Dans notre évangile, ce dimanche, Jésus dit nous avoir préparé une place dans son Royaume. Mais au fait…. Est-ce égoïste de désirer le paradis pour soi même ?
Pour répondre à cette question nous devrons distinguer deux sortes d’amour.
Amour d’amitié et amour de convoitise.
Dans l’amour il y’a toujours un bien en jeu (quelques euros que je donne au pauvre, le paradis que Dieu nous donne, du comté pour l’anniversaire de Don Louis Marie.)
Les exemples nous disent aussi combien, pour que l’amour existe, il est nécessaire qu’une personne soit présente pour que ce bien soit donné. Même dans l’expression « j’aime le comté », le bien est le goût salé et fruité du comté, et la personne est…moi même. Si j’aime une autre personne on parlera d’amour d’amitié, si c’est moi même que j’aime, on parlera d’amour de convoitise.
L’amour d’amitié est oblatif : on veut le bien de la personne pour elle même. C’est un amour altruiste.
L’amour de convoitise est captatif : j’aime une réalité, pour le bien qu’elle m’apporte. C’est un amour de soi.
L’amour d’amitié est parfait.
C’est la plus belle forme d’amour, car la personne est aimée pour elle-même, en cherchant son bien. Quand j’aime Dieu de cette façon, on appelle ça la Charité. J’aime Dieu, indépendamment de ce qu’il fait pour moi ! « La charité est serviable, elle ne cherche pas un intérêt, elle supporte tout. » 1Co 13, 4-7.
Un amour de convoitise est imparfait.
Aimer quelqu’un de convoitise, c’est aimer une personne pour ce qu’elle m’apporte. Mais ce n’est pas une question morale. Parfait et imparfait ne veulent pas dire bien et mal. Cette distinction veut juste nous dire qu’il y a un amour meilleur que l’autre.
Aimer de convoitise peut être bon ! Il n’est pas mauvais de désirer pour soi ce qui est bon ! (air, eau, nourriture…). De plus si ces choses me sont données par une autre personne, il n’est pas mauvais de l’aimer pour ce qu’elle m’apporte. C’est ce qui se passe quand je désire le Ciel et que cela me fait aimer Dieu. De plus Dieu veut lui-même que nous l’aimions ainsi ! Il veut être notre sauveur, (Is 43,3). Lui seul peut nous donner le paradis, qui est l’accomplissement de notre vie.
La purification nécessaire
Il faudra nécessairement, cependant, que mon amour de convoitise soit purifié. On ne désire pas le Ciel comme on désire du Comté. Si le Bien en jeu devient supérieur à celui qui me donne ce bien, alors mon amour est injuste. Il devient égoïste. Saint Augustin a une belle expression : « le péché c’est l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu. » Nous devons veiller à ne pas nous faire manger par notre égoïsme. Mais le désire du Ciel ne peut être égoïste, car mon Ciel, c’est Dieu. Vouloir le Ciel, c’est vouloir ordonner ma Vie à lui. Dieu n’est pas le moyen de mon bonheur. C’est Lui que j’aime plus que moi. Le ciel étant une vie de communion avec Dieu et les autres, l’égoïsme ne peut trouver sa place que dans le désir que nous en avons. Tout dépend de la façon dont nous désirons recevoir cette récompense.
Est ce que l’amour pur doit être purifié aussi ?
Et bien, paradoxalement, oui ! Le même travail est nécessaire. Dans le désintéressement qu’on peut avoir dans une relation gratuite d’amitié, l’orgueil peut se dissimuler : celui de ne pas vouloir nous reconnaître petite créature face au créateur. Seul Dieu, en effet, ne reçoit rien quand il aime. Il est le seul à ne pas avoir de besoin ! ( vouloir ne rien recevoir ressemble beaucoup au péché d’orgueil de Satan et même… au péché originel = c’est une très nocive indépendance)
Dieu veut qu’on ait des désirs. Nous devons désirer le Ciel ! Je n’aime pas Dieu d’abord pour ce qu’il m’apporte. Mais cela ne veut pas dire que ce qu’il m’apporte disparaît !
Ainsi il n’y a pas à choisir entre un amour désintéressé et un amour qui désire recevoir ! Ici-bas la Vie chrétienne nous fait éprouver l’une et l’autre tendance. Les deux ne s’opposent pas. Aimer Dieu demande de ne pas aimer son péché et de préférer Dieu à soi-même, mais il ne s’agit pas d’anéantir tout désir et tout amour de soi. On aimera Dieu pour lui-même. Mais aussi comme le seul et unique Bien qui peut nous combler. Et le « B » est bien en majuscule, car notre Bien c’est Lui.
Pour conclure, ces deux amours se conduisent l’un à l’autre : quand j’aime Dieu gratuitement, j’aime aussi ce qu’il aime et je me réjouis de ce qu’il peut me donner. Et quand je désire le Paradis, je suis conduit à chercher qui est Dieu et cela me conduit à l’aimer tel qu’il est et pour ce qu’il est.
Don Christophe GRANVILLE