Jésus commence par dire « méfiez-vous » ! Méfiez-vous, car tout ce qui a l’apparence d’être religieux ne l’est pas forcément, cela peut n’être que « pour l’apparence ».
Et méfiez-vous de votre façon de juger de celle qui n’a pas d’apparence, cette pauvre veuve, qui, sans que cela se voit, a fait un acte religieux très absolu : elle n’a pas donné un peu puis gardé le reste pour s’acheter du pain, non, en donnant le peu qu’elle avait, elle a donné même tout ce qu’elle avait pour vivre, en un acte vraiment religieux, non pour se faire admirer des hommes, mais, en quelque sorte, de son Dieu…
Le Seigneur Jésus, qui est le Seigneur du Temple (il le dit Lui-même : « il y a ici plus que le Temple », Mt 12,6), a vu que son acte était vraiment religieux, un vrai acte d’amour et de foi, pas une manière de provoquer ou d’obliger Dieu. « Je sonde les reins et les cœurs » (Ap 2,23), et je peux juger des intentions qui sont dans le cœur des hommes.
Ce qui a l’apparence d’être religieux quelquefois ne l’est pas du tout, et ce qui n’a pas l’apparence d’être religieux, quelquefois est très authentiquement un cœur à cœur avec Dieu.
« L’homme regarde ce qui paraît, mais Dieu regarde le cœur. » (1Sam 16,7).
« Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. » (Mt 5,8). Heureux les cœurs purs, qui cherchent à purifier leurs intentions pour qu’elles soient vraiment pures, le plus possible. Sans spiritualisme excessif, cependant, en voulant être purs comme des anges, avec le risque de devenir orgueilleux comme des démons. Qui fait l’ange se retrouve à faire la bête. « Ceux-là (des monstres bien masqués) recevront une condamnation plus sévère ! »
Il ne s’agit pas de ne pas vouloir de signes de reconnaissance : nous en avons un besoin fondamental pour vivre. C’est dans notre nature.
Mais sans souillure non plus dans les intentions. Le cœur pur, cela veut dire : agir non pas par vaine gloire, non pas pour y retrouver son compte, non pas pour se faire valoir, pour briller aux yeux des hommes avec des signaux sociaux pour que l’on voit subtilement que vous êtes l’homme le plus important du village, la femme la plus considérable… Il faut essayer de purifier ce souci “social”.
« Pour l’apparence », dit Jésus. Quelle mesquinerie parfois, quelle duplicité souvent, chez ceux qui sont préoccupés par ce souci de l’apparence, « alors qu’au-dedans, c’est plein de méchanceté » (Mt 23,27-28).
Sur cette terre, nous sommes tous sous le regard les uns des autres. Certes, cela compte beaucoup dans la vie sociale. On ne peut pas s’en détacher complètement, ce serait aller contre nature. Mais on peut essayer un peu, essayer de ne pas « tout faire pour se faire admirer » (Mt 23,5). Pas “tout” mais “un peu moins” faire pour se faire admirer des hommes, et “un peu plus” faire dans une religion, c’est-à-dire une relation véritable avec Dieu. Le cœur qui cherche à être pur doit savoir relativiser toujours plus ce « un peu », jusqu’à devenir libre du regard des autres. Mais non pas comme un ange : comme un fils, celui qui a un Père dans le Ciel. « Ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra ! » (Mt 6,4). Vouloir se faire admirer de Dieu : voilà le cœur qui se purifie, sans aller contre sa nature ; voilà qui verra Dieu parce qu’il lui sera devenu semblable en bonté, vérité, liberté, joie pure réservée aux enfants au cœur pur.
Don Laurent LARROQUE