Notre évangile est l’annonce de l’ange à Saint Joseph. Il est précédé dans ce premier chapitre de Saint Mathieu d’une loooooongue généalogie démarrant par Abraham, passant par David et finissant par notre Saint Joseph. Mais comment Jésus est-il effectivement la descendance promise s’il n’y a pas de lien de génération entre Joseph et Lui ? La conception virginale de Jésus est annoncée tout d’abord. Ce n’est donc pas un but recherché mais un point de départ. Les premiers chrétiens n’étaient pas embarrassés comme nous, trop souvent par cette question. Alors ils se posent la question suivante : s’il ne descend pas de Joseph, comment peut-il être le Messie davidique ?
L’ange lui dit : « tu lui donneras le nom ». Selon la coutume juive, donner à l’enfant son nom, c’est le reconnaître pour son fils. Par cette reconnaissance Jésus entre de plein droit dans la lignée de Joseph, donc de David. Et de son côté Joseph va prendre en charge l’enfant et sa mère. Obéissant à l’ordre de Dieu, il prend Marie son épouse, comme après la mort du Christ saint Jean prit Marie avec lui.
Un grand exégète commente : « La tradition tardive n’a pas erré quand elle a reconnu un grand Saint en Joseph. Joseph le juste peut-être comparé à Jean le précurseur. Jean annonce et désigne le Messie ; Joseph accueille le Sauveur d’Israël. Jean est la voix qui se fait l’écho de la tradition prophétique ; Joseph est le fils de David qui adopte le fils de Dieu. Comme tous les justes, il attend le messie, mais lui seul reçoit l’ordre de jeter un pont entre les deux testaments ; bien plus que Siméon recevant Jésus dans ses bras, il accueille le sauveur dans sa propre lignée. Joseph réagit comme les justes de la Bible devant Dieu qui intervient dans leur histoire : comme Moïse ôtant ses sandales, comme Isaïe terrifié par l’apparition du Dieu trois fois saint, comme Elisabeth demandant pourquoi la mère de son Seigneur vient à elle, comme le centurion de l’Évangile, comme Pierre enfin, disant : « éloignez-vous de moi Seigneur car je suis un pêcheur. »
Qui donc peut être père ? Qui en a le droit ? La réponse du philosophe et catholique Martin Steffens nous éclaire. « Celui qui prend sur lui de prendre ce droit. Tout enfant est un événement, un avènement. Qu’il soit un « projet parental » ou un « projectile » dans la vie des parents, l’enfant est à qui l’accueillera, absolument. Il n’y a pas de permis d’enfant, comme il y a un permis de chasse ou de conduire. Il n’y a qu’une infinie obligation de vivre désormais notre vie à partir de cet être qui se confie à nos soins, qui mourrait si nous lui refusions, qui mourra chaque fois que nous oublierons de puiser dans sa présence la joie d’être papa. Il n’y a pas de permis d’enfant, seulement la permission, à cause de cet enfant, d’être l’homme le plus heureux du monde.»
Être père, c’est permis. C’est une place à prendre et une place à faire.
Il faudra pour se l’autoriser, surmonter bien des peurs. Un ami craignait de donner à son enfant, en même temps que son patrimoine génétique, la neurasthénie héritée de sa famille. Une phrase de Nietzsche à propos des dépressifs et de leurs descendants le terrifiait : « mettre un enfant au monde, alors qu’on n’a déjà pas le droit d’y être, c’est pire que de prendre une vie. » Cet ami a toutefois osé. Sa fille a apporté avec elle la joie qu’il craignait ne pas pouvoir lui transmettre. Elle est un être lumineux, « équilibré » comme l’on dit. ( sans oublier qu’un équilibre est par définition instable et que, sans déséquilibre, la vie ne serait pas mouvement).
Don Christophe GRANVILLE