Dans l’Évangile de ce Dimanche, Jésus nous adresse une parole abrupte et austère : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». Spontanément, nous pourrions entendre dans cette expression une menace ou une exclusion. Pourtant, si l’on écoute attentivement, Jésus ne ferme pas une porte, il nous en indique une : elle est étroite, mais elle est ouverte. Toute la question pour nous est de comprendre l’exigence derrière cet appel de Jésus à entrer dans le Royaume par la porte étroite…
Nous imaginons parfois que Dieu rend volontairement l’accès difficile. Or, la porte est étroite non pas pour nous décourager, mais pour nous ‘simplifier’ : elle n’est pas une barrière mais un passage. Elle nous oblige à laisser tomber ce qui est superflu, comme un voyageur qui ne peut pas franchir un passage encombré avec des bagages trop lourds. Sainte Élisabeth de la Trinité écrivait : « Il faut que tout s’écoule, que tout disparaisse, afin que Dieu soit tout en moi ». La porte resserrée n’est rien d’autre que le chemin de ce dépouillement joyeux.
La deuxième lecture, tirée de la lettre aux Hébreux, nous le rappelle :
« Le Seigneur corrige celui qu’il aime ». Dieu n’est pas un maître sévère qui punit, mais un Père qui éduque. L’épreuve n’est pas une humiliation, mais une école qui nous affine pour la sainteté. La porte étroite, c’est ce réalisme de la vie chrétienne : l’amour véritable passe toujours par une purification.
Jésus nous avertit : certains diront avoir mangé et bu en sa présence, mais sans entrer vraiment. Le plus grand danger qui nous menace est de fréquenter Jésus sans le choisir. De profiter de sa présence sans se donner à Lui. Il nous invite à nous engager résolument dans son amour : à aimer de tout cœur Celui qui pour notre amour s’est donné tout entier. Passer la porte étroite, c’est poser un acte de décision, un « oui » qui engage toute notre vie, et non pas seulement une sympathie superficielle pour l’Évangile.
Cette largesse divine s’étend aussi d’une manière spirituelle à l’âme chrétienne. Plus l’âme s’abandonne à Dieu, plus son cœur devient vaste, capable d’aimer tous les hommes. Sainte Claire d’Assise écrivait à Agnès de Prague : « L’âme d’un croyant, qui est la plus digne de toutes les créatures, est rendue par la grâce de Dieu plus grande que le ciel : ce Créateur, que les cieux immenses et toutes les autres créatures ne peuvent contenir, l’âme du fidèle à elle seule devient son séjour et sa demeure ; il suffit pour cela de posséder la charité ». La porte étroite débouche sur la véritable liberté de l’amour, nous faisant entrer dans l’espace immense de l’amour de Dieu.
Chers amis, loin d’être une menace, la « porte étroite » est une promesse. Elle est l’appel à vivre une foi purifiée, une charité décidée, une espérance large comme le cœur de Dieu. Oui, il faut un combat spirituel pour franchir ce seuil ; mais c’est le combat même de l’amour qui allège, qui simplifie, qui libère. Sainte Teresa de Calcutta le rappelait : « La sainteté n’est pas le luxe de quelques-uns, elle est le simple devoir de chacun ».
Alors, en ce Dimanche, osons demander au Seigneur la grâce de ce dépouillement qui nous rend légers pour passer sa porte. Déposons tout souci du monde au pied de sa Croix et redisons-lui dans la prière : « Seigneur, prends ce qui m’encombre, et fais-moi entrer dans la joie de ta maison. »
Abbé Thomas Duchesne