Dans cette parabole de Jésus, notre cœur est saisi par les détails qui nous font penser au sacrifice de la Croix, en dehors des murs de Jérusalem. Les vignerons homicides, le fils qui ne dit pas un mot et qui obéit jusqu’à la mort, toutes ces précisons font quasiment glisser le texte de type « parabole » à une prophétie de Jésus. Jésus n’emploie pas ici une simple image de la vie ordinaire comme la graine de moutarde pour nous parler des réalités du Royaume des Cieux. Il construit sur mesure une histoire où chaque détail a son importance pour les auditeurs. Les grands prêtres vont disparaître sous la plume de l’évangéliste (chapitre 21) pour réapparaître seulement au moment du pacte de Judas avec le Sanhédrin
(chapitre 26) et au procès de Jésus. Le découpage liturgique nous a coupé leur réaction amère. Ils voulurent mettre la main sur Jésus pour l’arrêter dès « qu’ils comprirent que c’était d’eux qu’il parlait ». Mais la peur de la foule va les retenir, car cette dernière considérait Jésus comme un prophète.
Dans cette parabole, la réflexion du maître du Domaine ne peut que nous surprendre. En effet après les deux salves de serviteurs envoyés récupérer les fruits de la vigne mais finalement massacrés, le fils nous paraît être le moins bon choix restant. Pour nous, c’est pure folie, mais pour le maître du domaine, c’est une dernière chance : « ils respecteront mon fils ! ». Cette folie (d’amour) est bien celle du Père en nous envoyant son Fils ! C’est vraiment une unique et dernière chance que nous avons de nous convertir. Il n’y aura plus d’autres envoyés. Nous sommes dans l’attente du retour de Jésus dans sa Gloire pour le Jugement.
La mort de l’héritier nous donne à réfléchir. Cette mort est en apparence absurde. Mais elle trouve du sens quand nous en parlons comme d’un sacrifice. « Ma vie, personne ne la prend, c’est moi qui la donne » dit Jésus chez Saint Jean (10,18). Le sacrifice, le don de soi, est l’âme de la Croix. Voici ce que disait le dominicain Henri-Dominique Lacordaire dans un de ses sermons à Notre Dame de Paris : « Le sacrifice n’est ni une œuvre de raison, ni une œuvre de folie, et c’est une œuvre qui domine l’histoire et la vie du genre humain. » La Croix rayonne sur nous encore aujourd’hui car en elle l’amour de Dieu a atteint son paroxysme. Comme un Agneau sans tache, Jésus nous a sauvés dans son amour et dans son obéissance jusqu’à la Croix. Tel a été le prix de sa Gloire.
Ce sacrifice est d’une fécondité infinie. La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle d’un nouvel édifice. Le Christ a bâti son Église, où Juifs et Païens se rejoignent. Chacun d’entre nous, chers paroissiens, avons été choisis et placés dans cette Église. Que le don de nous-mêmes dans les multiples petits services ou dans la communion de prière fasse resplendir la Gloire de Jésus dans notre entourage !
D. Christophe GRANVILLE