La crosse de l’évêque – le pasteur par excellence de l’Eglise – est une sorte de bâton de berger. Elle est composée de deux parties : la volute qui est la partie recourbée et ornée en haut, et la pointe en bas. Traditionnellement la volute sert à retenir ou rattraper ceux qui s’égarent, à les attirer avec douceur. La pointe au contraire sert à frapper les loups qui menacent le troupeau ou bousculer les récalcitrants pour les faire avancer !
Ces deux chapitres 15 et 16 de Saint Luc – alors que Jésus marche vers son mystère pascal – me font penser à ces deux aspects de la crosse. Dans le chapitre 15, Jésus nous offre trois splendides paraboles de la Miséricorde invitant les pécheurs à la confiance. Dieu est comme ce berger qui part à la recherche de sa brebis perdue ou comme ce père qui attend patiemment le retour de son Fils prodigue. Il y a de la joie dans le ciel pour un seul qui se convertit plus que pour 99 qui n’ont pas besoin de conversion. Il invite positivement à la conversion et au changement de vie.
Au contraire le chapitre 16, avec ces deux paraboles qui nous interrogent sur le rapport à l’argent, sonne plutôt comme un avertissement pour nous inviter à briser cette idole. Il semble qu’il n’y a pas de 3ème voie : le Royaume de Dieu ou l’argent. « Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent » dit Jésus Luc 16,13.
Jésus nous invitait la semaine dernière à nous faire des amis avec l’argent malhonnête afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. Alors, au soir de notre vie, quand nous ne pourrons rien emporter de ce monde ils plaideront pour nous. La parabole du riche et du pauvre Lazare est le contre-exemple type de cela. Elle nous pousse à réfléchir sérieusement sur ce renversement des sorts. L’enjeu est l’éternité.
Quand Jésus raconte cette parabole il parle aux pharisiens qui aimaient l’argent et donc tournaient Jésus en dérision. Leur amour de l’argent était un obstacle à l’écoute de la loi et des prophètes, un obstacle à l’écoute de la Parole de Dieu jusqu’à la haine de la foi. Si nous choisissons de servir l’argent plutôt que Dieu cela conduit à la surdité spirituelle si bien qu’aucun signe ne sera convaincant, « même si un mort ressuscitait ils ne seraient pas convaincus ». Peu après ce discours, Jésus resuscitera son ami Lazare et lui-même ressuscitera d’entre les morts. Ils n’ont pas été convaincus. L’amour de l’argent étouffe la foi.
Cet avertissement s’adresse aussi à nous. Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Si nous ne brisons pas cette idolâtrie, ce germe d’égoïsme, Dieu aura beau nous envoyer des signes toujours plus convaincants, nous ne serons pas convaincus. Laissons-nous bousculer par ces paraboles un peu piquantes pour ne pas risquer de passer l’éternité loin du festin des noces de l’agneau !
Don Marc-Antoine CROIZE-POURCELET