Parce que nous y sommes habitués, nous avons du mal à réaliser la portée des paroles que Jésus nous adresse dans l’Évangile de ce dimanche. Pourtant, il s’agit du plus beau des cadeaux puisque le Ressuscité nous laisse la paix, en nous donnant sa paix !
C’est pour nous permettre d’en apprécier la saveur que la liturgie eucharistique nous les donne à entendre à chaque messe (prière qui suit le Notre Père). Toutefois si cette paix est donnée par le Seigneur, elle peut ne pas être reçue.
Pour pouvoir y goûter, le Christ nous donne une condition : lui laisser toute la place pour qu’Il puisse établir en nous sa demeure.
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure ».
C’est cette présence divine en nous qui donne la paix profonde. Mais cette habitation de la Trinité en notre âme ne nous est accessible qu’à la mesure de l’accueil que nous lui faisons. Elle ne peut être mise en concurrence sous peine d’être perdue. Aussi sommes-nous invités à préférer l’amour de Dieu à tout autre affection.
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » Lc 14. 26
C’est lorsque ce choix n’est pas posé dans sa radicalité que nous perdons la paix que nous offre Jésus. Si Dieu ne règne pas en maitre absolu, c’est une idole qui viendra prendre sa place et nous nous retrouvons irrémédiablement divisés contre nous-mêmes. Car « Dès que l’homme expulse Dieu de lui-même, tout en lui (chaque fragment de son être disloqué) est appelé successivement à devenir Dieu. Et, simultanément, à devenir guerre. Où trouver un lien commun, un modus vivendi entre des choses dont chacune veut être le centre, que dis-je, le tombeau de toutes les autres ? Les idoles sont condamnées à se heurter éternellement sans se pénétrer jamais ; elles ne connaissent ni la profondeur étrangère, ni même leur profondeur propre (car celle-ci est amour), elles sont vouées à ne vivre qu’en surface. La pluralité des absolus (je crois bien qu’elle n’avait jamais fleuri comme aujourd’hui) engendre le détraquement universel. Là où est semée l’idolâtrie germe le chaos. Ou bien – car le chaos même ne sait plus être sincère – on voit s’élever, parmi le grouillement des idoles, une espèce de paix hypocrite, d’ordre vermoulu fondés, non pas sur l’union vivante entre les membres du même corps ou les fils du même père, mais sur les ruses, les précautions et les tolérances de dieux impuissants, une sorte d’harmonie sans fondements, d’équilibre d’acrobate, qui ne dure qu’un instant et prélude d’ordinaire à des chutes plus profondes, à des conflits plus irréductibles et plus vains.» Gustave Thibon, « Diagnostics ».
Accueillons donc le Seigneur sans réserve. Laissons Lui un « entier et plein droit de disposer de nous et de tout ce qui nous appartient, sans exception, selon son bon plaisir » alors la paix de Dieu qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer gardera notre cœur dans l’éternel amour et dans l’unité.
Don Louis Marie DUPORT