Nous pouvons être frappés par ce sentiment d’urgence qui ressort de cette phrase de Jésus « les temps sont accomplis », se faisant l’écho des paroles de Saint Paul dans la deuxième lecture « le temps est limité ». Il semble que dans ces nouveaux temps instaurés par la venue du Christ, il n’y a plus de délais possibles pour nous décider. L’ordre de Jésus ne souffre d’aucun retard : convertissez-vous et croyez à l’Evangile ! Cela peut paraître surprenant étant donné que ces mots ont été prononcés il y a 2000 ans. Chaque année qui passe depuis la résurrection relativise un peu plus l’imminence de la venue du Royaume. De même, chaque année ajoutée à notre espérance de vie nous permet de repousser un peu plus loin notre jugement ce qui peut entraîner une certaine procrastination dans notre conversion. Comment pouvons-nous vivre l’urgence de la fin des temps et de l’avènement du Royaume ?
Ce que nous appelons « temps » en français peut être compris de deux manières. La première serait la mesure entre deux moments : une heure, un jour, un an, … La seconde désigne le moment favorable, par exemple lorsque l’on s’écrie « il est temps ! ». En grec, il existe un mot pour chacune de ces deux compréhensions : chronos et kairos. Lorsque Jésus dit « les temps sont accomplis », il utilise le mot kairos, c’est à dire selon la signification de « moment opportun ». Il n’annonce donc pas la fin du temps, mais l’arrivée du temps opportun, de même pour Saint Paul. Quel est donc ce temps favorable dans lequel nous sommes ?
Le temps chronologique nous sert à mesurer la durée qui sépare un moment d’un autre. Il est clair qu’en Dieu, qui est éternel, cette dimension n’existe pas. Dieu vit dans un éternel présent qui lui donne accès à tous les moments de l’histoire en même temps. Le temps chronologique est apparu lorsque Dieu a créé le monde. En effet, avec l’apparition de la matière et du mouvement, apparait également la possibilité de mesurer un temps.
Le temps permet de progresser, de passer d’un état à un état meilleur. A travers les pages de l’Ancien Testament, nous voyons comment Dieu prend le temps de créer le monde, de créer les hommes et de leur révéler sa paternité. Comme un père qui est patient avec ses enfants, il apprend petit à petit à son peuple à le connaître et à l’honorer, à progresser dans sa relation avec Lui.
Cela étant, tout progrès suppose un but, une finalité vers laquelle progresser. Lorsque le but est atteint, et qu’il n’y a plus rien après, le temps s’arrête. Lorsqu’un coureur franchit la ligne, le chronomètre s’arrête de mesurer. Le coureur entre alors dans une autre dimension, celle de savourer ce qui a été accompli. De la même manière, avec le baptême de Jésus, la révélation de Dieu aux hommes franchit la ligne finale. Le projet de Dieu pour sa création atteint enfin son but. Vient alors le moment de savourer ce qui est accompli : notre salut en Jésus. Certes, le temps continuera de s’écouler jusqu’à la fin du monde, mais d’ici là, nous n’avons plus rien à attendre de nouveau : tout a été donné avec Jésus.
Le temps de la révélation est fini. Jésus nous fait entrer dans le temps de l’annonce. Notre mission n’est plus d’attendre que Dieu nous envoie un sauveur, mais de croire qu’il est déjà là et de l’annoncer. Ainsi, nous comprenons cette urgence à nous convertir et à croire. Il faut que le monde sache que Jésus est Seigneur !
D.Louis Gustave de Torcy