Lorsque nous recevons des jeunes parents qui demandent le baptême pour leurs enfants, nous commençons généralement par leur demander de préciser leur demande. Lorsque nous leur posons la question « pourquoi voulez vous faire baptiser votre enfant ? », la réponse est presque toujours la même. Il s’agit de continuer une tradition. « J’ai été baptisé, mes parents et mes grands parents l’étaient, donc mon enfant le sera aussi ! »
Il n’y aurait rien d’inconvenant à cette réponse, si le sens de cette tradition était assimilée et comprise, mais malheureusement, ce n’est pas toujours le cas.
Or dans l’évangile d’aujourd’hui, les scribes et les pharisiens sont choqués parce que les disciples de Jésus ne se sont pas lavé les mains avant le repas… Saint Marc précise qu’il s’agit d’une tradition juive : « Les pharisiens, en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. »
Il est donc question d’une « tradition » que les disciples de Jésus ne suivent pas. Tout naturellement, donc, les pharisiens et les scribes qui l’appliquent scrupuleusement s’indignent : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas avec des mains impures. »
Ce qui est surprenant, c’est la réaction de Jésus : « Hypocrites ! ». Pourquoi une telle sévérité ? Serait-Il opposé à ce qui est traditionnel ?
Le Christ va mettre en lumière la raison de sa réaction en citant l’Ecriture : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. » (Is 29,13).
Le problème n’est donc pas la « tradition », qui est un trésor contenant toute la richesse de nos pères, mais l’incapacité d’en comprendre le cœur !
En elle-même, la tradition nous préserve des vertiges de la nouveauté. L’épreuve du temps à laquelle elle a été soumise l’a purifiée de toutes les illusions que renferment si souvent les innovations. Elle cultive en nous le sens de l’éternel, c’est-à-dire de la nouveauté qui demeure.
Lorsque ce trésor est remis en question sous prétexte de progrès, c’est bien souvent pour ouvrir la porte à une fausse innovation. Il suffit de regarder l’histoire pour se rendre compte que le « rien ne sera plus comme avant » est une utopie qui se retrouve sur les lèvres de toutes les générations montantes ! Thibon disait : « les révolutions sont des balbutiements suivis de très près par le radotage. »
Le Christ ne remet donc pas en cause la tradition, mais il nous invite à y entrer pour pouvoir la comprendre et la vivre véritablement.
Au cours de cette semaine, nous sommes invités à revisiter nos habitudes, nos traditions. Non pas simplement pour les remettre en question, mais au contraire pour mieux comprendre leur but afin de les choisir plus librement.
Don Louis Marie DUPORT