L’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître, une addiction, comme on dit de nos jours (cf Mt 6,24). « L’argent ne fait pas le bonheur. » On le sait. « Plaie d’argent n’est pas mortelle. » On le sait aussi. Et cependant, combien l’homme est attaché à l’argent ! Il confond la vie et l’argent et croit devoir mourir sans argent. Certes, tant mieux si on n’en manque pas… N’oublions pas de donner le superflu, alors. Un critère concret : donner la dîme de son revenu aux pauvres. Ou même, autre possibilité, venue de l’Evangile (le jeune homme riche) : le don radical de tout, réservé à ceux qui en ressentent l’appel : « va, vends, donne, viens et suis-Moi ! » Moi, le Christ, l’Unique nécessaire. De toute façon, riche ou pauvre, « le temps se fait court… que ceux qui possèdent, fassent comme s’ils ne possédaient pas vraiment », car on n’est que de passage…
(cf 1Co 7,29-31).
L’Evangile de ce dimanche revient sur notre rapport à l’argent, avec une mise en garde insistante :
« Gardez-vous bien de toute avidité ! » Il y a deux verbes dans le texte grec pour dire « attention, danger ! » La cupidité, l’appât du gain, la mentalité vénale sont des pièges. « Tu es fou », dit Dieu, dans la parabole de ce dimanche, à ceux qui font du désir de gagner toujours plus d’argent le seul but de leur vie ! L’avarice se termine sous l’esclavage d’un démon. Jésus le nomme Mammon, c’est le nom d’un démon. Même dans les derniers combats de la vie, avant de mourir, durant l’agonie (agonie veut dire combat en grec), on peut par avarice, refuser l’héritage de la vie éternelle à cause de ce démon, et hériter de la mort éternelle, dépouillé à jamais de sa dignité de fils de Dieu et de frère du Christ. Or, elles sont là, nos vraies richesses.
On peut même vouloir posséder le monde entier, comme les marchands de notre Babylone la Grande, les nouveaux princes de ce monde (Ap 18,23), mais ruiner son âme pour l’éternité (Mt 16,26). Même ces quelques princes d’aujourd’hui devront bientôt laisser cela à d’autres, qui se disputeront leur héritage jusqu’à s’entretuer. Ainsi va le monde sans l’Evangile.
Mais vous, dit St Paul, arrêtez de vous inquiéter excessivement des choses de cette terre : “si le Christ est ressuscité et monté à la droite du Père, vous êtes citoyens de la Jérusalem céleste. C’est là qu’est votre vie. Laissez un peu plus tomber ces choses de la terre et intéressez-vous à votre vie éternelle ! Elle est déjà commencée !”
L’homme de la parabole de ce dimanche ne songeait pas à son éternité. Pourtant, c’était un homme réfléchi, qui pensait à ce qu’il devait faire, qui savait anticiper et mener ses affaires terrestres. Mais… « tu es fou », dit Dieu, tu n’es pas si réfléchi, en fait. Tu crois que l’intelligence remplace la sagesse. Pas du tout. Beaucoup de gens très intelligents sur cette terre ne sont pas des sages mais des fous. Ils ont oublié une chose si facile à constater et à comprendre : personne n’est éternel sur cette terre, et « un linceul n’a pas de poches »… Une seule monnaie a cours pour l’autre rive : l’amour. Dommage pour vous, les très riches, qui vivez très à l’aise, car l’argent, c’est sûr, rend la vie bien pratique… Oui, dommage, vous qui croyez follement que cela garantit aussi la vie éternelle… Elle n’est garantie que par la qualité de l’amour de notre cœur (Mt 6,21). « Vous valez ce que vaut votre cœur », disait Jean-Paul II aux jeunes. L’Evangile nous remet devant les vraies valeurs de la vie. Devant la vraie échelle des valeurs. Devant les vraies richesses. Jésus nous a « enrichis par sa pauvreté » (2Co 8,9), “il nous a rendus sages par sa folie, et forts par sa faiblesse” (cf 1Co 1,23-25). Heureux qui a trouvé la perle sans prix, le Chemin, la Vérité et la Vie.
Don Laurent LARROQ