La prédication de Jésus à Nazareth, que nous suivons sur deux dimanches, constitue un véritable programme dans l’évangile selon saint Luc. Nous l’avons lu dimanche dernier, Jésus se présente comme le Messie promis, car en disant : « le Seigneur m’a marqué par l’onction », il se dit oint, ce qui se dit messie en hébreu, ou christ, en grec. Le Seigneur m’a consacré par l’onction, c’est-à-dire « m’a oint », c’est-à-dire m’a fait messie ou christ. Jésus signale à ses auditeurs que la promesse du messie qui devait venir, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit, en sa personne. Autrement dit : “je suis le Messie, je suis le Christ attendu”.
Et ce n’est pas cette affirmation qui a particulièrement choqué ses auditeurs, qui connaissaient bien Jésus, concitoyen de Nazareth, et qui sont même dans l’admiration devant celui qui leur semble bien parti pour devenir un grand homme. Toute municipalité est fière de savoir qu’un grand homme est issu de ses entrailles.
Et sans doute que déjà, certains y voient leur intérêt, et disent : “tous ces miracles et ce succès que tu as déjà eu à Capharnaüm, réalise-le également dans ta propre ville ! Tu es des nôtres ; en quelque sorte, tu nous appartiens, et ta ville a droit à des égards particuliers, si vraiment tu es ce grand homme et ce Messie que tu nous annonces !”
“D’accord, dirait Jésus, mais alors je vais dire comme je dis à tous : d’abord, « convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15), pour avoir part comme les gens de Capharnaüm aux biens messianiques… Il n’y a pas de raison que je vous fasse un passe-droit de connivence. Si vous voulez avoir les biens messianiques pour des motifs humains, sans conversion, au nom d’une espèce de ‘privilège municipal’, parce que vous pensez que je ne suis que le fils de Joseph et non, comme l’indique la figure du Messie d’après les Ecritures, le Fils de Dieu (cf Ps 2, Ps 109/110, Mi 5,1-4, Dn 7,13-14; Sg 7,25-26…; cf Mt 26,63), alors le courant ne passera pas entre nous ! Je suis le Messie promis, et il me faut votre foi au Messie des Ecritures. « Croyez à la Bonne Nouvelle ! » Et d’ailleurs, comme Messie, je ne suis pas seulement de Nazareth ! Je suis destiné au monde entier ! Je ne suis pas ici pour être ‘récupéré’ par la famille ou la municipalité.”
S’ils ne se convertissent pas, s’ils ne croient pas qu’il est le Messie pour tous et non pas seulement le fils du charpentier pour l’honneur du village, il sera obligé de faire comme Élie et Élisée : ils sont allés donner des grâces aux païens, en laissant le ciel “fermé” pour Israël, car Israël sera fermé à la foi en son Messie, et fermé à mort. C’est aussi l’ouverture aux païens qui sera racontée dans les Actes des Apôtres, qui est préfigurée ici (exemple : Ac 13,44-52). Il faut la conversion et la foi, c’est pour tout le monde pareil, sans passe-droit : « Ainsi donc, aux païens aussi Dieu a donné la conversion qui conduit à la Vie ! » (Ac 11,18).
Jamais Jésus ne peut être limité à notre groupe humain, à telle étiquette humaine. Cela peut rendre imperméable à la grâce divine : la pluie, la rosée de la grâce ne tombe pas sur cette terre, elle va arroser ailleurs. Catholique veut dire universel. Ne jamais s’approprier le Messie, celui qui est déjà venu dans la chair, parce qu’il serait du même groupe humain que nous. C’est aussi le Fils de Dieu, Celui qui doit revenir dans la gloire. Le ciel et la terre passeront, mais ses paroles, celles de l’Evangile, ne passeront pas (Mt 24,35). Ne l’enfermons pas dans des postures ou impostures religieuses humaines : « seulement dans la conversion et la foi sera votre salut » (cf Is 30,15).
Don Laurent LARROQUE