Nous continuons la lecture du chapitre 6 de Saint Jean, « le chapitre où Jean a exprimé tout l’essentiel de sa doctrine eucharistique. L’enseignement s’y trouve étroitement mêlé à la vie et progresse de façon dramatique par le jeu du dialogue, des incompréhensions et des refus jusqu’à l’option décisive de la foi ou de l’incrédulité. » (D. Mollat, un commentateur de Saint Jean – cité plusieurs fois ici).
Nous suivons la progression de ce dialogue houleux au fil de ces dimanches.
Il sera cependant entrecoupé cette année par la contemplation de l’Assomption de Notre-Dame au Ciel. Jésus d’ailleurs fera lui-même référence à sa propre Ascension, pour authentifier sa doctrine eucharistique (Jn 6,62), et il promet à ceux qui mangeront sa Chair et son Sang à travers l’Eucharistie qu’il les « ressuscitera au dernier jour », pour être incorruptibles et corporels, comme l’est Marie (qui a aussi communié à l’Eucharistie), de sorte qu’entre Eucharistie, Ascension, Assomption et notre propre élévation corporelle un jour au Ciel, nous pouvons faire le lien, comme les dimanches d’août de cette année nous y invitent.
« Le mystère du Pain vivant n’est pour Jean qu’un aspect du mystère de l’Incarnation. » Le mystère de l’Incarnation, c’est que Jésus est Dieu fait homme : « le Verbe s’est fait chair », dit Saint Jean au Prologue de son évangile et, justement, « il est significatif que, pour désigner le sacrement eucharistique, son évangile utilise, non pas le terme “corps” (comme les autres évangiles et Saint Paul), mais le mot “chair” : il faut manger “la chair” de Jésus. » De plus, en d’autres endroits, Jésus parlera de “donner sa vie” (Jn 10,15.17 ; 15,13) ; ici il dit : “je vais donner – non pas ma vie, mais plus précisément – : ma chair”. Cette précision, en plus de “donner sa vie” (sur la Croix : corps livré, sang versé) désigne le mystère de l’Eucharistie, institué par Jésus pour perpétuer son Sacrifice.
Il faut rapprocher les affirmations, faites avec insistance, du discours eucharistique de Jésus sur la manducation de sa chair (Jn 6,53-56), de l’affirmation du Prologue de Jean, centré sur l’affirmation : « le Verbe s’est fait chair », pour bien comprendre que pour Jean, comme nous venons de dire, le mystère du Pain vivant est un aspect du mystère de l’Incarnation et que la foi en ce mystère (Dieu s’est fait homme) est nécessaire pour communier à Jésus Eucharistie (Cf 1Co 11,29). En parallèle, on peut voir l’insistance de Jean, dans ses Épîtres, sur « Jésus-Christ venu dans la chair » :
« A ceci reconnaissez l’esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus [venu dans la chair] n’est pas de Dieu ; c’est là l’esprit de l’Antéchrist. » (1Jn 4,2-3).
« Beaucoup de séducteurs se sont répandus dans le monde, qui ne confessent pas Jésus Christ venu dans la chair. Voilà bien le Séducteur, l’Antéchrist. » (2Jn 7)
« Le mystère essentiel auquel l’Eucharistie nous fait adhérer et dont elle nous fait vivre est le mystère de l’Incarnation. C’est à ce mystère que se sont heurtés les juifs de Capharnaüm [Evangile de ce dimanche] ; à ce mystère qu’achoppaient [et achoppent] les “antéchrists” et les “séducteurs” visés par les épîtres. C’est ce mystère que proclame avec tant de vigueur la foi eucharistique de Jean. »
Jésus doit revenir dans la gloire, comme il est monté le jour de son Ascension (cf Ac 1,11). Il se pose lui-même la question qui est restée en suspens depuis 2000 ans : « Le Fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? »
La foi en l’Eucharistie, en tant que continuité de la foi en l’Incarnation du Verbe de Dieu parmi nous : l’Emmanuel, « Dieu avec nous. »
« Je reviendrai vers vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous verrez que Je vis et vous aussi vous vivrez… » (Jn 14,18-19).
Don Laurent Larroque