Bien souvent, dans l’Evangile, nous voyons le Christ empli de compassion et de miséricorde. Il cherche à se rendre accessible à tous et n’hésite pas pour cela à s’inviter à la table des pécheurs. Jésus semble à l’aise chez ceux qui ont pourtant une réputation d’hommes impurs et infréquentables. Il provoque les occasions pour être en leur compagnie.
Ainsi, demande t-il l’hospitalité à Zachée. Il s’adresse aussi à Lévi et lui propose de devenir son disciple.
L’accueil qu’Il leur réserve est toujours plein de tendresse. Repensons à l’épisode de la femme adultère :
« Personne ne t’a condamnée ?
– Personne Seigneur.
– Moi non plus je ne te condamne pas, va et ne pêche plus. »
De la même manière, les paraboles qu’Il nous donne pour nous parler de Dieu sont toutes l’expression d’un amour qui pardonne sans autre condition que le regret des fautes.
Le fils prodigue est accueilli sans qu’il n’ait à porter la condamnation de ses actes mauvais ! La brebis égarée ne se fait pas gronder par le berger lorsqu’il l’a retrouvée mais il la place sur ses épaules joyeusement.
Pourtant cette tendresse ne s’applique pas à tous les pécheurs. Jésus se montre parfois très violent. En Mt 23, Jésus prononce 7 malédictions consécutives sur les pharisiens, et dans l’Evangile de ce dimanche, Il les accuse d’hypocrisie et condamne le culte qu’ils rendent pourtant à Dieu.
Très clairement, les pharisiens ne sont pas aux yeux du Christ des pécheurs parmi les pécheurs ! Un mal profond les ronge… Le contraste entre la délicatesse que Jésus manifeste envers les pécheurs et la ferme condamnation du pharisaïsme nous permet d’en saisir la gravité.
Voici ce que Gustave Thibon en dit : Le publicain est nu, le pharisien est masqué. Si misérable qu’on soit, il suffit d’être nu devant Dieu pour désarmer Dieu. Ce qui brûlera en enfer, ce n’est pas notre visage avec ses plaies, c’est notre masque avec sa fausse dignité, ce n’est pas notre péché, c’est notre mensonge.
Dans un autre aphorisme, Thibon complète : Dans la parabole de la brebis égarée, le Christ parle du pécheur comme d’un être dévoyé (au sens étymologique du mot), mais non pas intérieurement pourri. Une brebis égarée est intrinsèquement aussi saine qu’une brebis du troupeau. Cette conception fait du péché un mal dans une large mesure extérieur à l’homme : le pécheur fait fausse route mais ses membres restent sains, il lui suffit de changer de direction pour être guéri. En d’autres termes, une brebis égarée n’est pas une brebis galeuse. Le retour de la première réjouit le cœur du berger mais la présence de la seconde empoisonne le troupeau. Ici, la charité change d’aspect, la pitié envers le troupeau implique à la fois la recherche de la brebis égarée et le rejet de la brebis galeuse. Et c’est pourquoi le Christ nous enjoint simultanément, suivant le degré de pénétration et de fatalité du péché dans l’homme, d’absoudre ou de rejeter le pécheur. Il faut rechercher la brebis égarée, pardonner à l’enfant prodigue, etc… mais il faut aussi savoir s’amputer d’un membre pourri : si ton œil te scandalise… Ces deux catégories de pécheurs réapparaissent à chaque instant dans l’Evangile : ceux qui restent distincts de leur péché (Zachée, la femme adultère, Madeleine, la samaritaine) et qui peuvent être sauvés et ceux dont le péché a dévoré l’âme qui ne font qu’un avec leur péché (les pharisiens) et qui sont déjà condamnés.
Demandons au Seigneur, en entendant cet Evangile, la grâce de savoir toujours reconnaitre notre péché pour qu’Il puisse le jeter loin de nous. Ne portons pas de masque face à Dieu, et pour cela, acceptons de ne jamais chercher à nous justifier devant Lui. Ainsi, aucun mensonge ne rendra vaine sa miséricorde.
Don Louis Marie DUPORT