celles qui aujourd’hui mettent beaucoup d’énergie (malsaine) à ne pas te reconnaître comme leur vraie Lumière.
Oui, le fait que tu ne sois pas reconnu comme l’Enfant-Dieu, Innocent et Sauveur, faible et ressuscité, « crucifié en raison de ta faiblesse, mais vivant par la Puissance de Dieu » (2Co 13,4) m’attriste infiniment, mais “ma tristesse se changera en joie, et personne ne me l’enlèvera !”
(cf Jn 16,22). Oui, que l’évangile soit mis au “banc des nations” alors qu’il est « Lumière des nations » me peine profondément, d’une part parce que « l’Amour n’est pas aimé », d’autre part parce que rejeter la Lumière est la meilleure garantie d’épaissir les ténèbres et de s’y enfoncer.
« Pour peu de temps encore la lumière est parmi vous. Marchez tant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous saisissent ; celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va. Tant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin de devenir des fils de lumière. »
Jn 12,35-36.
Cet avertissement de Jésus à la veille de sa mort et de sa disparition dans le tombeau, comme Jonas dans le ventre du cachalot, je souhaite le redire à ma génération.
« Il ne sera pas donné de signe à cette génération !… » Elle en a déjà eu trop, et ça n’a servi à rien qu’à endurcir les cœurs dans l’incrédulité et la méchanceté. « …Si ce n’est le signe de Jonas ». (Mt 16,4). Mais comme alors, ça ne servira à rien pour ceux qui ont déjà le cœur dur.
Prends l’Enfant-Jésus de 40 jours dans tes bras, c’est Marie qui te le tend, mon cher contemporain au cœur dur, et que l’Amour inoffensif et vulnérable « en raison de sa faiblesse » brise ton cœur endurci, qu’il te donne de croire que l’Amour indépassable, plus fort que la mort, et plus puissant que toutes les puissances au Ciel, sur terre et aux enfers, s’est déjà manifesté et que tu n’as rien d’autre à faire qu’à te laisser aimer. Ce n’est pas trop beau pour être vrai. C’est la vraie Lumière des nations, comme il était au commencement, ici et maintenant et toujours et pour les siècles des siècles, amen !
Don Laurent LARROQUE