Ce 7ème dimanche de Pâques, « coincé » entre l’Ascension et Pentecôte, ressemble un peu au Samedi Saint : les onze apôtres sont dans l’attente. La fébrilité et la peur régnaient au lendemain de la mort du Christ et ce, malgré la triple annonce de la Résurrection faite par Jésus. Là, le contexte est différent : après la Résurrection, ils sont « en grande joie » (Luc 24,51). Suivant l’ordre explicite de Jésus (Actes 1,4), ils doivent rester à Jérusalem pour y attendre l’Esprit promis à plusieurs reprises. Que font-ils alors ? Ils prient assidûment et choisissent un successeur à Judas (Actes 1, 14.26). La crainte demeurait peut-être encore mais elle ne dominait plus leur cœur.
Depuis le début du confinement, nous faisons aussi l’expérience d’une peur collective et individuelle, la peur d’un virus contagieux, donc la peur de la mort. Ces dix semaines sans pouvoir participer au culte public nous a permis aussi de comprendre davantage la nécessité d’une prière qui soit personnelle et aussi communautaire. Le désir de participer de manière nécessaire à une liturgie paroissiale a été creusé par nos églises aux portes closes.
Dans le Nouveau Testament, la prière solitaire de Jésus est mentionnée à diverses reprises, mais ce n’est pas le cas pour les Apôtres : les auteurs sacrés insistent sur la prière commune de ceux qui suivent le Christ, que ce soit au Cénacle (où l’Esprit Saint leur sera donné) ou au Temple. C’est un enseignement fort pour les baptisés : la vie chrétienne a besoin de cette dimension communautaire de la prière. Prier seul ne suffit pas ! Même les chartreux, champions du silence et de la solitude, sortent sept fois par jour de leur cellule, pour prier ensemble à l’église conventuelle.
La prière commune nous désapproprie quant à la forme et au fond de notre relation à Dieu : nous y prions suivant des règles et avec des mots que nous n’avons pas choisis mais que nous recevons de Dieu, au travers de l’Eglise, avec des racines qui remontent jusqu’à la liturgie juive. Elle nécessite de prendre du temps, tout le temps nécessaire : à quoi bon vivre une messe dominicale en 35 minutes comme cela me fut réclamé un jour ? Elle constitue fréquemment la réponse de Dieu à nos attentes individuelles, à nos soucis du moment : qui n’a jamais trouvé dans la Parole de Dieu proclamée liturgiquement ou dans son commentaire, la lumière recherchée ? Il nous faut prendre les moyens de recevoir ce que Dieu veut nous dire.
Il en va de notre quête spirituelle comme du déploiement de la foi à travers les dogmes depuis la fin de la Révélation, à la mort du dernier apôtre. Cela concerne l’Eglise et au-delà même tous nos frères : « l’Esprit, qui repose sur l’Eglise depuis les origines, lui fait prononcer au moment opportun les paroles dont le monde a besoin… C’est pourquoi les richesses divines qu’elle possède depuis toujours, elle les prononce lentement, avec des mots humains » (P. Louis LOCHET).
Profitons donc de ces derniers jours du Temps Pascal, avant la Pentecôte, pour redonner un sens et une saveur à notre prière commune, en sachant que Marie y est présente comme elle l’était au milieu des apôtres qui attendaient de recevoir l’Esprit.
D. Stéphane PELISSIER