« Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? » Sg 9, 13-18.
Avec la rentrée des classes nous pourrions penser qu’il est fini le temps des doux rêveurs, que les choses sérieuses ont commencé et qu’il ne s’agit plus pour nos bambins de battre la campagne en regardant par la fenêtre. Pour les adultes aussi il ne s’agit plus de rêver ! Un regard sur les grands titres de la presse ou les notifications de nos téléphones suffit à interdire au regard et au cœur de se porter plus loin. Certes, à force de rêver, le risque est d’oublier la réalité de ce que nous vivons, cette réalité à travers laquelle Dieu nous parle. Le rêve est sans doute lié à l’endormissement et, s’il a des vertus pour le psychisme, sa mécanique semble être plutôt passive. Il est pourtant une vertu apparemment voisine à l’attitude du rêveur qui est à cultiver. Celle qui nous permet de nous représenter mentalement ce à quoi nous pensons, ce que nous cherchons, ce que nous aimons. Cette vertu est celle de l’imagination. L’imagination ne nous coupe pas du réel, elle part du réel. Loin de toute léthargie, l’imagination demande notre implication entière, et nous invite à voir à travers le réel. L’imagination nous fait nous promener au bout de la jetée comme à la proue d’un bateau ; elle permet à un bout de bois trouvé dans la cour du Patronage de devenir la véritable épée Excalibur et fait de l’enfant qui l’a trouvée le nouveau chevalier de la table ronde, à moins que l’épée ne soit celle d’un mousquetaire ou d’un templier ; elle permet au parent de trouver le bon trajet d’avion qui permettra d’ouvrir la bouche de l’enfant qu’il nourrit, ou de trouver les mots qui l’accompagneront dans le sommeil réparateur qui déjà semble vaincre les paupières ; … L’imagination devient alors un formidable secours pour notre vie de foi. Nous croyons fermement que là où nous sommes, réunis en son Nom, Jésus est au milieu de nous, nous croyons fermement que cette hostie consacrée que nous contemplons dans l’adoration est réellement le corps et le sang du Christ, nous croyons fermement qu’à la messe nous ne sommes pas seuls, mais que la multitude des anges et des saints est présente. Nous y croyons, mais nous avons souvent du mal à laisser ces mystères transformer durablement notre vie. Un petit travail d’imagination vient donner chair et corps à ces mystères, elle nous aide, guidé par la foi, à nous accoutumer à la réalité invisible. Face à la Parole de Dieu, Saint Ignace de Loyola invitait à la composition des lieux : un travail de l’imagination pour se représenter la scène évangélique (la nativité par exemple), et nous mettre tour à tour dans la peau d’un berger, d’un ange, de La Vierge Marie, de l’âne ou du bœuf, pour garder peut-être plus profondément l’évangile dans le cœur !
La première lecture de ce dimanche nous invite à un émerveillement plein de révérence devant la grandeur des vues et des volontés de Dieu. Cultivons donc cette vertu d’imagination, guidée par la foi et l’évangile pour chercher et saisir quelque chose de la volonté de Dieu pour notre semaine, ou notre année. les chemins qui s’ouvriront alors risquent de nous étonner !
Don Guillaume PLANTY