Reprendre un frère ou une sœur est une affaire délicate, qui suppose beaucoup de charité, afin de reprendre par amour – amour fraternel, d’humilité afin de ne pas arriver comme un redresseur de torts, de force, afin de ne pas craindre la réaction de celui qui se fait reprendre, et de patience, afin de tenir bon dans cette affaire malgré les éventuelles violences dans les réactions négatives. En attendant les conséquences positives, on espère… Il faut bien sûr avoir pardonné à son frère, et ne plus être prisonnier du ressentiment.
Il faut un grand intéressement à l’autre, à son vrai bien, au bien commun, et un vrai désintéressement de soi. On risque plus d’y perdre que d’y gagner ; on risque de s’entendre dire : « mêle-toi de tes oignons ! » On risque de se prendre de sacrés retours de bâtons si l’autre est en position de force. Il faut un grand oubli de soi : « oublie les blessures que te fait ton frère, pas la blessure qu’il se fait », dit Saint Augustin.
La vie communautaire, la Communauté pensée par Jésus, qui est l’église, exige cette correction fraternelle, car nous ne sommes pas des bénis-oui-oui, une communauté de bisounours dont la faiblesse coupable laisse passer tout et n’importe quoi. Il s’agit vraiment de charité, de la vraie charité qui ne peut faire fi de la vérité. Mais sans se présenter comme détenteurs de la vérité.
C’est une affaire tellement délicate qu’on est plus facilement tenté de l’esquiver que de se lancer. “Tenté”, au sens fort du combat spirituel, celui d’accepter d’appliquer l’évangile à la lettre et de ne pas prêter l’oreille à Satan qui veut nous paralyser : “laisse tomber, cela ne te regarde pas, pour qui tu te prends…”, etc…
Si tu vois ton frère commencer à fréquenter une femme qui n’est pas la sienne d’une manière inconvenante, va le trouver, seul à seul, et avertis-le. Si tu vois ton frère prendre les ¾ de son temps à boursicoter plutôt que de s’occuper de sa famille, va le trouver, seul-à-seul, et montre-lui son tort. Et ainsi pour tous débuts d’addictions et de désordres. Si tu vois ton frère se prendre pour un gourou, se situer dans la puissance qui écrase, ou s’effacer au contraire dans un isolement taciturne, va le trouver, et essaye de lui dire une bonne parole. Si tu vois ton frère fréquenter une voyante et son pendule, va le trouver et montre-lui son tort contre la Foi.
“À la lettre”, cet évangile. Car Jésus a été très précis. D’abord aller reprendre l’autre « seul à seul ». D’habitude, quand on voit quelque chose qui ne va pas chez l’autre, surtout si on estime que c’est amusant, on va en parler à des tierces personnes, et non à la personne intéressée. La médisance est le contraire de l’évangile. “Si ton frère a péché, va trouver une tierce personne et commente l’affaire…” Non. “Si ton frère a péché, va le trouver lui, pas une autre personne !”
Jésus a été très précis. Si la première étape n’a pas suffi, persévère dans cette juste cause. Il s’agit de « gagner ton frère », ce qui est le contraire de le perdre. Deuxième étape : “une seule autre personne” – ça n’est pas si énorme, “ou deux”, dit Jésus, pour que l’affaire soit traitée devant cette deuxième instance.
Si vraiment la personne est obstinée, dis-le à l’église, c’est-à-dire avertis le responsable local, le curé par exemple. Oui. Une fois les autres instances passées (pas avant, soyons précis !), aie le courage d’aller en parler au curé ou au Vicaire général, car tu ne peux pas laisser ce loup dans la bergerie détruire, par exemple, le pèlerinage à Lourdes où il vient se pavaner en blouse, de sorte que les brebis serviables écœurées ont abandonné le pélé…
Si l’on appliquait l’évangile à la lettre, combien l’église irait mieux !
Don Laurent LARROQUE