En parcourant les côtes de l’Estérel en « snorkeling » (j’ai appris ce terme technique au petit-déjeuner ce matin : « randonnée aquatique masquée tubée souvent palmée »), j’ai eu l’occasion de rendre grâce pour les merveilles de la nature. Particulièrement lorsqu’il fallut passer par un étroit passage entre deux parois d’immenses rochers où la largeur du corps était seulement assurée. Deux mètres de profondeur, une dizaine d’autres au dessus, sur une longueur de 5 ou 6 mètres. Comme un étroit couloir rappelant la porte étroite toujours devant nous, avec, au fond, l’immensité de la mer, image de l’infini. Pour mystifier l’aventure, il y avait un peu d’obscurité du fait de la hauteur des falaises voisines, mais aussi un peu de soleil qui se trouvait presque parfaitement dans l’axe de cette anfractuosité et relevait les couleurs azur et rouge des éléments en jeu dans ce spectacle prodigieux. Dans le silence, de merveilleux petits poissons, souvent en banc, scintillant de mille feux colorés sous les quelques rayons du soleil accompagnaient mon avancée. C’était beau.
Je vivais cette expérience – masqué, tubé, palmé – entre deux rendez-vous d’ultime préparation au sacrement du mariage. L’actualité plus large nous présentait les suites du scandale de l’ouverture des Jeux Olympiques, les larmes d’une boxeuse italienne abandonnant la partie face à son adversaire algérienne dite intersexuée mais plutôt femme puisque, d’après son passeport, il faut dire « elle », la poignée de main entre deux athlètes nord-coréens et sud-coréens, l’ovation générale pour Léon Marchand qui a remporté plusieurs médailles en natation, et toujours les conflits armés dans le monde entier qui ne semblent pas se sentir concernés par la fameuse trêve olympique. Au niveau local, la ville de Saint-Raphaël se met au couleur de la saint Pierre, se prépare à vivre ces trois jours de fête patronale, après les ovations des feux d’artifice de Boulouris, et avant d’accueillir les missionnaires d’Annuncio.
Au fond, quel est le sens de toute cette Histoire, avec un grand H, cet immense récit au présent, de la réalité qui ne saurait être arrêtée et dont nous faisons partie ? Pourquoi la beauté est-elle toujours souillée par la laideur, le respect bafoué par l’obscénité et la violence, la culture violée par l’ignorance et l’arrogance, la paix compromise par l’égoïsme et l’attrait du pouvoir ou du gain ? Pourquoi ?
Parce que le drame de l’humanité est aussi le socle de son invincible espérance. Depuis le premier péché – déni de réalité et orgueil de l’homme pensant pouvoir se passer de Dieu – le monde gémit dans l’attente d’une rédemption que Dieu ne cesse de lui offrir.
Cette période estivale peut-être un moment privilégié pour mesurer davantage cette immense alternance dans laquelle nous sommes ballotés, alors que nous fixons un regard renouvelé sur la beauté, la bonté, et le bien.
Nous connaissons la phrase de Dostoïevski : « la beauté sauvera le monde ». Mais nous oublions souvent que Dostoïevski parlait alors du Christ-Jésus. C’est lui que nous devons voir lorsqu’au milieu des maux et du laid, il nous est donné d’entrapercevoir une fenêtre sur l’infini de l’éternité, fenêtre que toute chose belle, aussi discrète et ténue soit-elle, nous offre en vérité.
Père Jean-Baptiste MOUILLARD