« Si tu es le Fils de Dieu, dis à cette pierre qu’elle devienne du pain ! »
Selon le Tentateur, le Fils de Dieu doit donc pouvoir résoudre le problème de la faim matérielle, pour lui et pour la terre entière. C’est la tentation du matérialisme : le sauveur du monde n’est-il pas celui qui doit fournir du pain et du bien-être à tout le monde ? « On peut tout-à-fait comprendre que le marxisme ait précisément fait de cet idéal le cœur de sa promesse de salut : il aurait fait en sorte que toute faim cesse et que “le désert devienne du pain”. » (J. Ratzinger – Benoît XVI, Jésus de Nazareth, I, p.51). Mais l’issue négative du marxisme montre que « là où Dieu est considéré comme une grandeur secondaire que l’on peut écarter temporairement ou complètement, au nom de choses plus importantes, alors ces choses supposées plus importantes échouent aussi. » (p. 53). C’était un leurre du Tentateur. Dieu considéré comme moins urgent, moins important, moins nécessaire, que les choses matérielles ; Dieu secondaire, superflu, voire ennuyeux.
« Voir dans le christianisme une recette conduisant au progrès et reconnaître le bien-être commun comme la véritable finalité de toute religion, et donc aussi de la religion chrétienne est la nouvelle forme de cette tentation. » (p. 62).
« Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas », fais quelque chose de sensationnel qui montrera clairement à tes contemporains que Dieu est venu parmi les hommes. Beaucoup disent en effet à Jésus : « si tu veux que nous croyions en toi et que nous organisions notre vie en fonction de la Révélation biblique, manifeste-toi de façon plus claire. » (p. 241) “Sinon, on se contentera d’un salut par naturo-thérapies New-Age et philosophies bouddhistes.”« La pensée contemporaine tend à dire que chacun doit vivre sa religion ou peut-être même l’athéisme qui est le sien et que, de cette manière, il trouvera le salut. » (p. 113) “Chacun sa vérité, car la Révélation n’a pas été assez claire.”
« Le Tentateur n’a pas la grossièreté de nous inciter directement à adorer le diable. Il nous incite seulement à choisir ce qui est rationnel, à donner la priorité à un monde planifié et organisé, où Dieu en tant que question privée peut avoir une place, sans avoir pourtant le droit de se mêler de nos affaires essentielles. Soloviev [dans un écrit de 1900 intitulé “Cour récit sur l’Antéchrist”] attribue un livre à l’Antéchrist : “Le Chemin public vers la paix et le bien-être du monde”, livre (…) dont le contenu véritable est l’adoration du bien-être et de la planification raisonnable. » (p. 61, cf. p. 55).
La question que pose ces tentations « est de savoir ce que doit faire un sauveur du monde. » (p. 61) « Que nous a apporté Jésus s’il n’a pas fait advenir un monde meilleur ? » (p. 62) « Nous continuons de penser que si Jésus voulait être le Messie, il aurait dû nous apporter l’âge d’or. » (p. 63). Nous continuons de penser qu’il devrait se manifester plus clairement. C’est encore un leurre.
Tout messianisme qui prétend apporter tout bien être « reste un royaume humain, et celui qui affirme qu’il peut ériger un monde sauvé approuve l’imposture de Satan et fait tomber le monde entre ses mains. » (Ibid.)
« Seule la dureté de notre cœur nous fait considérer que c’est peu de chose » d’être sauvé par un Dieu comme Jésus. « Encore et toujours, la cause de Dieu semble continuellement comme “à l’agonie”. » (p. 64) Mais c’est seulement ce Dieu là qui sauve vraiment.
« A la divinisation fallacieuse du pouvoir et du bien-être, à la promesse fallacieuse d’un avenir garantissant tout à tous, en vertu du pouvoir et de l’économie, il a opposé la nature divine de Dieu… », le seul Dieu adorable et durable, le seul glorieux dans son humilité et son Amour, jusqu’au don sacrificiel de soi, seule source de Vie. O Crux Ave, Spes unica. “Salut, ô Croix, notre unique Espérance.”
Don Laurent LARROQUE