Jésus revient avec insistance sur le thème de l’argent. On a déjà rencontré dernièrement la parabole du riche, qui semble un homme réfléchi pour ses investissements, mais à qui Dieu dit : « tu es fou ! », pas du tout réfléchi, car tu n’as pas investi en vue de Dieu (Lc 12,20-21). Cette fois-ci, Jésus prend l’image d’un intendant véreux qui propose de fausses factures… C’est limite ! Non que Jésus veuille encourager la corruption ! Même si, dans cette parabole, le maître « fait l’éloge » de ce malhonnête. Il est « malhonnête », c’est clairement dit et il ne s’agit pas de louer la malhonnêteté.
Il faut aller à la vraie conclusion, non en rester à la phrase qui suit, qui fait un petit développement sur l’habileté des malhonnêtes, « les fils de ce monde ».
Certes, c’est vrai que les fils de la Lumière ne sont pas aussi habiles pour les choses éternelles que les fils de ce monde, pour se faire toujours plus d’avoir et de pouvoir. Ces fils de ce monde, « le dieu de ce monde, Satan, a aveuglé leur cœur » (2Co 4,4).
Mais bref, ce n’était qu’une parenthèse, un petit développement sur un autre sujet. Il faut donc aller à la vraie conclusion de la parabole, qui est au verset suivant.
Dans le style biblique, on redit toujours plus ou moins la même expression au début et à la fin d’un sujet. Ici c’est : “il faut qu’à mon expulsion de la gérance, je trouve des gens qui m’accueillent.” Et la conclusion : “alors dans ce cas, oui, tu trouveras des gens qui t’accueillent”.
Retirer la gérance, c’est la mort. Expulsé de ce monde où nous ne sommes que des gérants. Il faudra bien que cela arrive un jour. Trouver des gens qui m’accueillent, c’est « dans les demeures éternelles », c’est au Ciel : il faudra que je m’arrange pour qu’en arrivant là-haut, il n’y ait pas que le Dieu Juge et “St Pierre avec ses clés”, mais aussi des « amis » qui plaideront pour moi parce que je leur aurais fait du bien sur la terre.
C’est bon pour tout le monde, quel que soit sa « gérance » terrestre, qu’on en ait peu, ou qu’on en ait beaucoup. Rappelons-nous de la « dîme ».
Mais je crois que Jésus veut dire que c’est vrai particulièrement pour ceux qui, ayant beaucoup de moyens, plus ou moins bien acquis, car – c’est Jésus qui voit les choses comme ça – il semble bien que l’argent soit forcément « malhonnête », en ce bas-monde, qui plus, qui moins, mais toujours un petit peu, fatalement… c’est donc particulièrement vrai pour ceux qui, ayant beaucoup de biens, beaucoup de « gérance », pas forcément toujours avec de l’argent très propre, s’arrangeront pour faire du bien sur terre, de sorte de se faire des « amis » et non beaucoup d’ennemis au jour de l’expulsion de ce monde.
Ô riches, vous avez fait beaucoup de jaloux et d’envieux, vous vous êtes faits beaucoup d’ennemis sur la terre car on a estimé, plus ou moins à tort, que toute cette fortune n’était pas que le fruit de votre travail, mais aussi, à part la chance, le fruit du travail de beaucoup d’autres ! Ils seront vos ennemis à plaider contre vous au jour du jugement. Je pense à cet autre intendant qui s’était fait remettre sa dette, malgré une gestion plus que déplorable (60 millions disparus comme ça…), mais qui n’a pas été capable de remettre sa dette à un pauvre compagnon de service : il n’a fait qu’accumuler des ennemis contre lui (Mt 18,29-31).
A moins que… vous vous mettiez à raisonner comme le gérant de la parabole d’aujourd’hui : “je vais m’arranger pour me faire des amis avec mes biens plus ou moins honnêtement acquis : je vais leur faire du bien d’une manière ou d’une autre, et ils plaideront en ma faveur ce Jour-là, même si normalement je risquais fort de ne pas “passer la barre”.
En tout cas, riches ou pas, honnêtes ou pas, faisons du bien tant qu’on en a la possibilité. C’est un calcul louable.
Don Laurent LARROQUE