« Ne fallait-il pas que le Messie souffre tout cela pour entrer dans sa gloire »
Voici ce que Jésus réplique dans l’Evangile de ce dimanche aux disciples d’Emmaüs qui s’en vont tout tristes : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
Quelle audace de la part de Jésus ! La croix peut-elle être un motif de fierté ? Comment Jésus peut-il prétendre tirer une gloire quelconque d’une mort aussi honteuse ?
Celui qui se prétendait Dieu, Celui qui se faisait roi et qui enseignait dans les synagogues, avec un certain succès d’ailleurs, le voilà mort pendu à un gibet ! Nu ! Exposé aux moqueries !
Pour entrer dans la lumière de cet Evangile, je crois qu’il nous faut commencer par marcher sur le chemin d’Emmaüs, tout tristes et désespérés avec les disciples. Il nous faut, « pour entrer dans cette gloire » dont parle Jésus, expérimenter comme l’ont fait les disciples d’Emmaüs, le mystère de cet échec, de cette souffrance qu’est la croix !
« Ne fallait-il pas que le Messie souffre tout cela pour entrer dans sa gloire »
Cet effort, consistant à ne pas nous détourner de la souffrance du Juste, nous permettra certainement d’aborder plus serainement le mal qui nous touche plus particulièrement aujourd’hui…
Récemment, j’ai eu une discussion avec un homme qui considérait cette pandémie comme une juste punition divine. Selon lui, nous n’avions que ce que nous méritions et le coronavirus serait, si ce n’est un châtiment de Dieu, tout du moins la conséquence irréversible de notre comportement !
Or, je crois que l’Evangile de ce dimanche peut nous aider à regarder le mystère de l’existence du mal dans le monde, sans pour autant faire de Dieu, un maître d’école prêt à punir à coup de pandémies et de guerres, tout élève récalcitrant !
Le Professeur Lejeune disait : « Dieu pardonne toujours, l’homme parfois, la nature jamais ! »
Le péché, c’est à dire le mal choisi et voulu, engendre toujours un désordre dans la nature. Ce désordre provoque inévitablement une souffrance. Mais le mystère de la croix vient nous rappeler que la souffrance endurée par une personne, n’est pas forcément liée à son péché personnel !
Le méchant peut ne jamais avoir à porter les conséquences de ses actes (tout du moins sur cette terre), et au contraire le juste peut avoir à souffrir des désordres dont il n’est pas l’auteur !
Si la nature ne pardonne jamais, c’est qu’il existe une sorte d’arithmétique, un enchainement irrémédiable entre les causes et leurs effets. Cette arithmétique provoque en nous une certaine vision de la justice : œil pour œil, dent pour dent. Il n’y a pas de pardon dans le régime du pur calcul. Le pardon est toujours une victoire sur cette justice mécanicienne puisqu’il est gratuit, puisqu’il est une remise de dette.
Or, le pardon est co-naturel à l’Amour, il est œuvre de Dieu ! Dieu pardonne toujours. Loin du maitre d’école qui punirait selon la maxime « œil pour œil, dent pour dent », il ne peut vouloir que le bien de l’homme et ne cherche qu’à lui remettre sa dette ! Et c’est pour cela qu’aucune autre manifestation que la croix ne peut nous dire plus concrètement l’Être même de Dieu !
« Ne fallait-il pas que le Messie souffre tout cela pour entrer dans sa gloire »
Le Juste par excellence prend sur lui la souffrance la plus absolue ! Pas de pire injustice que la croix ! Mais au cœur même de cette injustice, l’ordre est rétabli ! Le Juste acceptant cette croix avec amour désarme la nécessité de la nature ! Il l’a surpasse ! Et ainsi, Il sauve ce qui était perdu… La croix rétablit l’homme ! Elle le fait comme naître à nouveau ! Elle lui rend la vie !
Entrons ensemble dans cette gloire que nous propose le Ressuscité ! Gloire qui jaillit de la croix, sans en cacher la souffrance !
D. Louis-Marie DUPORT