Après des vocalises langoureuses en bouche fermée, Julien Clerc semble péniblement interrogé par une vie faite de départs incessants : « Depuis l’enfance, je suis toujours en partance, Je vais, je vis, contre le cours de ma vie, Partir partir… ».
Et puis, rapidement, les douces notes du clavier disparaissant sous les cuivres et les percussions bientôt tonitruants, la voix s’emportant dans une sorte de fuite volontariste, nous devenons contraints par l’excitation ambiante d’oublier la possible réflexion inspirée par le fait de « partir »… Terrible excitation…
Dommage ! Car les départs de la vie, petits et grands, joyeux et douloureux, volontaires ou subis, sont des indications précieuses pour aller plus avant dans la perception du mystère de la vie. Partir… Partir du sein maternel, partir de l’enfance, partir de la maison, partir en vacances, partir à l’aventure, partir en retraite, partir de la vie, partir vers la Vie…
L’émotion d’alors peut-être peu confortable : comme une synthèse subjective et complexe de la nécessité de « quitter » et de « découvrir ». Quitter, c’est un peu abandonner quelque chose que l’on connaît. Découvrir, c’est accueillir un changement encore inconnu. Les deux ne sont pas forcément faciles à vivre.
D’autant plus que celui qui part, engage nécessairement ceux avec qui il était en relation à partir eux aussi : chacun doit finalement quitter une présence et découvrir une absence, pour s’ouvrir à d’autres présences… Mort et naissance, toujours, et pour tous.
Pour les chrétiens, disciples de Jésus, ces départs – abandons et découvertes – sont images, signes, préparations d’une mort ouverte sur la résurrection promise. Profitons-en : faisons de nos départs des lieux d’espérance. Qu’est-ce à dire ?
- La demande de pardon et la reconnaissance des limites et fragilités qui parfois ont pu blesser, affecter ou troubler les autres permettent de recouvrer la paix et l’humilité qui est l’unique clef de la porte étroite. Demander pardon, c’est quémander à l’autre le privilège immérité de pouvoir partir en paix. C’est aussi renouer avec la vérité de notre fragilité.
- L’action de grâce et la gratitude permettent de replacer nos existences éphémères dans la richesse de nos relations faites de charité, de beauté et de bonté. Dire merci, c’est affirmer que la présence de l’autre a enrichi mon existence. C’est aussi lui reconnaitre la possibilité de m’offrir le privilège de partir en ayant honoré la justice.
Chers frères prêtres et diacre qui m’avaient si généreusement accueilli cette année, chers frères et soeurs par le baptême, alors qu’est venu le temps de vous dire « Au revoir », je ne veux pas clore les lignes que j’ai eu plaisir à vous écrire au long de cette année, sans vous dire avec intensité, émotion et conviction un grand pardon et un grand merci, le cœur un peu serré…
Merci pour vos présences et nos relations. Merci pour votre reconnaissance et votre affection. Merci aussi pour les enveloppes généreuses que vous m’avez remises ! Je suis comblé. J’ai déjà eu l’occasion de dire à certains combien cette année m’avait été bénéfique. Je suis arrivé il y a un an, le cœur en bandoulière, un peu perdu tant au sujet de mon passé que de mon avenir. Je vous avais demandé de prier pour moi et vous avez été nombreux à m’offrir encore cette charité. Aujourd’hui, je bénis le Seigneur qui m’a comblé en convoquant de nombreuses richesses pour me guérir, pour panser ce qui ne pouvait pas – ou ne devait pas – être guéri, pour m’enrichir et me faire grandir, tant humainement que spirituellement. Et il se trouve que ces bénédictions ont notamment été répandues chez vous, par vous, grâce à vous. Soyez bénis ! Le cœur en action de grâce, je termine d’ailleurs cette année en frappant officiellement à la porte de la Communauté Saint-Martin. C’est ainsi que je prends la direction de Brive-la-Gaillarde pour une période dite de « probation » et y exercer désormais le riche et beau ministère confié à moi par l’église.
Pour la gloire de Dieu et le salut des hommes ! Toujours. Per Mariam…
Père Jean- Baptiste MOUILLARD